A Paris, le deux février mille neuf cent soixante et onze.

Cher André Pieyre de Mandiargues,

Du nid de vermines surchauffées tinte votre voix : « Sur quelle terre sommes-nous tombés, terre des échos d’autrefois ou terre née de l’espérance ? Dans l’esprit de varices et de nacres et d’outremer un fleuve bistre boucle la clef des songes ».

Aux portes de l’imaginaire se tient une fourmi, gousse larvaire jalonnée de grains noirs sur la croûte éteinte d’un âtre racorni. Dans les jarrets du roc une souche clabaude, chien de mer aux nageoires d’ivoire, abandonnée sous le goudron des plages non loin de galets étayés par les acides conques, agriffées à leur papilleuse glotte comme à un goulet corrodé par les flots.

Le long de cette écorce détrempée, passent les chimères et les licornes rousses balançant en silence leur grave et lourde queue dragonnière. Toutes reines ongulées des mythes.

Nul, dit-on, ne parvient là sans un lichen au coeur ou les cheveux poudrés d’un poussier d’aigle noir et les rocs cabochon ajoutent qu’au printemps, les visiteurs doivent encore se munir d’une échine incrustée d’un calvaire pourri s’ils veulent empaler les laminaires voiles de son parvis.

A vous, qui m’écoutez.
Margo Ohayon.