Ta vie, ma soeur, est la peau d’une nuine
qu’on aura démontée à la liquéfaction
pour un usage délétère, né de ces heures
où nous existons moins que le néant.
Pourquoi avoir vécu ? Quel sentiment de perte
nous anime quand nous nous prêtons
au jeu percé de la réalité ?
Je verrai ton visage. Ses mille sourires
expliquent ce que rien ne dit ici
car les gens d’Iglotoir n’ont pas d’yeux
pour parler. Ils rêvent seulement avec leurs mains
et ils rêvent de terre. L’eau fait
défaut. Et même l’air ne fait que faire écran.
Alors, regardons voir. Ma soeur, tu l’es
parce que toi et moi n’avons pas de parents. C’est Tonito
qui t’a demandée en mariage. Moi, je ne fais
que me détruire en toi. Notre héritage,
c’est ce stock oublié de nuines hideuses
que nous consommons l’une après l’autre comme les jours
qui disent détester la vie. Comme la vie
qui conspue la réalité. Et elle,
elle nous enferme dans ce rêve qui n’en est pas un
à la frontière du désert en nous aimant.