C
Campa, Laurence
Critique littéraire, auteur d'un ouvrage sur La poétique de la poésie, incluant un paragraphe sur "Les séries".
Les quatre "Spleen" consécutifs des Fleurs du mal forment un ensemble particulier. Il s'agit de quatre poèmes autonomes qui comportent le même titre. Néanmoins, ils partagent des caractéristiques thématiques et formelles. Leur interdépendance est moins grande que celle des poèmes disposés en suite, mais plus grande que celle des poèmes dispersés qui traitent du même thème. Ils forment une série relativement autonome à l'intérieur de la section "Spleen et idéal". Ce type de série articule à la structure générale de la section et du recueil une organisation de détail qui renforce l'intégration du poème à son contexte sans lui ôter son autonomie relative.
Char, René
Poète. Issu du surréalisme, René Char deviendra, après 1945, une figure emblématique de la poésie française. La mention de "série" est rare dans son oeuvre, et n'intervient, sauf erreur, que dans des contextes de prose.
Le Marteau sans maître
Deux êtres également doués d'une grande loyauté sexuelle font un jour la preuve que leurs représentations respectives pendant l'orgasme diffèrent totalement les unes des autres : représentations graphiques continuelles chez l'un, représentations chimériques périodiques chez l'autre. Elles diffèrent au point que les nappes de visions au fur et à mesure de leur formation obtiennent le pouvoir d'engendrer une série de conflits mortels d'origine minérale mystérieuse, constituant dans le règne une nouveauté dont le déni d'amour radicalement insoluble semble l'expression naturelle.
Aromates chasseurs
Il arrive que des actions légères se déploient en événements inouis. Qu'est-ce que l'inepte loi des séries comparée à cette crue nocturne ?
Chaunu, Pierre
Historien, promulgateur de l'"histoire sérielle", dénomination qu'il emploie systématiquement à la différence de ses collègues Fernand Braudel et Emmanuel Le Roy Ladurie.
L’originalité de la méthode sérielle appliquée à l’étude dans le temps d’un ensemble de phénomènes naturels, de l’histoire sérielle de la nature, poussée par Le Roy Ladurie à un point de perfection provisoire, réside dans la mobilisation, au service de la connaissance de la nature, du témoignage humain élaboré suivant les méthodes de l’histoire critique et sérielle.
la plus précieuse de toutes les extensions de l’histoire sérielle est constituée aujourd’hui par l’histoire démographique et ses possibilités presque illimitées
L’histoire sérielle, est-il besoin de le rappeler, est intimement liée à la démographie.
Le couple. -- Voyez les sinusoïdes spatiales et temporelles de l’illégitimité. Voyez, en France le rétrécissement jusqu’à l’absurde du temps des fiançailles et leur remplacement par l’approche tacite traditionnelle de ce que nous proposons d’appeler les accordailles. Voyez, surtout, l’étude sérielle des motivations, telles que les immenses séries de dispenses commencent à les dévoiler. Bien sûr, il faut décoder. Retrouver, à travers l’arrangement du prêtre qui rédige la dispense, des motivations vraies de ceux qui appartiennent à la tradition orale, oui-dire et voir-faire. Mais nous mesurons, dès maintenant, la distance de la France des XVIIe et XVIIIe siècles entre la conception théologique canonique du mariage et l’expérience affective des masses. D’abord l’empire des mots, les dits et les sous-entendus. Toujours la complémentarité fonctionnelle, plus encore qu’économique, et jamais le désir de descendance. Entre les deux paroles à la Genèse, ‘il n’est pas bon que l’homme soit seul’ de la version jahviste et le ‘Croissez et multipliez’ de la version éloïste, le premier axe, toujours, émerge ; le second, jamais. Parmi les acquis en cours, après l’abandonau XVIe siècle des abstinences sexuelles de Carême, les tentatives de résurgence au niveau de mai. Une ascétique que nous avons mise en relation avec la pratique du coïtus interruptus, voire de l’amplexus reservatus.
Claudel, Paul
Poète. Chrétien fervent à une époque marquée par le scientisme (on se rapportera à Cournot*), son usage de la série dans l'Art poétique a une dimension polémique.
L'art poétique
Un adage assourdissant, réductible au seul bruit, emplit la feuille de tous les livres: Pas d’effet sans cause ! Mais oserais-tu, ô creuse cigale, moduler aussi bien entre mes doigts : Point de cause sans effet ? Je ne l’attends point, et je répète après toi : Oui, point d’effet sans causes. Sans causes au pluriel.
Car la cause n’est jamais une. La série des abstractions nous réduit aux idées premières du mouvement et de la masse, du moteur et du mobile, ou plus grossière, d’une influence extérieure sur toute chose donnée manifestée par un mouvement local. C’est ce couple d’un sujet et d’une action sur le sujet exercée du dehors, qui constitue proprement la cause. Agencement infiniment variable dans ses modes, autant que chaque effet à produire.
Réflexions et propositions sur le vers français
1° La phrase française est composée d'une série de membres phonétiques ou ondes courtes avec accentuation et insistance plus ou moins longue de la voix sur la dernière syllabe. Ce caractère spécial du français a été étudié par un remarquable éducateur, M. L. Marchand, qui y voit la raison de ce qu'il appelle les doublets phonétiques, comme tu et toi, il et lui, etc., le même mot changeant de forme suivant la place qu'il occupe dans le phonème.De même on prononce dix sé sous et un franc dix sett, tou les enfants et ils y sont touss, appeler et j'appelle. Les syllabes ne sont donc en français par elles-mêmes nib brèves ni longues, et le phonème se compose d'une longue qui est toujours la dernière syllabe et d'un nombre variable et à peu près indifférent de syllabes neutres qui sont par rapport à elle toujours brèves quel que soit leur titre orthographique. (Déjà en latin Quintilien avait remarqué qu'il n'y avait ni brèves ni longues, mais breviores longioresque.) C'est ainsi que dans le beau vers emprunté au code pénal que je citais tout à l'heure et dont j'indique sommairement la scansion :
Sera mis de plus pendant la durée de sa peine - en état d'interdiction légale.
Les quatre syllabes lourdes d'interdiction sont traitées par la voix comme des brèves par rapport à la longue (fictive) de légale. Il est donc faux de dire qu'en français la quantité n'existe pas. Non seulement elle existe, mais elle est peut-être plus fortement marquée que dans aucune autre langue. On peut dire aussi que le français est composé d'une série d'iambes dont l'élément long est la dernière syllabe du phonème et l'élément bref un nombre indéterminé pouvant aller jusqu'à cinq ou six de syllabes indifférentes qui le précèdent.
Cocteau, Jean
Cet auteur, qui a fréquenté nombre de personnalités importantes du XXe siècle, a connu une certaine gloire.
Je me demande comment les gens peuvent écrire la vie des
poètes, puisque les poètes eux-mêmes ne
pourraient écrire leur propre vie. Il y a trop de mystères,
trop de vrais mensonges, trop d'enchevêtrement.
Que dire
des amitiés passionnées qu'il faut confondre avec
l'amour et qui sont tout de même autre chose, des limites de
l'amour et de l'amitié, de cette zone du cœur auquel des
sens inconnus participent et que ne peuvent comprendre ceux qui
vivent en série ?
Comte, Auguste
Fondateur de la philosophie positive et de la religion de l'humanité. Fortement contesté, il n'en a pas moins exercé une influence décisive sur la structure de nos connaissances qu'il tenta d'organiser sous le titre de "série encyclopédique des sciences"
Sans doute, les phénomènes collectifs de l’espèce humaine reconnaissent pour dernière cause, comme ses phénomènes individuels, la nature spéciale de son organisation. Mais l’état de la civilisation humaine à chaque génération ne dépend immédiatement que de celui de la génération précédente, et ne produit immédiatement que celui de la suivante. Il est possible de suivre, avec toute la précision suffisante, cet enchaînement, à partir de l’origine, en ne liant d’une manière directe chaque terme qu’au précédent et au suivant. Il serait, au contraire, absolument au-dessus des forces de notre esprit de rattacher un terme quelconque de la série au point de départ primitif, en supprimant toutes les relations intermédiaires.
La marche de la civilisation ne s’exécute pas, à proprement parler, suivant une ligne droite. Elle se compose d’une suite d’oscillations progressives, plus ou moins étendues et plus ou moins lentes, en deça et au-delà d’une ligne moyenne, comparables en cela à celles que présente le mécanisme de la locomotion .
Cournot, A.A..
Philosophe "vitaliste". Offrant un compromis entre le scientisme et la doctrine catholique, sa philosophie, qui incorpore les acquis de la science statistique, exerça une influence certaine jusqu'au début du XXe siècle. Le mot "série" est d'une fréquence remarquable, mais d'une grande lâcheté sémantique, dans ses écrits. Lalande* lui reprochera d'ailleurs un emploi exagéré de séérie linéaire.
Les faits qui arrivent par hasard ou par combinaison fortuite, bien loin de déroger à l’idée de causalité, exigent pour leur production le concours de plusieurs causes ou séries de causes. Le caractère de fortuité n’appartient qu’au caractère d’indépendance des causes concourantes.
On connait la théorie d’Aug. Comte et de son école au sujet de la superposition des sciences : la science supérieure ne pouvant prendre un commencement de constitution qu’après que la science inférieure, d’une nature moins compliquée, est déjà constituée suffisamment (...) Comte donne pour exemple le passage des sciences physico-chimiques à la biologie, en quoi il est pleinement dans le vrai. Il argüe encore du passage de la biologie à ce qu’il appelle du nom barbare de sociologie, et selon nous ce second exemple porte à faux... Il y a là enchevêtrement plutôt que superposition.
Le HASARD ! Ce mot répond-il à une idée qui ait sa consistance propre, son objet hors de nous, et ses conséquences qu’il ne dépend pas de nous d’éluder, ou n’est-ce qu’un vain son, flatus vocus, qui nous servirait, comme l’a dit Laplace, à déguiser l’ignorance où nous serions des véritables causes ? [...] Non, le mot de hasard n’est pas sans relation avec la réalité extérieure ; il exprime une idée qui a sa manifestation dans des phénomènes observables et une efficacité dont il est tenu compte dans le gouvernement du monde. [...] Cette idée est celle de l’indépendance actuelle et de la rencontre accidentelle de diverses chaînes ou séries de causes [...]
Le langage est une collection de signes discontinus, et les phénomènes naturels à la description desquels il doit s’attaquer sont pour la plupart soumis à la loi de continuité. Ces signes ne peuvent se ranger dans le discours qu’en série linéaire. (p. 78) [sic] et l’on fausse, on disloque la plupart des rapports naturels quand on leur impose un ordre linéaire.
Cuvier, Georges
Naturaliste français. Si l'on n'a pas encore relevé dans cet auteur un emploi exceptionnel de "série", il apparait manifestement celui qui, sur le plan conceptuel, a introduit une notion de discontinuité dans l'échelle des êtres, jusque là marquée par le postulat de la continuité. C'est en tout cas le rôle que lui attribuent aussi bien Henri Daudin* que Michel Foucault*.
Cette longue série de collines sableuses, appuyées sur deux pentes de l'Apennin dans presque toute la longueur de l'Italie, et renfermant partout des coquilles parfaitement conservées, souvent encore colorées et nacrées, et dont plusieurs ressemblent à celles de nos mers, serait aussi bien importante à connaître ; il faudrait en suivre toutes les couches, déterminer les fossiles de chacune, les comparer à ceux des autres couches récentes, de celles de nos environs par exemple ; en lier la série d'une part avec les terrains plus solides et plus anciens, de l'autre avec les alluvions récentes du Pô, de l'Arno, et de leurs affluents ; fixer leurs rapports avec les innombrables masses de produits volcaniques qui s'interposent entre elles ; examiner enfin la situation mutuelle des diverses sortes de coquilles, et de ces ossements d'éléphants, de rhinocéros, d'hippopotames, de baleines, de cachalots, de dauphins, dont beaucoup de ces collines abondent. Je n'ai de ces collines basses de l'Apennin que la connaissance superficielle qu'a pu m'en fonner un voyage fait pour tant d'autres objets ; mais je suis persuadé qu'elles recèlent le vrai secret des dernières opérations de la mer.
Combien n'est-il pâs d'autres couches, même célèbres par leurs fossiles, que l'on ne sait point encore lier à la série générale, et dont l'ancienneté relative est par conséquent encore indéterminée ?