Claudel, Paul
Poète. Chrétien fervent à une époque marquée par le scientisme (on se rapportera à Cournot*), son usage de la série dans l'Art poétique a une dimension polémique.
Connaissance de l'Est
Le chemin que nous suivons est singulier: par une série de venelles, de passages, d'escaliers et de poternes, nous débouchons dans la cour du temple, qui, de ses bâtiments aux faîtes onglés, aux longues cornes angulaires, fait au ciel nocturne un cadre noir.
L'art poétique
Un adage assourdissant, réductible au seul bruit, emplit la feuille de tous les livres: Pas d’effet sans cause ! Mais oserais-tu, ô creuse cigale, moduler aussi bien entre mes doigts : Point de cause sans effet ? Je ne l’attends point, et je répète après toi : Oui, point d’effet sans causes. Sans causes au pluriel.
Car la cause n’est jamais une. La série des abstractions nous réduit aux idées premières du mouvement et de la masse, du moteur et du mobile, ou plus grossière, d’une influence extérieure sur toute chose donnée manifestée par un mouvement local. C’est ce couple d’un sujet et d’une action sur le sujet exercée du dehors, qui constitue proprement la cause. Agencement infiniment variable dans ses modes, autant que chaque effet à produire.
Réflexions et propositions sur le vers français
1° La phrase française est composée d'une série de membres phonétiques ou ondes courtes avec accentuation et insistance plus ou moins longue de la voix sur la dernière syllabe. Ce caractère spécial du français a été étudié par un remarquable éducateur, M. L. Marchand, qui y voit la raison de ce qu'il appelle les doublets phonétiques, comme tu et toi, il et lui, etc., le même mot changeant de forme suivant la place qu'il occupe dans le phonème.De même on prononce dix sé sous et un franc dix sett, tou les enfants et ils y sont touss, appeler et j'appelle. Les syllabes ne sont donc en français par elles-mêmes nib brèves ni longues, et le phonème se compose d'une longue qui est toujours la dernière syllabe et d'un nombre variable et à peu près indifférent de syllabes neutres qui sont par rapport à elle toujours brèves quel que soit leur titre orthographique. (Déjà en latin Quintilien avait remarqué qu'il n'y avait ni brèves ni longues, mais breviores longioresque.) C'est ainsi que dans le beau vers emprunté au code pénal que je citais tout à l'heure et dont j'indique sommairement la scansion :
Sera mis de plus pendant la durée de sa peine - en état d'interdiction légale.
Les quatre syllabes lourdes d'interdiction sont traitées par la voix comme des brèves par rapport à la longue (fictive) de légale. Il est donc faux de dire qu'en français la quantité n'existe pas. Non seulement elle existe, mais elle est peut-être plus fortement marquée que dans aucune autre langue. On peut dire aussi que le français est composé d'une série d'iambes dont l'élément long est la dernière syllabe du phonème et l'élément bref un nombre indéterminé pouvant aller jusqu'à cinq ou six de syllabes indifférentes qui le précèdent.