Cournot, A.A..
Philosophe "vitaliste". Offrant un compromis entre le scientisme et la doctrine catholique, sa philosophie, qui incorpore les acquis de la science statistique, exerça une influence certaine jusqu'au début du XXe siècle. Le mot "série" est d'une fréquence remarquable, mais d'une grande lâcheté sémantique, dans ses écrits. Lalande* lui reprochera d'ailleurs un emploi exagéré de séérie linéaire.
Les faits qui arrivent par hasard ou par combinaison fortuite, bien loin de déroger à l’idée de causalité, exigent pour leur production le concours de plusieurs causes ou séries de causes. Le caractère de fortuité n’appartient qu’au caractère d’indépendance des causes concourantes.
On connait la théorie d’Aug. Comte et de son école au sujet de la superposition des sciences : la science supérieure ne pouvant prendre un commencement de constitution qu’après que la science inférieure, d’une nature moins compliquée, est déjà constituée suffisamment (...) Comte donne pour exemple le passage des sciences physico-chimiques à la biologie, en quoi il est pleinement dans le vrai. Il argüe encore du passage de la biologie à ce qu’il appelle du nom barbare de sociologie, et selon nous ce second exemple porte à faux... Il y a là enchevêtrement plutôt que superposition.
Le HASARD ! Ce mot répond-il à une idée qui ait sa consistance propre, son objet hors de nous, et ses conséquences qu’il ne dépend pas de nous d’éluder, ou n’est-ce qu’un vain son, flatus vocus, qui nous servirait, comme l’a dit Laplace, à déguiser l’ignorance où nous serions des véritables causes ? [...] Non, le mot de hasard n’est pas sans relation avec la réalité extérieure ; il exprime une idée qui a sa manifestation dans des phénomènes observables et une efficacité dont il est tenu compte dans le gouvernement du monde. [...] Cette idée est celle de l’indépendance actuelle et de la rencontre accidentelle de diverses chaînes ou séries de causes [...]
Le langage est une collection de signes discontinus, et les phénomènes naturels à la description desquels il doit s’attaquer sont pour la plupart soumis à la loi de continuité. Ces signes ne peuvent se ranger dans le discours qu’en série linéaire. (p. 78) [sic] et l’on fausse, on disloque la plupart des rapports naturels quand on leur impose un ordre linéaire.