David-Neel, Alexandra
Ethnologue, elle sera l'une des premières à s'intégrer au populations de l'Himalaya et d'en gagner la confiance.
Ceux d'entre les Bouddhistes qui adhèrent à la conception particulière du pratîtyasamûtpâda qui vient d'être exposée ci-dessus, conçoivent généralement ces vies successives sous la forme de "séries" (santâno) de "lignes" autonomes qui vont leur train et dont l'origine, inconnaissable, se perd dans la nuit des temps. C'est à ces "séries" que ces Bouddhistes appliquent la déclaration attribuée au Bouddha : "inconnaissable est le commencement des êtres enveloppés par l'ignorance, que le désir conduit à de continuelles renaissances". D'après les auteurs de cette théorie, ces "séries", sans commencement perceptible, peuvent avoir une fin, cette fin constituant dans la cessation de l'activité de la "série" qui atteint, alors, le nirvâna.
Fidèles à la doctrine qui nie l'existence du "moi", doctrine professée - au moins théoriquement - par toutes les sectes bouddhistes, les adhérents de la théorie des "séries" ne manquent pas d'affirmer que la "série" est un simple processus au coeur duquel il n'existe aucun individu, aucun "moi". Cependant, en dépit de leurs explications, nous ne pouvons manquer de voir une forme déguisée du "moi" dans cette idée de "série", de "ligne" de vie qui traverse les âges en tant que processus isolé.
Le jeu du pratîtyasamûtpâda appelle des rapports avec le dehors, avec ce qui est extérieur à la "série". Les sens ne produisent la sensation qu'après qu'ils ont eu contact avec un objet. Cet objet est extérieur à eux et il s'agit, par exemple, d'un contact d'idée, "l'idée-objet" appartient nécessairement à une autre "série" que celle qui éprouve la sensation due au contact avec cette idée. Un élément étranger pénètre donc dans la "série" qui a éprouvé le contact et la sensation qui s'est ensuivie. Cette introduction d'un élément étranger dans une "série" particulière, la communion de celle-ci avec une autre "série" détruiront l'autonomie de la première, modifieront la marche de son activité et feront qu'elle entraînera dorénavant, unie à elle, une part d'une autre "série" qui partagera son sort.
Que la "série" soit composée, comme on nous le dit, de moments successifs, sans aucun "fil" qui les relie entre eux et passe de l'un à l'autre, comme le fil passe à travers chaque perle d'un collier, il n'en demeure pas moins que tant qu'on la représente comme cheminant, parfaitement autonome, à travers le temps et parvenant, isolément, à la cessation, assimilée au nirvâna, une idée de personnalité y restera attachée. L'indépendance totale d'une "série" de ce genre, vis-à-vis des innombrales "autres séries" est d'ailleurs impossible.