O,P,Q


Pécherot, Patrick


Romancier, auteur d'une nouvelle intitulée "Série B". Une série appelant l'autre, on ne s'étonnera pas de rencontrer une "série noire" dans ce récit, par le biais d'un article de presse :


L'article faisait pendant à un publi-reportage vantant les prodiges de la Pierre des Pharaons, témoignage d'une ex-speakerine à l'appui.


"L'acteur était opublié du public, pas de la justice.

"Mauvais remake de Razzia sur la schnouf. Le comédien Perry Winckle, second rôle du film de gangsters des années 1960, a été condamné à deux ans de prison pour détention de stupéfiants. Cet ultime épisode judiciaire d'une carrière en dents de scie inscrit le mot fin sur un parcours cinématographique chaotique. Perry Winckle avait connu l'âge d'or d'Hollywood avant de s'exiler à Paris où sa silhouette massive et sa présence incontestable en avaient fait une "gueule" des séries noires à la française. Mais on ne vit que deux fois. Tombé dans l'oubliii, l'acteur avait quitté la page des spectacles pour la rubrique des faits divers. Ivresse sur la voie publique, coups et blessures, attentats à la pudeur... depuis ses démélés avec la justice lui tenaient lieu de Césars [...]"


Pérec, Georges


Romancier. Pérec a une pratique de la série qui se situe à la fois sur le plan de la taxinomie, et dans une référence au dodécaphonisme de Schoenberg, à qui la structure de La Vie mode d'emploi fait d'ailleurs explicitement référence. Pérec procède ainsi à une extension de la notion de contrainte sérielle, jusque là limitée au domaine musical.


Entretien avec Jean-Marie Le Sidaner


Chacun des cent soixante seize textes de ce recueil est un onzain, un poème de onze vers, dont chaque vers a onze lettres. Chaque vers utilise une même série de lettres différentes, quelque chose comme une gamme, dont les permutations produiront le poème selon un principe analogue à celui de la musique sérielle : on ne peut répéter une lettre avant d'avoir épuisé la série. Tous les poèmes ont en commun les dix lettres les plus fréquentes de l'alphabet français : E,S,A,R,T,I,N,U,L,O. La onzième lettre est l'une des seize lettres restantes. Il y a onze poèmes en B, onze poèmes en C, etc...»


J'ai choisi d'appeler " poésie " des textes engendrés par des contraintes difficiles.(...) Je n'envisage pas pour l'instant d'écrire de la poésie autrement qu'en m'imposant de telles contraintes, même si je les assouplis. (...) L'intense difficulté que pose ce genre de production et la patience qu'il faut pour parvenir à aligner par exemple onze "vers" de onze lettres chacun ne me semble rien comparées à la terreur que serait pour moi d'écrire "de la poésie" librement. Mais peut-être oserai-je un jour le faire.


Penser / Classer


7) l'alphabet


Plusieurs fois je me suis demandé quelle logique avait présidé à la redistribution des six voyelles et des vingt consonnes de notre alphabet : pourquoi d'abord A, et ensuite B, et ensuite C, etc ?

L'impossibilité évidence de toute réponse a, au départ, quelque chose de rassurant : l'ordre alphabétique est arbitraire, inexpressif, donc neutre : objectivement A ne vaut pas plus que B, l'ABC n'est pas un signe d'excellence, mais seulement de commencement (l'ABC du métier).

Mais sans doute suffit-il qu'il y ait ordre pour qu'insidieusement la place des éléments dans la série se charge, tôt ou tard et peu ou prou, d'un coefficient qualitatif : ainsi un film de série "B" sera-t-il considéré comme "moins bon" qu'un autre film que, d'ailleurs, on n'a encore jamais songé à appeler film de série "A" ; ainsi un fabriquant de cigarettes qui fait imprimer ses ses paquets "Class A" veut-il nous laisser entendre que ses cigarettes sont supérieures à d'autres.

Le code qualitatif n'est pas très fourni ; en fait, il n'a guère que troiiis éléments :

A = excellent

B = moins bon

Z = nul (film de série "Z")

Mais ça ne l'empèchera pas d'être un code et de superposer à une série par définition inerte tout un système hiérarchique.



La Vie mode d'emploi


Ce roman est sans doute le seul texte littéraire qui se puisse qualifier de "sériel" (par référence à la dodécaphonie). La référence n'épuise pas la structure de l'ouvrage, lojn s'en faut, mais le système des contraintes s'apparente de près au "sérialisme intégral" des compositeurs post-sériels. Chaque chapître est structuré par la liste de contraintes reproduite ci-dessous, et dont les possibilités observent une répartition mathématique. Les références à la musique sérielles sont elles-mêmes ordonnéées à partir de la contrainte "musique" incluse dans la liste.


POSITION

ACTIVITE

CITATION 1

CITATION 2

MANQUE NOMBRE

(place variable) RÔLE

3e SECTEUR

RESSORT ?

MURS

SOLS

EPOQUE

LIEU

STYLE

MEUBLES

FAUX LONGUEUR

(place variable) DIVERS

AGE ET SEXE

ANIMAUX

VETEMENTS

TISSUS (nature)

TISSUS (matière)

COULEURS

ACCESSOIRES

BIJOUX

LECTURES

MUSIQUE

TABLEAUX

LIVRES

BOISSONS

NOURRITURE

PETITS MEUBLES

JEUX ET JOUETS

SENTIMENTS

PEINTURES

SURFACES

VOLUMES

FLEURS ?

BIBELOTS

MANQUE

FAUX


élément de la liste

COUPLE

COUPLE


Née en Russie aux débuts du siècle, Véra Orlova [...] s'en enfuit au printemps dix-huit et s'installa d'abord à Vienne où elle fut l'élève de Schönberg au Verein für musikalishe Privataufführung. Ayant suivi Schönberg à Amsterdam, elle se sépara de lui quand il retourna à Berlin, vint à Paris et donna à la salle Erard une série de récitals.


[Grégoire Simpson] se plantait comme une statue en face d'un marchant de fournitures pour vitrines montrant dans la sienne non seulement des mannequins à taille de guèpe et des présentoirs ne présentant qu'eux-mêmes, mais encore toute une gamme de calicots, d'étiquettes et de panonceaux


SOLDES


fins de séries


ARTICLE EXCEPTIONNEL


NOUVEAUTE


Notre Toute Dernière Création


EXCLUSIVITE


qu'il regardait pendant des minutes entières comme s'il n'en finissait pas de ruminer sur le paradoxe logique inhérent à ce genre de vitrines.



Sur le petit bureau où David Marcia se tient pendant la journée se trouve un classique de bibliographie numismatique, le Recueil des monnaies de la Chine, du Japon, etc. par le baron de Chaudoir, et un carton d'invitation à la création mondiale de Suite sérielle 94 d'Octave Coppel.



Piaget, Jean


Psychologue, spécialiste de la psychologie de l'enfant. Quoique controversées, ses théories ont eu et ont enccore une influence considération. En témoigne notamment sa conception de la "sériation" dans le développement psychologique de l'enfant.


Le problème des relations entre le langage et la pensée peut alors être posé à propos de ces opérations concrètes dans les termes suivants : le langage est-il la seule source des classifications, des sériations, etc. qui caractérisent la forme de pensée liée à ces opérations, ou bien au contraire ces dernières sont-elles relativement indépendantes du langage ? Voici un exemple très simplifié : tous les OIseaux (=classe A) sont des Animaux (classe B), mais tous les animaux ne sont pas des Oiseaux car il existe des Animaux non-Oiseaux (classe A'). Le problème est alors de savoir si les opérations A + A' = B et A = B - A' proviennent du langage seul, ou si ces opérations ont des racines plus profondes que le langage. On peut poser un problème analogue à propos des sériations A < B < C <... etc.

[...] De même, avant d'être capable de sérier des objets évoqués par le pur langage (par exemple dans le test de Burt : "Edith est plus blonde que Suzanne et en même temps plus brune que Lili : laquelle est la plus foncée des trois ?") l'enfant ne saura construire que des séries sous forme de configurations dans l'espace, telle que des réglettes de longueur croissante, etc. Les opérations +, -, etc. sont donc des coordinations entre actions avant de pouvoir être transposées sous une forme verble et ce n'est donc pas le langage qui est cause de leur formation [...]

Lorsque, au cours de la seconde année, un bébé soulève une couverture sous laquelle on vient de placer une montre, et que, au lieu de trouver d'emblée la montre, il aperçoit un béret ou un chapeau [...] il soulève alors immédiatement le béret et s'attend à y découvrir la montre ; il comprend donc, en action, une sorte de transitivité des trelations que l'on pourrait exprimer comme suit en âroles : "la montre était sous le chapeau, le chapeau était sous la couverture, donc la montre est bien sous la couverture". Une telle transitivité en actions constitue ainsi l'équivalent fonctionnel de ce que sera, sur le plan représentatif, la transitivité des relations sériales ou celles des emboîtement topologiques et même des inclusions de classes.



Picoche, Jacqueline.


Lexicologue et lexicographe, auteur d'un remarquable Dictionnaire étymologique du français, dans lequel les mots sont regroupés par leur base. Picoche est également auteur d'un Précis de lexicologie française.


Précis de lexicologie


Les mots s'organisent souvent en série de dérivés tous motivés par rapport au mot de base. Motivation toute relative d'ailleurs puisque le mot de base et les affixes restent des signes arbitraires et que les faits d'homophonie peuvent troubler la netteté de cette motivation : faire, défaire, refaire, constituent une série (relativement) motivée : tache, tacher, détacher, attacher, attachement, détachement ne constituent pas une série, mais deux ; enfin, un mot comme dégliguer ne s'oppose ni à *glinguer, ni à *reglinguer.


Dictionnaire étymologique du français


La linguistique structurale - paradoxalement, étant donné son orientation non historique - a apporté récemment, grâce à la notion de "série", une contribution très intéressante à l'élucidation d'un certain nombre de mots de caractère populaire et expressif jusqu'ici expliqués de manière peu satisfaisante, ou totalement inexpliqués. Notre dictionnaire lui doit principalement ses tentatives de regroupements des mots à base onomatopéique ou expressive ; sa présentation par séries des mots comportant une base phonétique commune et provenant d'un "étymon" ou "mot-source" commun ; enfin, le rassemblement en quatre annexes des mots fondés sur un redoublement syllabique ou consonantique, des mots ayant pour étymon plus ou moins lointain l'onomatopée d'un cri animal, et des mots ayant pour étymon un nom propre de personne ou de lieu.



DÉSERT Famille du lat. serere, sertus "attacher à la file", auquel se rattachent  1. Series "enfilade.  2. Sermo, -onis, à l'origine "enfilade de mots", d'où "discours".  3. Adserere ", à l'origine "attacher à soi", spécialisé dans la langue juridique, "amener par la main une personne devant le juge, pour affirmer qu'elle est libre ou esclave", d'où "plaider une cause", "affirmer".  4. Deserere "se détacher de", "déserter", d'abord terme de la langue milit. devenu synonyme de relinquere "abandonner" : desertum, part. passé neutre substantivé, "abandonné, désert" ; traduit, dans la langue de l'église, le gr. erèmos "solitude" ( ERMITE). 5. Disserere "enchaîner à la file des raisonnements", d'où dissertare "exposer".  6. Inserere "introduire", "intercaler".


1. Désert (forme identique, que l'évolution soit pop. ou sav.) XIe s., adj. : desertus ; XIIe s., subst. : desertum ; Déserter XIIe s. "abandonner une personne ou un endroit". XVIIe s. Sens militaire sous l'infl. de l'équivalent it. : bas lat. desertare, dér. de desertus ; Déserteur XIIIe s. : desertor ; Désertion (sav.) XIVe s. jur., XVIIe s., milit.: desertio. 2. Assertion (sav.) XIVe s. : assertio "affirmation" de asserere. 3. Disserter (sav.) XVIIIe s. : dissertare ; Dissertation XVIIe s. : dissertatio. 4. Insérer (sav.) XIVe s. : inserere ; Insertion XVIe s. : bas lat. insertio. 5. Série (sav.) XVIIIe s. : series ; Sérier, sériel XIXe s. 6. Sermon (peut être sav. ou pop.) Xe s. : sermo, -onis ; Sermonner Xe s. ; Sermonner XIIe s. ; Sermonneur XIIIe s. ; Sermonnaire XVIe s.



Pleynet, Marcelin


Critique d'art, auteur entre autres d'un 'ourvage de référence Système de la peinture.


Ces toiles de Mondrian, à partir du Bois près Oèle, les séries des Meules, des arbres, des dunes, des tours, ces toiles restent prisonnières d'un espace subjectif, que le peintre tente de réduire par aplatissement, mise en évidence du plan vertical du sujet (ceci étant plus particulièrement valable pour les séries des meules et des tours, comme pour les trois nus qui composent le trityque de Evolution.



Prévost, Antoine François (dit Abbé Prévost)


Ecrivain, auteur de Manon Lescaut et d'un Manuel lexique ou Dictionnaire portatif des mots françois dont la signification n'est pas familière à tout le monde (1750)


SERIE, s.f. Mot tiré du latin, qui signifie suite régulière, ou ordre régulier de choses qui se suivent. Il n'est guéres en usage que dans l'Arithmétique & l'Algèbre.



Proudhon, Joseph


Philosophe, théoricien de l'anarchie. C'est dans Création de l'ordre qu'il donne les aperçus les plus développés de sa "dialectique sérielle". Si la notion de "série" démarque l'influence de Charles Fourier sur Proudhon, ce dernier donne à cette notion une acception spécifique. Linguistiquement, Proudhon est à l'origine des principaux dérivés de "série" : "sériel", mais aussi "sériation".


Système des contradictions économiques ou philosophie de la misère


La science sociale doit embrasser l' ordre humanitaire, non-seulement dans telle ou telle période de sa durée, ni dans quelques-uns de ses éléments ; ais dans tous ses principes et dans l' intégralité de son existence : comme si l'évolution sociale, épandue dans le temps et l' espace, se trouvait tout à coup ramassée et fixée sur un tableau qui, montrant la série des âges et la uite des phénomènes, en découvrirait l' enchaînement et l' unité. Telle doit être la science de toute réalité vivante et progressive ; telle est incontestablement la science sociale.


Quand je dis : tout produit vaut les produits qu' il a coûtés, cela signifie que tout produit est une unité collective qui, sous une forme nouvelle, groupe un certain nombre d' autres produits consommés en des quantités diverses. D' où il suit que les produits de l' industrie humaine sont, les uns par rapport aux autres, genres et espèces, et qu' ils forment une série du simple au composé, selon le nombre et la proportion des éléments, tous équivalents entre eux, qui constituent chaque produit. Peu importe, quant à présent, que cette série, ainsi que l' équivalence de ses éléments, soit plus ou moins exactement exprimée dans la pratique par l' équilibre des salaires et des fortunes : il s' agit avant tout du rapport dans les choses, de la loi économique.


Oeuvres choisies


Ce texte, établi par Jean Bancal*, réunit par un assemblage de citations les principales idées de Proudhon, assemblées de façon thématique. N'ayant pas eu accès à Création de l'ordre, je donne ici les principaux extraits de son ouvrage consacrés à "l'idéo-réalisme proudhonien".


Suivant Platon, les idées viennent de Dieu, en qui elles existent substantiellement ; elles sont préformées dans les âmes avant leur sortie de l'Elysée et leur union à des corps : les sensations ne font qu'évoquer dans l'esprit la réminescence. Ainsi nous n'acquérons pas nos idées, suivant PLaton, nous nous en souvenons. [...]

Aristote, ou pour mieux dire, l'école qui l'a pris pour chef, faisait dépendre toutes les idées de la sensation ; de là l'e célèbre aphorisme : rien n'est dans l'entendement qui n'ait été auparavant dans les snes.

On a objecté que la sensation était tout au plus l'occasion, moyen ou véhicule de l'idée, mais non pas cause [...]

Pour moi, toutes nos idées, soit intuition, soit conceptions, proviennent de la même source, l'action simultanée, conjointe, adéquate et au fond identique des sens et de l'entendement [...] (Créat. de l'O, chap. III)


Ce que l'esprit voit dans les choses, ce sont leurs différences, espèces, séries et groupes, en un mot, leur raison. (Just. Philos. Popul.)


La série est un assemblage d'unités rassemblées par un lien commun que nous avons appelé raison ou rapport (Créat. de l'O, chap. III).


Qu'est-ce qu'une idée ? L'intuition d'une série [...] La série, c'est-à-dire [...] un rapport différentiel engendrant synthèse, totalisation, groupe [...]

L'idée de série est [...] toute d'expérience [...]

L'esprit, en parcourant la chaîne des séries [...] passe continuellement de l'idée à la sensation et vice versa. Ce qui donne lieu à l'idée se nomme rapport.

Que la diversité soit dans la nature, et la synthèse dans le moi, ou bien que toutes les deux soient dans l'objet, et seulement la faculté de les apercevoir dans le sujet : n'est-ce pas, au fond, par rapport à la connaissance, toujours la même chose ? [...] La pensée est la synthèse de deux forces antithétiques, l'unité subjective et la multiplicité objective de sorte que nous avons le droit de poser cet aphorisme : ce que les sens révèlent est adéquat à ce que pense la raison et réciproquement : toute série construite dans l'entendement est possible à l'expérience. (Créat. de l'O., chap. III)


Ainsi, l'idée est l'aperception d'une série [...] l'intelligence du rapport qui sous un point de vue donné constitue cette série [...] La série n'est point une forme de l'entendement [...], elle est d'abord une impression de la réalité sur l'entendement [...],

Il est des séries réelles, et des séries idéelles. Les premières formées d'éléments [...] indissociables ; les secondes composées d'unités pour ainsi dire conventionnelles, créées par une sériation logique de l'entendement, par conséquent susceptibles [...] de transcription. En fait, l'industrie humaine consiste dans le maniement de réalités sériées ou si l'on aime mieux dans la substitution de séries idéelles aux séries naturelles des corps [...] la série idéelle étant un calque de la série réelle [...]

Mais s'il est possible, par l'observation de découvrir les lois essentielles de toute série [...] la connaissance des lois du vrai ne supplée en rien à l'expérience, elle ne fait que la diriger et la servir (Créat. de lO., chap. VI)


Toutes les loiss, formes et puissances de la série trouvent dans le travail leur application.

La division du travail, qu'on me pardonne l'expression, est la série s'incarnant dans la société. Il suit de là que le travail étant une opération sérielle est rudiment de science [...] et que toute intelligence [...] appelée à exprimer par le travail, la série au-delà de laquelle il n'y a rien dans l'esprit [sic] (Créat. de l'O, chap. VI)


Organiser la société, c'est décrire une série : série réelle et série idéelle à la fois [...] Organiser la société, c'est opérer la synthèse de la matière et de l'esprit, c'est renouveler la création (Créat. de l'O, chap. VI)

C'est l'homme, qui disposant en souverain de la terre [...] commence par la transposition des séries naturelles, une seconde création au sein de la création elle-même [...] une sorte de complément de la création (Créat. de l'O, chap. III)




Proust, Marcel


Romancier. Sa notion de "série" intéresse particulièrement le personnage d'Albertine, et l'on y retracera sans difficulté la marque de Bergson*, dont l'influence sur le romancier est notoire. Encore ne faut-il pas exagérer cette donnée, d'une part parce que Proust emprunte à Bergson des éléments de théories auxquelles il ne saurait se résumer ; d'autre part parce que, d'une manière générale, l'emploi classificatoire de "série" est un des poncifs de la philosophie postive (voir, entre autres, A. Comte, A.A. Cournot, J.P. Durand de Gros, E. Littré, A. Sesmat...)


La Prisonnière


Je ne songeais plus à Mlle Vinteuil, le nom de Léa m'avait fait revoir, pour en être jaloux, l'image d'Albertine près des deux jeunes filles. Car je ne possédais dans ma mémoire que des séries d'Albertine séparées les unes des autres, incompètes, des profils, des instantanés ; aussi ma jalousie se confinait-elle à une expression discontinue, à la fois fugitive et fixée, et aux êtres qui l'avaient amenée sur la figure d'Albertine.



Quignard, Pascal


Ecrivain, auteur de La Haine de la musique, son style se caractérise par une épure qui s’inscrit dans la filiation du XVIIe siècle classique. La citation suivante reste un cas relativement énigmatique, par son intransitivité, de « série ».


Petits traités


La langue est sans existence. Chaque parleur puise à un fonds qui n’est ni particulier ni commun. En effet ce fonds n’est identique pour personne, et pourtant il n’est pas propre à chacun. L’époque, le lieu, la classe sociale, la culture, l’âge, le sexe, les souvenirs individuels jouent sans doute séparément quelque chose, et d’un caractère parfois aveuglant, mais même leur addition ne constituerait pas le total nécessaire à la voix. C’est sur la distribution de l’acquisition, sur les temps propres à la série, sur les emboîtements qui ne sont pas réversibles de l’oubli et de la remémoration, sur la position des séquences - dont tout le rôle n’a pas tenu au contenu mais au moment et aux circonstances de leur intervention - qu’il faut prêter l’attention. Dans ce sens chacun de ceux qui parlent ne peut être égalé ni à la somme ni à l’articulation d’un idiolecte « intime » ni d’une langue « convenue ».

Dans ce sens : autant de langues que d’individus qui les emploient. Un peu plus même : à cause des livres.