Proudhon, Joseph


Philosophe, théoricien de l'anarchie. C'est dans Création de l'ordre qu'il donne les aperçus les plus développés de sa "dialectique sérielle". Si la notion de "série" démarque l'influence de Charles Fourier sur Proudhon, ce dernier donne à cette notion une acception spécifique. Linguistiquement, Proudhon est à l'origine des principaux dérivés de "série" : "sériel", mais aussi "sériation".


Système des contradictions économiques ou philosophie de la misère


La science sociale doit embrasser l' ordre humanitaire, non-seulement dans telle ou telle période de sa durée, ni dans quelques-uns de ses éléments ; ais dans tous ses principes et dans l' intégralité de son existence : comme si l'évolution sociale, épandue dans le temps et l' espace, se trouvait tout à coup ramassée et fixée sur un tableau qui, montrant la série des âges et la uite des phénomènes, en découvrirait l' enchaînement et l' unité. Telle doit être la science de toute réalité vivante et progressive ; telle est incontestablement la science sociale.


Quand je dis : tout produit vaut les produits qu' il a coûtés, cela signifie que tout produit est une unité collective qui, sous une forme nouvelle, groupe un certain nombre d' autres produits consommés en des quantités diverses. D' où il suit que les produits de l' industrie humaine sont, les uns par rapport aux autres, genres et espèces, et qu' ils forment une série du simple au composé, selon le nombre et la proportion des éléments, tous équivalents entre eux, qui constituent chaque produit. Peu importe, quant à présent, que cette série, ainsi que l' équivalence de ses éléments, soit plus ou moins exactement exprimée dans la pratique par l' équilibre des salaires et des fortunes : il s' agit avant tout du rapport dans les choses, de la loi économique.


Oeuvres choisies


Ce texte, établi par Jean Bancal*, réunit par un assemblage de citations les principales idées de Proudhon, assemblées de façon thématique. N'ayant pas eu accès à Création de l'ordre, je donne ici les principaux extraits de son ouvrage consacrés à "l'idéo-réalisme proudhonien".


Suivant Platon, les idées viennent de Dieu, en qui elles existent substantiellement ; elles sont préformées dans les âmes avant leur sortie de l'Elysée et leur union à des corps : les sensations ne font qu'évoquer dans l'esprit la réminescence. Ainsi nous n'acquérons pas nos idées, suivant PLaton, nous nous en souvenons. [...]

Aristote, ou pour mieux dire, l'école qui l'a pris pour chef, faisait dépendre toutes les idées de la sensation ; de là l'e célèbre aphorisme : rien n'est dans l'entendement qui n'ait été auparavant dans les snes.

On a objecté que la sensation était tout au plus l'occasion, moyen ou véhicule de l'idée, mais non pas cause [...]

Pour moi, toutes nos idées, soit intuition, soit conceptions, proviennent de la même source, l'action simultanée, conjointe, adéquate et au fond identique des sens et de l'entendement [...] (Créat. de l'O, chap. III)


Ce que l'esprit voit dans les choses, ce sont leurs différences, espèces, séries et groupes, en un mot, leur raison. (Just. Philos. Popul.)


La série est un assemblage d'unités rassemblées par un lien commun que nous avons appelé raison ou rapport (Créat. de l'O, chap. III).


Qu'est-ce qu'une idée ? L'intuition d'une série [...] La série, c'est-à-dire [...] un rapport différentiel engendrant synthèse, totalisation, groupe [...]

L'idée de série est [...] toute d'expérience [...]

L'esprit, en parcourant la chaîne des séries [...] passe continuellement de l'idée à la sensation et vice versa. Ce qui donne lieu à l'idée se nomme rapport.

Que la diversité soit dans la nature, et la synthèse dans le moi, ou bien que toutes les deux soient dans l'objet, et seulement la faculté de les apercevoir dans le sujet : n'est-ce pas, au fond, par rapport à la connaissance, toujours la même chose ? [...] La pensée est la synthèse de deux forces antithétiques, l'unité subjective et la multiplicité objective de sorte que nous avons le droit de poser cet aphorisme : ce que les sens révèlent est adéquat à ce que pense la raison et réciproquement : toute série construite dans l'entendement est possible à l'expérience. (Créat. de l'O., chap. III)


Ainsi, l'idée est l'aperception d'une série [...] l'intelligence du rapport qui sous un point de vue donné constitue cette série [...] La série n'est point une forme de l'entendement [...], elle est d'abord une impression de la réalité sur l'entendement [...],

Il est des séries réelles, et des séries idéelles. Les premières formées d'éléments [...] indissociables ; les secondes composées d'unités pour ainsi dire conventionnelles, créées par une sériation logique de l'entendement, par conséquent susceptibles [...] de transcription. En fait, l'industrie humaine consiste dans le maniement de réalités sériées ou si l'on aime mieux dans la substitution de séries idéelles aux séries naturelles des corps [...] la série idéelle étant un calque de la série réelle [...]

Mais s'il est possible, par l'observation de découvrir les lois essentielles de toute série [...] la connaissance des lois du vrai ne supplée en rien à l'expérience, elle ne fait que la diriger et la servir (Créat. de lO., chap. VI)


Toutes les loiss, formes et puissances de la série trouvent dans le travail leur application.

La division du travail, qu'on me pardonne l'expression, est la série s'incarnant dans la société. Il suit de là que le travail étant une opération sérielle est rudiment de science [...] et que toute intelligence [...] appelée à exprimer par le travail, la série au-delà de laquelle il n'y a rien dans l'esprit [sic] (Créat. de l'O, chap. VI)


Organiser la société, c'est décrire une série : série réelle et série idéelle à la fois [...] Organiser la société, c'est opérer la synthèse de la matière et de l'esprit, c'est renouveler la création (Créat. de l'O, chap. VI)

C'est l'homme, qui disposant en souverain de la terre [...] commence par la transposition des séries naturelles, une seconde création au sein de la création elle-même [...] une sorte de complément de la création (Créat. de l'O, chap. III)