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À une rivière - Jean-Michel Guyot
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 Article publié le 26 octobre 2014.

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On aimerait dire la rivière.

Dire qu’elle charrie des eaux grosses d’avenir. Il n’en est rien. La rivière ne charrie que la présence du présent qui résulte des précipitations en cours et passées.

La rivière est ainsi un concentré de temps qui n’existe que dans la pensée du regard assez juste, assez amène pour lui consacrer un peu de temps.

Temps de la marche solitaire.

Marcher à deux efface le paysage qui n’a plus d’existence que çà et là dans les commentaires qu’il suscite, vite chassés par des considérations toutes personnelles qui en sont la face oubliée, le rejet inconscient, tant il est antinaturel de se fixer trop longtemps sur un totem, un sujet, un lieu en qui viendrait à se dire, dans la plus extrême concentration, tout le Dire passé, présent et à venir.

Il faut que ce pauvre savoir lié au temps s’efface devant la parole dialogique ou bien la solitude méditative, car seul compte, sans calcul aucun, l’action qui agit pour agir.

Les eaux montent, la rivière enfle. Sources et ruisseaux gonflés par les eaux pluviales.

La saison est un rythme pour qui connaît d’expérience le flux des saisons. Le rythme des saisons pris dans un tempo d’une lenteur propre aux pays traversés que rythment les saisons.

Rythme et flux s’ajustent dans la mémoire, pas dans le temps lent de la présence à soi à travers paysage.

Et le pays, seul, est sage.

D’une sagesse qui ignore les hommes qui en sont réduits à l’ignorer. Quelques-uns savent, quelques-uns prennent le temps de savoir ce qu’il en est du temps qui en passe par eux.

Pour quelque temps, ils deviennent la rivière qui coule vers le Sud ou vers le Nord.

Le pays n’a pas qu’un seul visage. Il charrie dans ses eaux lentes ou furieuses tous les visages qui s’aventurent à lui jeter ne serait-ce qu’un regard.

Les regards s’y noient quelques instants, puis passent à autre chose, laissant la rivière à son travail de rivière.

Le regard s’implante dans la mémoire photographique.

Il n’est pas emporté par les eaux. Il cultive l’ambition toute simple de fixer ce qui n’emporte pas le temps, ne permet même pas de le mesurer. Instant pris dans le temps, flux dans le flux, absence chronique de points fixes.

Impossible d’être pointilliste ou tachiste dans la lumière des jours. Seul compte l’abondance des eaux pluviales qui traversent et emportent les terres.

C’est toujours un peu de ciel venu d’ailleurs qui finit dans les eaux d’ici qui partent au loin se jeter dans les fleuves et les mers.

Etre d’ici et d’ailleurs, d’ici d’abord, sachant qu’ici ne vibre pleinement qu’en relation constante avec l’ailleurs qui en délimite les frontières, tout en donnant à penser que l’ailleurs ainsi clairement délimité n’acquiert pleine existence, pleine efficience que passant par ici, ici et maintenant.

A la manière d’un visage qui regarde dans les lointains, aperçoit, tout proche, le silence qui menace sa pensée.

 

Jean-Michel Guyot

20 octobre 2014

 

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