A l’ombre tiède des figuiers, on dit que les chiennes impétueuses de delà l’eau détraquent les cervelles et gâtent le sang ; on dit que des goîtreux, des pieds bots habitent les flancs arides de la montagne ; on dit que ces infirmes expient la faute de l’un de leurs ancêtres qui échoua sa barcasse sur le continent ; on dit que l’île, dans le temps si boisée, si fleurie, si fructueuse, n’est plus qu’une terre impie, impitoyable, ingrate, stérile ; on dit que, certaines fois, les femmes enfantent dans de grandes douleurs des lambeaux de chair ; on dit que les sources empoisonnent les troupeaux ; on dit que des revenants s’embusquent dans les ravins et dans les grottes ; on dit que, l’hiver, des traces de feux et de pas creusent le sable gris des criques ; on dit que les chants de la mer, autrefois si mélodieux, si prenants, si colorés, si odorants, délabrent les toits et les toiles ; on dit que les mouettes ne se posent, ne se reposent plus sur le môle.
A l’ombre tiède des figuiers, on parle aussi de choses et d’autres
2003