Enfants, nous n’allions jamais dans le Sud,
Nous allions dans le Midi
La chaleur des pins, respiration marine
Somnolence bercée par le chant des cigales
Soudain, toujours enfant,
Courir jusqu’à la mer, le cœur plein de jeux, et voilà,
Giflés par le vent,
Apleins poumons, transis par l’insaisissable présence
Les mots,qu’un peu de bleu égratigne, claquent au vent
Face à la mer houleuse
Le ventre et les seins des femmes, pour un temps, résument le monde
Heures fécondes
Fleurs de sel sur la peau,
Douces aspérités du sable
Avides, les mains plongent dans la fraîcheurhumide de l’estran
Plus tard, devenues caresses profondes, elles se souviendront
La salure fouette le jeune bâtisseur
La tête lourde de soleil
Laisser là le sable et la mer à leurs amours
A la tente revenir chargé d’odeurs marines,
Affamé, le cœur léger, ivre de fatigue
Les arts commencent là, dans des batailles assouvies
Et la pinède enivre,
Ce tumulte
L’ardeur des sèves monte à l’assaut des falaises ligneuses
Le pays s’y attarde, monte dans les yeux, s’insinue dans le cœur
A la vague marine qui renverse-embrasse répond le calme trompeur de la pinède
Ecumante de lumière, cette dernière,
Les aiguilles craquent sous les sandales
Un tout autre combat commence
Fébrile, à bout de patience, lent et sûr,
Travail de sape en pleine construction
L’aplat du ciel sur la mer
La lumière amoureuse des vagues
Et ce trop-plein d’amour qui monte des pins
Et plus encore qui n’a pas de nom,
Les engendre tous,
Voilà ce sur quoi une enfance sage s’appuie
Plus tard, beaucoup plus tard,
N’en pas faire une béquille
Toujours, il doit s’agir de ne jamais tenir en place
A la folie l’enfant aimerait les mots héraclitéens
Les ignore pour l’heure
Règle son temps sur le soleil et les marées
Se couche encore trop tôt pour admirer la lune dans tout son éclat
Pressent que partout le monde abonde dans ses sens
Il le portera bientôt en lui
Où qu’il aille, quoi qu’il dise ou taise
Face à l’immonde
Des dieux, dans un silence, il est brièvement question
Air et chaleur, c’est tout un
Les collines acquiescent en silence
La lumière dans tes yeux ne m’accompagne pas dans l’incertain qui s’attarde
Les chemins anciens m’appellent
Je ne remonte pas le temps
Le laisse à sa confusion initiale
Me contente d’aller au-devant du pays qui dit vrai
Aux ramures, hautes branches à la brise mêlées,
Je ne peux m’égaler
A la vie, à la mort, je vais
Dans un même élan
Le sec et l’humide,
Le sable et les aiguilles des pins aimés,
A la mer houleuse arrimés,
Me voilà
Jean-Michel Guyot
19 septembre 2015