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 Article publié le 22 janvier 2017.

oOo

Ce n’est pas moi qui l’ai, ton soutien- gorge ! C’est Oreste. - Réjean Ducharme. 

 

Le petit canal se racle le gosier :

-Tu vas mouiller ta belle chaussette dit Paul à Euphorbia qui s’en tape.

-C’est exprès dit la fille, un pied nu sur le bord et l’autre chaussetté, dans le cours du canal.

Paul la suit, l’autre chaussette en main en clopinant vers le pied nu de son désir, qui se frotte au ciment rugueux et malappris de cet ouvrage d’art, circulant, emportant la chair plantaire d’Euphorbia, sa plus jeune cousine. La moisson murmurante fait clopin-clopant de ce pied tout imbu de sa chaussette blanche.

-Tu devras me sécher le pied mon cher cousin, crie la cousine à Paul qui sent déjà la cambrure empaumée lui encoquer la main. Le canal suit son cours et va en clapotant sur des restes de lieux communs rafraîchissants.

-Retire donc l’autre chaussette lance Paul en riant dans les mollets mouillés comme deux ragondins en pensant que plutôt cette comparaison conviendrait davantage pour ses deux genoux. L’air sent le textile abusif que des ongles grimés griffent de leur bruit blanc.

-Attendez !attendez (suspendez votre cours) on ne peut pas vous suivre ! entend-t-on supplier derrière. Et qui pourrait ? Paul et le cresson acide de son cousinage ne répondent rien, faute que les petits vêtements malicieux leur bouchent les oreilles. Les parents-chaperons s’égosillent d’autant que la verdure a épaissi son entremise. Paul et Euphorbia ne sont que longs courriers empêtrés dans leurs pas cruciaux de s’aboutir.

Les algorithmes-dryades mouillent l’eau qui leur survient aux pores dilatés assoiffés de leurs corps. Attendez ! est le ciseau froid de attends-moi, la chaussette sans pied sur le ciment rugueux. La berge sans le cours. Ce qui suit derrière empêtré des euphorbes au latex toxique, et autres rhétoriques flores en goguette, est d’une parenté quelque peu discutable.

-C’est un courre à la manque, pense un talonnant et pieux essoufflement.

Le cours lustral affole un pur orteil Paulin, contrarié par son pur-sang cousin qui jamais ne piétine deux fois dans le même canal, avec ou sans chaussette. L’autre est dans sa main. Euphorbia boite d’un fou rire inextinguible où grouillent des grenouilles aux cuisses coupées. Derrière on se connait en hauts cris appelant :

-revenez Euphorbia et Paul ! mais revenez !

Mais s’obstinent les deux à distancer les injonctions qui les talonnent pour de vains motifs ou pour les observer de près se cousiner.

-Euphorbia ! mime Paul, retire ta chaussette ou sort ton pied de l’eau.

Les cuisses de grenouilles éclaboussent le cri :

-viens te mouiller aussi !

Des fils de bave nue, construisent des arrêts aux hanches et genoux. Paul suit de près le près qu’il voudrait plus ténu comme fils de la vierge et plus près que le près comme pied en chaussette ou comme orteil dans l’eau lustrale du canal. Il répète le mot canal, eau du canal, et son bord de béton rugueux.

Il se décide à boire l’eau de la chaussette d’Euphorbia sa nymphe qui a disparu dans un buisson épais pour sans doute uriner.

Ils ont des bâtons fins, des souples, à vipères, cinglent les verdures épaisses et grasses qui rappellent la cuisse-nymphe et son odeur de fuite adolescente.

-revenez ! attendez !

Je me sens impliqué (vous savez qui je suis !) dans cette chasse au tendre et je ne fais chorus avec la parenté que pour corser un peu l’hallali scripturaire qui mène à l’interdit :

-ils sont cousins germains !!

-revenez ! revenez !

Paul sent la galipette et surprend sa cousine accroupie dans la verte engeance pour pisser. Le jet qui prend sa source-là, peint d’un jaune appliqué la sourde transparence urétrale (et en crue ?) de l’étroit mignonet et généreux canal. Fougères compissées par l’œil tribord de Paul visant d’autres herbacées à langue verte et à la complicité mafflue de guillemets. Une odeur de renarde et de fourbis d’anguilles marne dans la phrase des végétations aux ides émollientes. Euphorbia grenouillée pour sa miction, végète ostensible et campée fièrement dans son envie pressante.

Et les autres derrière qui bisquent dans la boue sincère qui les guide chaussés d’impatients lapins vers les fuyards, appellent en criant :

-Euphorbia veux-tu bien, Paul attends ! nom de dieu.

C’est Pan qui leur répond un bosselé renvoi à ses expéditeurs. Je me sens parmi eux ironiquement nous, mais criant avec eux comme un nœud que l’on serre autour comme un sphincter. Les mollets de Camille flirtent dans les herbes de nos injonctions vicieuses et morales : ils sont cousins quand même !! et l’échiquier du ciel est animé de pointes dures et coupantes o les belles couleuvres d’eau sous les corsages et dans les slips branchus des mâles redresseurs de la moralité.

-Presque frère et frangine susurre Amélie qui a des cors aux pieds depuis sa puberté. Elle est dans son collant osseux, spartiate et gris, pour donner à foison le change au cher cousin, faire dans la vertu. Je la sens dans ses gestes, (ses signes boschimans), envieuse et anormale, mise en italique comme une locuste en cuisses, désailée et qui vient s’affaler, mordante et frénétique sur une culture.

-T’as l’air d’une grenouille ‘Euh Fort’ ! et ta chaussette, t’as pissé dessus ?

Euphorbia la retire et la tend au garçon qui n’en peut mais et avant d’essorer snif-sniffe. Elle déploie sa gorge aux échos vernissés qui irrorent les feuilles fortes et musclées de la rive indicée parfois de rubiacées. On pense à bien des choses, songe un poursuivant.

-Elle perd sa monnaie périodique, blague d’une voix de biceps tatoués un beau- parent.

-c’est quand même cinglé cet endroit, on le dirait sur pilotis, ça vous aspire.

Amélie et Camille saphiques parfois se languettent furtives, se néologisent pendant qu’on n’regarde pas : c’est que les autres sont penchés sur un insecte rond comme le monde. On le dirait en or comme l’est un anneau de fiançailles.

- bien sur en plaqué-or, souffle à l’oreille d’Amélie, la saphique Camille.

Et du coté des deux cousins, c’est l’euphorie, la vape inconséquente, la chair qui se malique d’idées-orchidées, s’ongle-doux de griffures-greffes, se complique, se cite le tissu de l’air de Juvénal, se ruisselle dans le canal, s’égosille le sang. Les langues des lames végétales conspuent la prudence et vous les allongent dans le broyat verdâtre à l’acre transpira. Les grenouilles des doigts cherchent l’entrelacs brun, la saline contradiction de la douceur qui mouille.

-Il y a des vipères peut-être, intervient Paul qui se fait rabrouer par Euphorbia :

-C’est sûr qui y’en a, et des couleuvres d’eau par-dessus le marché c’est ça qu’est excitant.

-Allons allons les gosses sont cachés dans la végétation, nous les avons perdus.

Et de se disputer pour la frime. On pérore en mettant les mains dans le canal pour se laver la tête. La troupe en ébats est en efflorescence à hauteur de genoux pour les poses-pipi et d’aisselles odorisées pour les messieurs. On fait halte un moment pour débattre la chose, car Renaud a lancé son pic comme un blasphème en déclamant : Si un désir entraine les deux l’un vers l’autre nous n’y pouvons rien. Hoquets de part et d’autre, il cite l’Arioste qu’aucun ne connait. Renaud, lui, entend le canal murmurer : Aréthuse aime Alphée. Et de re-piétiner dans l’imbécilité spongieuse de leurs pas qui cependant… Les mollets de Camille et les seins d’Amélie….surtout l’enlacement des nymphes… et de jeter leurs vêtements mouillés dans les gentianes et les vertes muqueuses de la terre meuble, abandonnent la chasse et ses vicieux prétextes cousus de fils blancs. Ils ont rejoint les deux enfants en faisant halte, abandonnant- poursuivant leurs recherches subtiles les uns dans les autres.

-Ils ne nous cherchent plus dit Paul. Et Euphorbia, tend son oreille au vent qui fait un gai raffut d’herbes circonstanciées et de propos foulés aux corps et dit : entends, entends, nous sommes Tout.

 

juin-juillet 2015

 

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