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Chanson d’Ochoa 2 - [in "Cancionero español"]
Revoir Pierre est une aventure...

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 Article publié le 13 juillet 2006.

oOo

Revoir Pierre est une aventure du désir. Sa maison,
Nous le savons parce que nous l’avons déjà chantée,
Jouxte la plage où des camés finissent leur existence.

Ochoa, si c’est lui ce Christ nu sous sa couverture,
Entre dans le jardin par un sentier couvert de planches
De teck vernissées. Pierre n’a pas dormi de la nuit.

On se reconnaît, forcément. Les années atteignent
La perfection des ressemblances. La joie s’exprime
Facilement, sans une seule trace de ce désir viril

Qui a marqué l’enfance des deux hommes. L’un
Possède encore et s’accroche à son bien, cette maison
Que les camés dénaturent, il s’en plaint tous les jours.

L’autre ne possède plus rien. Il ne possédait pas
Grand-chose. Il n’a eu aucun mal à se séparer
Des objets du désir. L’autre ne croit pas que ce soit

Aussi facile, mais il accepte la différence, il y a
Toujours eu une différence pour les distinguer
Clairement l’un de l’autre. Ne pas dormir comme

C’est nécessaire est toute la tragédie de Pierre.
L’autre ne dit rien pour répondre à ce cri.
Le dallage lui rappelle la souffrance, il ne sait

Pas pourquoi. Le vin de Pierre est capiteux pourtant.
- Si tu es venu pour ne pas me voir, dit Pierre,
Ce n’est pas la bonne saison. Je ne vis que l’hiver,

Quand les camés remontent vers le Nord. L’hiver,
Je ne suis plus seul et la vie me sourit. Tandis que
Le soleil casse mon dos de taureau à la porte

De cette mort que je crains comme l’eau des rivières.
L’hiver, c’est presque le bonheur et la plage déserte
Reçoit mes offrandes érotiques. Je suis coquillage,

L’hiver. Je suis l’écume, la trace, la profondeur.
Sinon c’est l’été que les camés mettent à profit
Pour envahir ma sérénité et je sombre dans la colère

Pour ne pas nourrir mon désespoir. Leurs filles sont
Laides comme l’écorce, leurs enfants témoignent
De cette laideur en se jetant dans mes jardins

Pour y arracher les fruits que je destine aux oiseaux,
Pure beauté que je ne comprends pas parce qu’elle
Maîtrise le vol plané. Encore un peu de ce vin personnel,

Ne te gêne pas, tu es chez toi comme tu as toujours été
Ma meilleure idée. Cette enfance me traverse chaque fois
Que l’hiver annonce la fin de l’été, voix des tunnels

Auditifs, des plongées visuelles, de l’attrait pour le vide.
Les camés reviennent alors et me saluent comme on salue
Une vieille connaissance inévitable. Je ferme le portail

Avec la chaîne rouillée que les enfants secoueront la nuit
Pour m’empêcher de trouver le sommeil. Comment vivre
Sans cette part d’existence qu’est le rêve ? Cet autre lieu

Me manque, comme s’il existait et que je ne pouvais pas
Le savoir sciemment. Jamais je ne me suis senti aussi
Vaincu qu’à cet âge que j’ai vu venir comme le bout

De la route où nous rêvions ensemble d’un esprit coupé
À l’endroit où commence le rêve et où ne s’achève pas
Vraiment les jours. Nous sommes une conscience finie

Que le rêve introduit dans l’infini par la petite porte.
Ce que nous ne savons pas et ce que nous savons mal
N’explique pas ce que nous ne savons pas encore.

Ce vin, ami de toujours, est mon vin. Je veux dire
Que c’est ma vigne qui le produit. Je m’éreinte comme
Un triste sur cette pente caillouteuse, taillant la vigne

Ingrate comme si je ne lui demandais rien de grave.
Je suis seul comme il n’est plus possible de l’être.
Le chêne noir de ma bordelaise en témoigne ailleurs

Qu’ici où tu me vois propriétaire et fils de la terre.
Mais tu en sais plus que moi sur l’envers de la conscience.
Tu sais à quel point je m’embrouille quand ce n’est plus clair

Comme l’eau de tes roches d’abstème, ami de toujours
Que mon enfance reconnaît quand il n’y a plus rien
Qui ressemble à ce qu’elle sait encore de l’existence.

Ma maison serait la tienne si tu avais besoin d’une maison.
Ma nourriture et mon vin seraient ton corps si tu m’aimais
Encore. Mais je n’ai plus la tête aux croissances de l’être.

Je ne trouve plus le moindre chemin, immobile me vois-tu,
Et froid comme les murs de l’hiver qui m’enferme.
Il n’y a rien que tu puisses changer à cette tristesse

D’homme finissant. Nous n’avons pas aimé les femmes,
Erreur fondamentale de l’homme qui est une femme
Cachée dans la femme. Nous savions que la vie

Ne pardonnerait pas au vaincu. Il n’y a rien comme
Être dépossédé de l’héritage biologique. Je devine
La nuit comme si elle était la conséquence du jour.

Est-ce raisonnable ? Mais la nuit n’explique pas
Le jour suivant aussi facilement, aussi poétiquement.
L’obscurité est gagnée pour toujours, au croisement

De l’enfance et des voyages prometteurs que la maison
Inspire au coeur plus qu’à l’esprit. Ces mots que j’ai trouvés
Ne reviennent que pour ne pas être oubliés, Christ !

Des camés envahissaient mon existence, mon sable fin
Et mes gazons soyeux. Couchés comme des méduses
Échouées aux solstices, ils attendaient la magie du verbe

Et me reprochaient mes silences. Leurs filles nues
Accouchaient sans un cri. Des enfants menaçaient
L’intranquillité relative et des oiseaux interrogeaient

Le temps. Je suis cet homme que tu voulais oublier
Pour accroître ta part de rêve. Et voilà que tu entres
Dans ma maison, nu et pauvre, muet comme un insecte,

Gavé de femmes et de nourritures terrestres, assagi
Par l’aventure. Ta croissance est une leçon aux mots
Que je ne trouve pas pour t’accueillir dans mon lit.

Si j’avais un chien, je serais ce chien. Je suis oiseau
Parce que je ne possède pas de chien. Si j’étais chien,
Je ne toucherais pas au soleil, j’irais à l’aventure.

Mes os sont creux et je suis à peine plus lourd que l’air,
Ce qui explique des voyages immobiles, ma transe
Et le manque de femmes trahies pour d’autres femmes.

Je ne sais pas si tu reviendras ou si l’avenir
Nous réserve d’autres rencontres. Mais tu peux
Compter sur mon silence. Même les camés

N’arracheront pas ces écailles au poisson
Qui figure notre liberté. J’ai tracé hermétiquement
Les chemins de mes jardins, afin d’y égarer

Les camés et les docteurs de la loi et des principes.
Tu en connais les graphes, par habitude mais
Aussi par intelligence des lieux conçus d’avance,

On ne savait jamais. Comme il est doux d’être seul
Avec un homme qu’on n’épargne pas question enfance
Et héritage ! Tu te souvenais de la dernière raison

De se quitter pour le voyage et tu entrais dans la maison
Que t’avaient décrite les femmes couchées. Tu savais
Que je n’y vivais plus depuis longtemps. Tu venais

Chercher la trace de mon passage et tu interrogeais
Des camés médusés. Leurs filles te touchaient sous
La couverture et les enfants écoutaient les sonorités

Organiques de ton walkman. Le portail disparaissait
Dans l’herbe folle un moment verdie par les coulures
D’une existence savante. Les chemins croulaient

Sous les frondaisons de l’été. Il n’y a pas de maison
Au bout de ce court moment d’évocation véloce
Comme un vol en piqué. L’homme que j’étais

N’est plus, voilà tout. Tu rencontres mon aura
Quand tu aurais voulu me revoir. On t’explique
Les choses mais tu ne les comprends pas. L’été

N’est pas loin de s’achever. Des nudistes joyeux
Traversent les jardins en diagonale. Les camés
Se dénudent pour la circonstance, mais cette nudité

Offense la nudité pensante des naturistes qui plongent
La tête la première dans les cercles concentriques
Du bord de l’eau. - Christ ! Christ ! Je viens te chercher !

Pourquoi retournerais-tu en Palestine ? L’Espagne
Est la terre d’accueil de toutes les formes de l’enfance.
Laissons la liberté à la France et la chance aux Anglais.

Il n’y a pas d’Allemagne qui tienne ni d’Italie
Au Pausilippe. Ces îles que tu vois s’éloigner
Sont nos embarcations dans la Lune. Le taureau

Est une allusion au combat et non pas un combat.
La route est une proposition de route et non pas
Une route qu’il ne s’agirait que d’emprunter

Pour exister au voyage circulaire de la folie.
Ce sable, c’est de la lune en miettes, cristaux
Et éclats de coquillage, érosion et tournoiement.

Ces femmes sont les enfants des hommes
Et les hommes sont les femmes de l’enfant.
Le lit est une chance à ne pas laisser passer.

Pierre expliquait aux femmes qu’il ne reconnaissait
Pas les lieux, mais qu’il les aimait parce qu’ils
Lui parlaient aussi clairement que l’eau des roches

De l’enfance. - C’est donc toi ! lui ai-je dit.
Toi, mon ami de toujours, ma souvenance
Érotique, mon avenir de femme. Je reconnais

Ta barbe et tes oreilles. Tu chassais les oiseaux
Avec une précision de lame de couteau sans
Les mains de la femme trahie superbement

Par l’homme que nous ne serions ni toi ni moi.
Je lui ai dit ce que je pensais de cette manière
De revenir uniquement pour créer un effet

De surprise. Il a bu mon vin, qui n’est pas le meilleur,
Vous le savez, et il l’a trouvé assez bon pour ne pas
Le recracher dans les mains que je lui offrais pour la

Circonstance. Pierre était fou de joie et les femmes
Le croyaient fou de raison.

---------------------------- Gisèle retourna chez elle
Et demanda à Fabrice de lui caresser les seins.

- Pierre ? disait-il. Pierre connaît cet individu ? Mescal
Le connaît aussi mais ce n’est pas le même souvenir.
Que sais-tu de ces complications romanesques, femme !

 

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