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Choix de poèmes (Patrick Cintas)
Ode à la Taule

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 Article publié le 22 janvier 2017.

oOo

« La métaphore, c’est bien beau,

mais ça ne vaut pas le tricot,

d’autant que le lecteur s’habille,

même si dedans ça frétille,

et ne s’apprête nullement

à tirer de ce bon roman

des conclusions qui ne le vêtent

depuis les pieds à la casquette.

On est peut-être entré tout nu

en se disant que l’inconnu

ne déçoit jamais ses adeptes,

mais à la fin, le seul précepte

est d’en sortir sans attirer

les foudres d’une société

toujours encline à la critique

de la nudité priapique,

au mâle comme au féminin.

Alors trêve de baratin

et passons aux choses sérieuses,

qui sont aussi avantageuses,

car on y gagne en netteté

ce qu’on perd peut-être en clarté.

Le comment des choses renseigne,

comme sur le nez la châtaigne,

ou le vin né pour adoucir

tant mœurs que douleur de martyr,

alors que le pourquoi complique,

à tel point qu’en fin de chronique,

au tribunal comme au travail,

on ne sait plus si le détail

qui fit pencher de la balance

le fléau du côté qu’on pense

n’eût point plutôt à l’opposé

été d’un bien meilleur effet.

A force de vouloir comprendre

on ne sait plus qui on doit pendre

et de qui on peut ou jamais

à la folie se faire aimer.

Les livres sont pleins de ces drames

dont on connaît les amalgames.

Préférons Huck à Lancelot

et avec lui foutons à l’eau

le faux cadavre avec nos nippes.

S’il faut aller au casse-pipes,

autant fumer du bon tabac.

Il n’y a jamais de pourquoi

qui ne finisse en pirouette,

ce qui met souvent le poète

dans un état tel qu’il ne sait

plus comment avant lui c’était.

Depuis la guerre les écoles

où on s’adonne à la bricole

du pourquoi-pas-que-moi-aussi,

la lorgnette sur les mercis

et le cul dans les bonnes planques,

ont oublié que saltimbanque

rime avec comment-que-je-fais.

Et qu’il faut le faire en effet

avant de se mettre au théâtre

et même parfois plus qu’en quatre.

Aussi tenons-nous en à l’art

qui exige de son taulard

qu’il s’en tienne à dire les choses

sans en baragouiner les causes.

On n’est pas ici au palais.

Vous saurez tout, je le promets,

foi d’animal qu’on met en cage

pour que jamais il ne partage

ce qu’il sait faire et ne fait pas

et ce qu’il fait comme papa.

Des décennies que je mijote

sans que Poésie me dorlote

dans le verbiage du prolo

devenu par suite intello,

sans compter que les fils de putes

qui de la chaise en parachute

font des sauts dignes de Jésus

avec des clous plantés dessus

comme porche et tapisserie,

proposent leurs finasseries,

avec relations et consorts,

et pas capables d’un effort

pour ressembler à quelque chose,

au comptoir de ma porte close. J

e ne l’ouvre jamais pour chier,

vu que c’est dedans que je fais,

là où je dors, les mains ouvertes

parce que la place est offerte

en échange de l’interdit

que par essai ou par ennui

il arrive qu’on s’autorise.

Il faut dire que l’entreprise

a un charme fou à lier

et je ne m’en suis pas privé.

Au trou pour toute l’existence !

C’est ainsi que la connaissance

subit la froide résection

des membres conçus pour l’action.

Tu parles d’azur et de cygne !

A la fenêtre on fait des signes

pour avoir sa part de gaîté

et de la vie peu profiter.

Mais avec des riens on allège

le poids sans autres privilèges

que la rareté des objets

que sur les doigts on peut compter.

Ce n’est certes pas dans ma tête

qu’il faut chercher ce qui m’arrête

devant la vitrine aux jouets

sans les moyens de m’en payer

au moins un sans tuer personne.

Ça rend la morale grognonne

et elle veut savoir pourquoi.

On tourne en rond comme chez soi

dans ces palais où on vous juge

pour avoir causé du grabuge

dans des endroits du tout prévus

pour susciter les prévenus

et inspirer les épigones

faute de la bonne personne.

Violer chez l’autre son enfant

n’a pas en droit d’équivalent

autre qu’enfer ou purgatoire

selon qu’on veut ou non vous croire,

comme on s’adresse à l’animal,

quand vous prétextez que le mal

était déjà là à l’ouvrage,

avec même ses personnages,

avant que soi-même on y soit.

Au risque de dire pourquoi !

Alors qu’on n’a pas eu d’enfance

et qu’on était sous surveillance

avant même d’avoir tout dit !

Un bon boulot au paradis

n’est pas métier qui bonifie

la chair peu faite pour la vie,

si la vraie vie jamais ne meurt.

On peut penser que le chômeur

finit par trouver ce qui manque

pour arrondir son compte en banque

sans crever de ne pas trouver

autre chose pour en rêver.

Mais le vrai poète assassine

en commençant par la voisine,

ou le voisin s’il a du goût !

Ça ne l’avance pas beaucoup,

mais ce qui est fait l’emprisonne

dans les limites de la zone

qu’il trace sans savoir pourquoi.

Et il s’y sent plus qu’à l’étroit,

surtout si vous fermez la porte

à clé pour que jamais il sorte

prendre l’air et les biens fondés

que la loi ne veut accorder

au cynisme et à la licence.

Il faut soigner les apparences

sans négliger les fruits cachés.

Mais je vais tout vous avouer.

Je ne suis pas fait pour l’aisance

que connaît l’homme que la science

promet au bonheur de l’acquis.

Mon ouvrage n’est pas requis

en cas de question essentielle.

Je ne veux plus faire la belle

et risquer de recommencer.

Vous faites bien de m’enfermer.

Me condamner à la paresse

et aux attentes de l’ivresse

vaut mieux que tous les jugements

ordonnant que le changement

d’air porte fruits sains et matures

comme il est bon que l’aventure

s’achève devant les enfants.

On peut tout faire comme avant

à condition que ça avance

dans le sens de la connaissance

qui est utile même au fou,

pour le prix qui vaut bien le coup.

Seulement voilà le salaire

n’a pas le bonheur de me plaire.

Je tue, je vole et je fais tout

en dépit de votre bon goût.

Pas moyen que je réfléchisse

comme un miroir que la Justice

brandit au-dessus du malheur

des hommes voués au bonheur

sous peine de connaître pire.

Il faut vivre dans un empire

ou n’être plus considéré

comme un homme en tous points formé

pour être à la fois fils et père,

et ce dans la paix ou la guerre,

ce que Dieu ou qui on voudra

ordonne à tous les bons États

qui n’ont rien laissé à la terre.

On soigne les propriétaires,

sans quoi le monde est animal.

Il faut lutter contre le Mal

et non point avec la paresse

qui fait du bien et bien nous laisse

où le hasard fait des petits.

On n’est rien sans un bon parti.

On pratique l’autocensure,

car le mérite est la mesure

et le nez l’outil du salaud

qui met à l’abri bibelots

et petits riens que l’héritage

veut voir fleurir dans les étages.

On élève des monuments

pour mettre à l’œuvre le manant

dont la chair est très appréciée,

après l’avoir bien dépecée,

car l’os n’est bon que pour meubler

en attendant de repeupler.

Achetez sinon on vous vire

par-dessus les bords du navire,

à droite, à gauche et au milieu.

Et bien mesdames et messieurs,

cette existence de primate,

pédant, salaud ou diplomate,

je n’en veux point pour mes enfants !

Et c’est en vous assassinant

que je retrouve mon office,

ma dignité agitatrice

et la saveur de mes chansons.

Excusez-moi, si la leçon

vous a paru longue et diserte,

mais chaque fois que je disserte

avec le juge ou le bourreau,

j’y mets ce que j’ai sous la peau

à défaut d’y rendre les tripes

comme un qui se plaint et qui flippe

parce qu’il a perdu le Nord.

Ça ne me coûte aucun effort

et j’ai même envie qu’on m’empêche

d’utiliser mes antisèches.

Ah ! Faites de moi un muet

même sans couper mon caquet.

Ma langue lèche les fenêtres.

Pas de télé, d’applaudimètre.

Ma rue donne sur le soleil

s’il est levé dans mon sommeil,

peinture sur un paysage

de vitrines et de voyages,

et s’il dort je rêve de nuit.

Je passe ma vie dans mon lit,

léchant les mouches de la vitre

qui ont des ailes sans élytres

comme mes rêves de taulard.

Mais je ne suis pas très bavard.

J’écris des draps et des salopes,

de près parce que je suis myope.

Dans la rue passent des oiseaux,

des nuages, des hélicos.

Rien ne s’arrête en transparence.

Je rêve, il faudra que je pense.

Je pense, il faut recommencer.

Que ton œil soit aussi rincé,

mouche sans langue dans la bouche.

Entre deux nuits, je me recouche.

Mon angoisse cherche un emploi.

Ma langue est au bout de mes doigts,

comme la mouche sur la vitre,

pattes de sang, fin de chapitre.

Demain il faut recommencer,

tout récrire sans se presser.

Je donnerai de mes nouvelles

aux morceaux de votre cervelle,

éparpillée sur le carreau

dont ma langue lèche la peau

sous le regard des drosophiles

qui passent dans ma rue tranquille.

Voilà ce que je sais de vous

et je me jette à vos genoux

pour mordiller vos doigts agiles

et vous rendre la vie facile. »

 

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