Berénice Constans, « L’œil de tous les yeux », Préface de Claude Louis-Combet ; Fata Morgana, Fontrfroide le Haut, 96 pages, 2017.
Bérénice Constans rappelle que si la pensée est incapable de se quitter puisque l’être est inapte à ne plus penser (ce qui fait sa grandeur et sa misère), la foi qu’on lui porte est confuse en son absoluité. La donnée immédiate de son élémentaire conscience est discutable. Et fort justement Bérénice Constans ramèneau « Esse percipi »de Leibniz qui rappelle que penser est d’abord une perception. A partir de ce point de départ la pensée devient souvent un perdre voir.
D’où les réserves de l’auteur sur nos croyances et même nos erreurs dans la façon de voir aussi bien le monde que la peinture. La pensée n’est qu’un paysage, discontinu et fragmentaire. L’image est notre horizon indépassable. Si bien que ça n’est pas sa propre image que la pensée réfléchit sur le monde. Ce que la pensée met en scène, c’est l’image entre notrededans et le dehors. Sur le fil de leur intersection, la pensée imagine dans la marge. C’est l’image de cette relation constitutive façonnant sa réalité mouvante que la pensée projette.
Dès lors celle-ci ne se fait et ne se refait qu’à l’intérieur de la perception qu’il faut savoir apprendre pour ne pas tomber –qu’on soit créateur ou spectateur – dans la reproduction. La vraie pensée n’existe que dans la représentation de son processus irreprésentable. Et c’est ce que donne à voir l’art : il ne représente pas le réel, il donne à voir la représentation. C’est-à-dire que derrière ce que nous prenons pour une apparence, se manifeste la réalité de notre pensée qui déborde notre imagination.
Jean-Paul Gavard-Perret