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To be or not to be…
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 Article publié le 27 mai 2018.

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To be or not to be… Telle est la question. L’écrivain n’existe-t-il qu’à travers ses romans ? Vit-il par procuration ? Il faut comprendre que son imaginaire est prépondérant dans sa vie, et pour ma part j’arrive à dissocier mon quotidien de la fiction que j’invente : même si, comme tout auteur, mes écrits sont influencés par mon vécu - sentiments variés et ce dans la réalité ou au quotidien, à la télé, entre amis, avec sa femme- il y a une grande part de sublimation de la réalité dans mes romans et donc une part de subjectivité et d’objectivité, car si j’affirmais avoir vécu tout ce que j’ai narré je serais sans doute un mythomane patenté, mais alors, me direz-vous, d’où me viennent toutes ces idées ? Je pense à Stephen King, maître incontesté du roman fantastique, qui disait pour se mettre en condition " que se passerait-il si… ? " et je trouve cela très représentatif. Pour ma part, pas de tels romans, plutôt des romans de société assez trash, des comédies de mœurs souvent interlopes, dont les détails sordides proviennent de ma propension à imaginer ce qui peut se faire de pire dans la vie d’un humain au cœur de la société dont nous avons tous connu de tels passages, mais pas à ce point, et c’est là que l’imaginaire de l’écrivain revêt l’importance capitale d’une machine à disséquer, observer, imaginer le comportement humain dans ses pires dérives possibles, pour procurer au lecteur des frissons d’incompréhension, de rejet, le choquer, l’amener sur mes terres luxurieuses. Etre, donc. Être écrivain. Ecce Homo, voilà l’homme, un homme avec son imaginaire fertile, ses romans, mais aussi sa vie propre, de laquelle il tire ce qu’il a vécu en société pour alimenter sa faconde, et le pervertir juste pour voir ce que peut inspirer l’horreur de situations abjectes, de sentiments obscurs, de la part ténébreuse de l’homme chez son lecteur, qui recherche précisément à être dépaysé, vivre des situations insupportables par procuration, pour le plaisir de laisser son quotidien banal de côté et s’infiltrer dans les contrées désolées de l’âme en perdition des héros de mes romans, éprouver des sentiments exacerbés par l’approche de ce dont l’être humain est capable, pour le meilleur comme pour le pire, cerise sur le gâteau de l’imaginaire commun qui prend là ses lettres de bassesse et d’horreur, ne serait-ce qu’en imaginant ce qu’il lit et en ressort touché, troublé, empathique avec le ou les héros et terrifié par ce qu’il leur arrive comme une véritable désillusion sur le " tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ", trop proche d’un univers marginal qu’il n’aurait jamais dû ou voulu approcher - d’où les sensations éprouvées au cours de la lecture qui se fait miroir des pires cauchemars du lecteur, et légitimité de l’auteur, vecteur de sensations fortes entre la réalité et l’imaginaire…
 L’écrivain… Un être solitaire le plus souvent, même en société, très sensible, qui regarde autour de lui, absorbé à absorber visuellement et auditivement, intégrer des scènes de vies pour s’en servir et par là-même acquérir une véracité palpable dans ses œuvres, car que ce soit de la poésie ou du roman, les images évoquées doivent interpeller, surprendre, interloquer, fasciner, être féériques, bref apporter un regard neuf sur la société qui l’entoure, mais à laquelle il ne participe que peu si ce n’est à travers ses vers et chapitres. Il porte en lui un don qui l’entraîne à appréhender l’indicible, ce que tout le monde a sur le bout de la langue et lui permet d’attirer le lecteur grâce à son originalité, ce je-ne-sais-quoi de pertinence qui interloque, permet à tous de redécouvrir le quotidien, lève des barrières, fascine, crée des univers lumineux ou sombres, voire les deux, et met en scène l’humain dans ce qu’il a d’unique en soi, mais aussi en commun avec la société, avec un rôle omniscient et un don d’ubiquité imprescriptible, celui de vivre sa vie secrètement tout en se répandant dans le monde réel, non fictionnel, avec son style, son genre, sa forme et son fond, qui au final relève de la psychologie humaine, voire parfois de la psychiatrie dans les cas les plus extrêmes - car comment expliquer certains travers insupportables sans une connaissance minimum de l’âme et ses dérives, de l’extrémisme sentimental sans les avoir, à un moment ou à un autre, observés, vécus, assimilés dans son grand classeur mnémonique à rallonge, éclectique et percutant pour faire d’une banale histoire une œuvre remarquable -mais pas forcément remarquée. Tout est dans tout. Y compris moi. Ecce Homo, a dit Ponce Pilate, et Ecce Homo, relate la critique intemporelle, universelle de ceux qui condamnent avant de juger, de vivre, tout simplement, leur propre vie sans s’exposer, au risque de passer à côté d’une existence bien remplie, si ce n’est conditionnée, focalisée sur les défauts des autres sans chercher leurs qualités, critiquant le signifié au détriment du signifiant.
 Comment oser se dire écrivain sans y mettre son âme, ses idées, ses tripes, s’exposer mais travesti par les idées qu’il exprime dans ses œuvres, comme si on pouvait lui attribuer tous les défauts, les travers sans chercher à comprendre pourquoi il exprime ici et là des images choquantes, positives ou négatives, alors que son seul but est de faire prendre conscience à tout un chacun que ce qui l’entoure a de multiples visages, en privé ou en public, chez les riches comme les pauvres, les sages et les fous - je pense ici au chanteur Damien Saez, dans sa chanson " Jeune et con ", où il est question "d’être jeune et con puisqu’ils sont vieux et fous, (…), puisque des hommes crèvent sous des ponts, mais ce monde s’en fout(…) puisqu’on n’est que des pions contents d’être à genoux, puisque je sais qu’un jour nous gagnerons à devenir fous…. " dans laquelle il met en exergue avec une cuisante prise de conscience que chacun mène sa vie égoïstement, au détriment de l’empathie humaine, de l’humanité au sens propre, sans se soucier de faire évoluer les mentalités afin que la société ne soit plus gouvernée que par de vieux énarques déconnectés du réel, de notre réel, nous, citoyens lambda, enivrés par des trompe-l’œil, des pis aller, des cataplasmes sur des jambes de bois, occupés à se divertir quand ses pairs meurent de froid sous un carton, déshumanisés, trop intéressés par notre confort, notre pouvoir d’achat, par des idéaux que l’on nous fait miroiter pour cacher " ces seins que l’on ne saurait voir " - et que tout un chacun n’est pas à l’abri d’une mésaventure due à certaines lois iniques, comme se retrouver… sous un pont. Se battre contre la société de consommation revient à se battre contre des moulins à vent bien trop entraînés dans leur course folle par la propre folie des humains qui les fait converger vers des centres d’intérêts restreints et les empêche de trop penser, ce qui pourrait les amener à se rendre compte qu’on nous prend pour des pions du haut de la grande tour d’ivoire du gouvernement si on oublie pour un instant seulement notre petit confort, nos rêves de merdes qui ne servent à rien, à part s’enliser dans une indifférence confortable, une politique de l’autruche tant que l’on n’est pas soi-même impliqué dans les dégâts collatéraux des lois qui régissent la république et nous privent de nos droits civiques, de ce que l’on prend pour acquis, et nous plongent dans des enfers humains, profondément choqués par une kaléidoscopique chute dans les bas-fonds, vertigineuse et vénéneuse pour l’esprit et le corps, trop spoliés pour pouvoir réagir au pied du mur avec des lamentations inaudibles…

 Qu’est un écrivain ? Un illusionniste, un troubadour des temps modernes, justicier des lettres, un Don Quichotte qui se bat contre les règles contre-productives de la littérature, un extraterrestre aux pouvoirs syntagmatiques, un pantin aux ficelles manœuvrées par la société, et qui croit s’en affranchir alors qu’on le manipule comme tout autre ? Pour ma part, rien de tout ça. Je veux pourfendre les poncifs et les trompe-l’œil, les cache-misère d’une grande librairie internationale, redonner -rien que ça- ses lettres de noblesse à ce que nous, auteurs, chérissons tous : la littérature, grande par son influence et ses réalisations quelles qu’elles soient, artistiques, encyclopédiques, thérapeutiques, déictiques ou merdiques. Il faut de tout pour être un monde, dans cette cour des miracles que devient la civilisation, avec ses vertus et ses défauts en tant qu’humain, avancées technologiques et théologiques, inégalités de plus en plus flagrantes tant le fossé des classes se creuse comme les rides d’une société égoïste avide de consommation et d’existence privilégiée, qui semble un but et non plus un mode de vie atteint par humilité et persistance - ne la confondons pas avec ses raccourcis, le banditisme, les trafics divers à tous les étages de la sociétés-, soit la panacée, l’arrivisme et autres travers déviés par les humains déconnectés de toute réalité nihiliste, qui en tant que telle est parfois formatrice si on n’en abuse. Il faut savoir de tout se défier avant d’adopter ce tout inégal, et en partie, après en avoir fait l’expérience et les frais, pour savoir, enfin, vers quoi nous tendons : le bonheur bien évidemment. Tout être cherche le bonheur, le confort, la sécurité. L’amour, le matérialisme, le Darwinisme en régissent les codes et les lois, desquels il ne fait pas bon s’écarter sans se faire taxer de marginalité, de nihilisme, d’incompréhensible illégitimité. La différence n’est-elle pas la force de l’être humain ? Son bâton de berger, oserai-je dire, sa rosette décorative, ses carottes et ses bâtons que l’on tend pour se faire battre, qui croyant le bien endosse le mal, qui peut le plus peut le moins et s’en contente ? Il y a un tel pragmatisme chez l’homme que tout est pesé, identifié, séparé, classé, taxé, et malheur à qui en diverge. Un vrai panier de crabes avec des langoustes comme appât…

 

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