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 Article publié le 15 juillet 2018.

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Je vous ai pas raconté ce qui m’est arrivé (si on peut dire ça : arriver) x jours avant que je débarque chez maman (je sais pas pourquoi j’y mets pas la majuscule à maman…) J’avais trouvé un petit coin peinard dans un endroit abandonné par les humains : les chiens rôdaient sans collier, l’œil vif et la queue raide. J’ai pas cherché à sympathiser et ils ne s’approchaient pas de ma gamelle ni de mon sac. J’avais l’œil moi aussi. On ne sait jamais : des fois, ces bêtes appartiennent à quelqu’un et alors on est mis en relation avec l’inconnu. J’avais essayé ça une fois dans une histoire qui ne s’est pas vendue : pas d’amour, rien que du sexe, pour attirer les psychos et convaincre les éditeurs. Ça n’a pas marché. Mais enfin, je l’ai vécu. Pas tout à fait comme je l’ai raconté. Le sexe s’était limité à quelques branlettes. Rien pour moi. Et on s’est séparé lui avec la joue fendue par un goulot de bouteille et moi les yeux bleus à la Rossini mais sans foie gras dessus. Je n’avais jamais couru aussi vite. Et j’avais perdu un de mes bagages, celui qui contenait mes projets littéraires et même des brouillons auxquels je tenais je me rappelle plus pourquoi aujourd’hui. Le corpus de l’histoire consistait dans cette tentative de récupérer ce que j’appelais « mon bien ». Et à la fin, le type en question se marrait en m’avouant qu’il n’avait aucun goût pour la littérature et qu’il avait abandonné mon sac matelot à des chiens qu’il connaissait pas plus que moi. J’avais toujours le goulot à la main. Et il serrait ses gros poings de travailleur occasionnel. Mais il ne s’est rien passé. Je suis retournée chez les chiens et l’un d’eux était couché sur mon sac. Alors, dans un dernier paragraphe, je promettais au lecteur de lui raconter dans un prochain chapitre comment j’ai agi pour tenter de récupérer mon bien. Je promettais rien d’autre… ni si j’avais réussi ni si j’avais été mordue jusqu’à la rage. Enfin, c’était pas du vécu. Juste de la fiction inventée avant de m’endormir dans mon sac en espérant que l’idée était assez bonne pour faire l’objet d’un chèque. Même petit, même salement ridicule.

Mais revenons x jours avant que je débarque chez maman…

J’étais descendue de l’autocar trois heures plus tôt et la nuit tombait. J’étais installée dans un angle qui sentait l’huile de vidange et le ciment. Il faisait tellement nuit que j’étais bien incapable de distinguer les poubelles, immobiles et paisibles, d’un chien assis et tourné dans ma direction. Ou plusieurs chiens. Et quand je dis chiens, je dis autre chose. Mais bon : j’avais une nuit à passer et je comptais dormir.

J’ai rien pris pour ce faire. D’ailleurs, j’avais rien, pas même à bouffer. Et bien quand je me suis réveillée, il faisait jour et un type me regardait. J’avais pas fini d’ouvrir les yeux qu’il me souriait déjà. J’avais plus qu’à décliner mon nom. Une fois la bouche ouverte, je savais bien ce qui pouvait se passer. Mais des fois c’était plus vite fait que supporté. J’avais déjà de l’espoir pour me guérir de mon angoisse chronique.

« Vous ne seriez pas cette luce qui sautait à la corde dans la cour de l’immeuble… ? »

Il avait reconnu mes jambes. J’en ai tellement joué dès le plus jeune âge que ça a laissé des traces dans les mémoires. Il était vêtu d’un jean et d’un polo, chaussé de tennis et portait une casquette à visière en celluloïd. Son visage était donc vert. Ça m’a fait une drôle d’impression parce qu’il n’était pas vilain. Il m’a tendu la main pour m’aider à me mettre debout, sans affectation aucune. Genre fils de bonne famille mais sans plus. Il y en avait des tas dans la région. Maman m’avait écrit qu’il n’y avait pas assez de filles dans le coin. C’est comme ça qu’on s’est rencontré, Jacky et moi.

 

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