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Comment expliquer une obsession ? L'idée fixe a...
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 Article publié le 2 décembre 2018.

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Comment expliquer une obsession ? L’idée fixe a du bon. Mais quand ça devient une manie applicable à chaque instant de l’existence, faut consulter ou en faire quelque chose. Je n’ai jamais agi, ou plutôt réagi autrement face à ce phénomène récurrent qui peut aussi bien pourrir que rasséréner mes jours. La projection d’un phallus d’origine rétinienne sur les murs de mes annales conditionnait forcément mes rapports avec les autres, même les plus simples. Et je parle pas de l’impact dans le domaine des idées, des appréciations et des savoirs. Je me trimbalais un phallus que personne ne voyait, mais je me conduisais comme s’ils savaient en expliquer autant les ressorts que les implications. Je devais incuber depuis pas mal de temps, en y réfléchissant bien. Mais la seule date qui m’importait était la nuit où Bobby était apparu dans sa splendeur érectile. Depuis, je me conduisais en obsédée. Et je m’imaginais qu’on me voyait telle que je me savais être. Je finirais mal… Et mes lectures se limitaient à la connaissance de cette douleur particulière qu’est l’obsession. Heureusement pour mes apparences, je n’en parlais jamais.

On n’était pas loin de mon aventure dans les bois. Si j’avais été un mec, j’aurais montré ma bite en feu à des petites filles sans vouloir les effrayer et ne réussissant qu’à m’attirer les foudres de la justice et le tonnerre des pratiques judiciaires de la psychiatrie. Mais je n’étais pas un mec. J’avais d’autres ressources que le spectacle. Je ne rentrerais pas à New Dream avant d’avoir élucidé ce mystère.

La nuit, je couchais avec maman qui me prenait pour une poupée et bavait dans ma chemise. Alfred se masturbait en bas dans le salon. Ou il dormait. Je n’ai jamais très bien su comment il employait ses nuits solitaires et interminables. Il avait un œil sur maman qui le faisait languir en retour. Elle aimait que les hommes languissent. Elle appelait ça de l’attente, mais ce n’était que de l’espoir. Quand je pense qu’Alfred espérait alors qu’elle attendait ! Jacky ne pouvait pas savoir ça. Personne ne lui en avait parlé. Or, un type comme Jacky ne pouvait pas analyser les choses si personne ne le poussait dans la direction qui s’imposait à l’esprit même le moins compétent en la matière. Il fallait que quelqu’un lui souffle dans l’oreille ce qui finissait par occuper tout le champ rétinien. Et ce qu’il voyait, pendant que mon phallus se superposait à cette complexité de relations amoureuses (si on peut parler d’amour à propos de plaisir,) c’était la main d’Alfred explorant les surfaces anales de maman sous le dossier de la chaise au restaurant ou devant les vitrines où leur plaisir prenait forme.

Alfred, de son côté, ne savait rien des prétentions de Jacky ni de la relation que celui-ci avait entretenue avec maman. J’en savais pas grand-chose moi-même, mais je savais. La situation que j’observais mettait en scène une maman qui prenait plaisir à se faire espérer d’un Alfred au bout du rouleau sur le plan littéraire mais qui était en train d’alimenter une nouvelle nouvelle avec l’espoir d’en tirer de quoi continuer à vivre dans ce sens aigu du voyage et payer au moins une partie des dettes qui menaçaient sa liberté et le peu de biens qu’il avait hérité. Et voilà que Jacky débarque une de ces après-midis d’hiver sous un soleil plus lumineux que fiévreux. J’en avais déjà mal au crâne. Il portait un fusil sur l’épaule.

maman souriait comme une photographie. Alfred vit s’éteindre le feu de son cigare. Il tenait un verre à la main comme qui se met à invoquer les dieux de le douer d’un pouvoir capable de transformer cet objet pacifique en arme par destination. Mais le whiskey n’est pas un acide ni ne contient de la nitroglycérine.

Jacky posa ses deux pieds bottés sur la première marche. Il avait vu un daim dans le bois et se demandait si ce monsieur venu de nulle part apprécierait une partie de chasse avec quelqu’un qui avait pour qualité principale de se lier d’amitié aussi facilement qu’une mouche perd ses ailes sur le verre de la lampe. maman gloussa sous l’effet d’un doigt qui se retirait et parut apprécier les métaphores cynégétiques de son ancien amant. Jacky n’avait pas eu besoin de moi pour approcher le théâtre de sa nouvelle tragédie. Il se passerait aussi de mes services pour revenir dans ce lit somme toute déjà libre de toute concurrence. On ne peut pas mettre en balance un doigt dans le cul et une bite dans le con de la dame en question. L’acte n’avait pas été consommé.

« Je dis ça parce que j’ai aperçu une Remington dans votre bagnole, monsieur…

— Appelez-moi Alfred…

— Mettons. Cette dame m’a peut-être désigné dans une de vos récentes conversations…

— Bonjour Jacky !

— Bonjour Jacky ! »

Je fis un petit bruit pour attirer l’attention. Jacky leva la tête pour me montrer ses dents.

« Salut ma belle, dit-il. Je suis content que tout soit arrangé désormais. Je veux dire rapport à moi-même et à Johnny. Ya rien de plus blessant que d’être accusé à tort. Mais je sais que vous n’y êtes pour rien. Ces sales flics nous tourneboulent toujours la tête. Pas vrai maman… ?

— Faudrait voir à ce que le bandit qui a violé ma filleule soit pendu avant la fin du mois ! grogna maman en se dégageant de la dernière phalange. Volée et violée ! Je l’étranglerais bien moi-même !

— Ils y mettront la main dessus avant longtemps, maman… Venir de si loin et tomber dans un traquenard aussi sordide… ! Johnny ne se remettra pas d’avoir été injustement mêlé à cette histoire. Il a le cœur sensible, le Johnny. Et l’esprit aussi fragile qu’une toile d’araignée…

— Détrompez-vous, mon ami, fit Alfred qui pensait sans doute à autre chose, les toiles d’araignée résistent au vent même les plus violents…

— Elles ne résistent pas à ma main quand je les déchire… »

Jacky changea son fusil d’épaule. Il portait une cartouchière à la ceinture et un couteau de chasse derrière la boucle en forme de taureau. Il donna un coup de menton en direction d’Alfred.

« On y va ? dit-il en reluquant le verre toujours plein qu’Alfred avait posé sur la balustrade.

— Je suppose que ces dames n’y verront pas d’inconvénient… Je suis un peu rouillé ces temps-ci… J’ai traversé le désert cette année… Mais j’ai trouvé l’oasis…

— Ya pas meilleur oasis dans tout le pays que la maison de maman ! Je me réjouis que vous vous connaissiez. Mais avant d’y aller, prenez le temps de rincer votre doigt dans le whiskey ici présent. Avec deux avantages à la clé : 1) vous dénaturerez le whiskey dont votre cerveau n’a pas besoin en période de chasse et 2) vous disposerez d’un doigt parfaitement propre pour appuyer sur la détente… »

Alfred feignit de ne pas comprendre. En réponse à cette provocation qui fit pâlir maman, il vida le verre et suça son doigt. Il se croyait dans un roman. Et il avait tort.

 

 

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