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 Article publié le 13 janvier 2019.

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Le vrai fatum, le seul, c’est le corps social, l’organisation économique d’une société x ou y.

Misères et splendeurs, ascension et déchéance, tout est lié.

The Wire nous montre de jolis poissons enfermés dans leur bocal.

Eau dans l’eau, circulation des fluides, retour du Même, fatum.

Quelques bulles enfantines s’élèvent dans l’air ambiant, et Bubbles souffre encore et toujours, ne saura jamais dire exactement ce qui lui manque.

Peut-être de manquer à quelqu’une, à quelqu’un, quelques-uns, sans manquer, louper, rater, tuer dans l’œuf ce manque.

 

Jean-Michel Guyot

30 décembre 2018

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Commentaires :

  Un malentendu par Stéphane Pucheu

Les propos de Jean-Michel Guyot me rappellent conjointement mon cursus en Sociologie et le catéchisme progressiste.

La texture de son constat poétique est éminemment bourdieusienne puisqu’elle assène un déterminisme implacable, qui donne envie, instinctivement, d’apporter la contradiction.

Certes, tout individu est influencé par les institutions qui le fabriquent, qu’il s’agisse de la famille, de l’école ou du milieu professionnel. Mais il est extrêmement réducteur - ou idéologique ? - d’en rester là, tant les paramètres qui comptent dans la vie subjective sont nombreux. C’est donc omettre la contingence, c’est aussi omettre l’accident, c’est par ailleurs, et surtout, évacuer le concept de liberté - " La liberté existe toujours. Il suffit d’en payer le prix " ( Montherlant ) - , ce qui paraît surprenant pour un auteur volontiers philosophant, le mot philosophe étant réservé comme je l’ai dit dans " Nouvelle abstraite/essai abstrait : l’oeil guyottien " à ceux qui inventent de nouveaux concepts, dans la mesure où la contradiction est le moteur de la pensée. Les termes " économique " et " social " sont en bonne place, comme rappelant le lexique à utiliser alors que le libéralisme actuel et ses systèmes de reproduction - notamment le gagner plus et être valorisé plus de génération en génération a explosé depuis longtemps. Cela me fait penser à l’expression " distanciation sociale " que le pouvoir a parfois répété, au lieu de s’en tenir, par exemple, à " distance physique " ( nous sommes avant tout des êtres organiques ) ou encore " absence d’interaction " ( lexique sociologique ! ). Soyons plus simples : " éviter tout contact " . Mais la simplicité est-elle française ? ...

L’ascension et la déchéance me font penser à l’atmosphère du XIXe siècle, soit le triomphe total de la bourgeoisie qui se lisait à travers les sagas.

Ainsi le fatum, d’origine antique, était l’avenir de la Cité et de certains individus. Celui de César en est un parfait exemple, criblé d’ambitions réussies au-delà de toute espérance ... avant que la tragédie grecque ne le rattrape. Ou encore celui de Spartacus, modèle de rébellion qui produit de l’inédit : la mobilisation de nombreuses légions se mobilisent afin de mater l’insurrection.

Enfin, c’est évacuer l’expression " forcer le destin ", un mouvement contraire à ce qui se dessine pour chacun, synonyme d’abord de prise de conscience.

Seul le déterminisme est un fatalisme.


  Frolo, graffitti, Necessitas... par Mod

Ici, peu de schizophrènes beaucoup de paranos et surtout énormément de cons... Le jour où t’hésiteras plus devant la nécessité, dit DOC sans se mordre les lèvres, le monde ne sera plus un monde pour toi, mais ce qui donne un sens à ton monde. Extrait de Gor Ur...

*

Frolo, graffitti, Necessitas… Cette discussion pourrait bien se lier à [Cosmogonies II], un article de Patrick Cintas paru dans la RALM en juillet 2010, ainsi qu’à [Le poète chez-soi par Pierre Vlélo] publié tout récemment…

 


  A propos de Sur écoute commenté par Stéphane Pucheu par Jean-Michel Guyot

There is no such thing as the colour problem. It’s a weapon for the negative forces trying to destroy the country. They make black and white fight each other so they can take over at each end. That is what the establishment is waiting for."

Jimi Hendrix

*

Stéphane Pucheu me fait pour ainsi dire l’amitié d’un commentaire de Sur écoute. Qu’il en soit ici remercié.

Histoire de lever un malentendu, je dirais en tout premier lieu que la série HBO The Wire m’a inspiré les quelques lignes qui composent Sur écoute, fasciné que j’ai été, de bout en bout, par la maestria de cette série télévisée que je tiens pour une des œuvres de fiction les plus puissantes qu’il m’ait été donné de voir.

Il était hors de question pour moi d’entrer dans des analyses concernant cette œuvre majeure que d’autres ont déjà menées avec brio.

Ces lignes sont venues d’une seule traite et n’avaient d’autre ambition que de rendre l’impression générale - la vision du monde, disons-le un peu pompeusement - qui ressortait de cette série.

Je n’ajouterai qu’une chose : après avoir ressenti, lors du premier épisode, une très vive antipathie et même de l’aversion pour les criminels mis en scène, je me suis surpris à éprouver une certaine sympathie pour eux, les choses s’équilibrant au fur et à mesure que j’avançais dans la série, pour aboutir à ce constat : il n’y en a pas un parmi les politiciens, policiers et criminels mis en scène dans cette série pour relever l’autre.

Le fatum relevé dans The Wire n’est pas de mon fait, ne correspond en rien à ma manière d’appréhender le monde, ce qui ne m’empêche nullement d’apprécier vivement cette série. Peut-être suis-je complètement à côté de la plaque concernant l’ambiance morale qui se dégage de cette série, en tous cas mon impression telle qu’exprimée dans mon court texte intitulé Sur écoute demeure la même.

Je doute que David Simon ait songé à Bourdieu en composant son œuvre romanesque puis ses scenarii ni même qu’il ait jamais lu Bourdieu.

Un texte inspiré par une série télé de grande qualité donne d’abord lieu à un court texte qui tente de capturer l’atmosphère morale de cette dernière puis à une réplique féconde et fort pertinente sur le fond de Stéphane Pucheu qui récuse à juste titre le déterminisme sociologique.

Ce petit accident éditorial montre combien des pensées circulent, traversent l’océan pour donner lieu à des prises de parole hétérogènes.

Ce genre de malentendu est arrivé un jour à une amie germaniste qui avait commenté avec force détails l’idéologie nazie dans une longue dissertation : son professeur avait sincèrement cru que cette amie affichait des idées nazies, alors qu’elle ne faisait qu’exposer les tenants et aboutissants d’une idéologie mortifère et meurtrière. Son tort avait été de pratiquer une sorte de discours indirect libre, alors qu’elle aurait dû user abondamment de formules telles que Hitler a écrit dans …, Rosenberg affirme dans …, Himmler soutient que…, etc…

Mais élargissons un instant le propos !

Est-ce à dire, en somme, qu’une prose poétique destinée à rendre compte d’une impression quelle qu’elle soit - en l’occurrence une vive impression ressentie en regardant une série télé - relève d’une sorte de discours indirect libre ? qu’en conséquence, toute prose poétique destinée en quelque sorte à accompagner un objet culturel - livre, film, série télé, œuvre d’art, etc… - pourrait donner lieu à une deuxième version affublée de guillemets, de « sic », de « je cite », et j’en passe ?

Je ne le crois pas.

La force émancipatrice de l’écriture, si je puis dire, ignore une telle tentation, en entrave toute velléité. Au risque, certes, qu’une confusion s’installe, sachant que la dite prose arrive après coup, ne jaillit pas ex nihilo, n’existe que grâce à un stimulus extérieur sous la forme d’une œuvre d’art aboutie.

Œuvre seconde, ce genre de prose poétique inspirée par une œuvre antérieure a des allures de fraîcheur du fait qu’elle omet instinctivement de citer explicitement ses références, car elle ne procède que par allusions destinées à ancrer le propos dans une réalité donnée au préalable.

En 1997, j’ai failli devenir Nord-Américain, une bourse d’étude en philosophie de l’éducation à La Nouvelle Orléans m’ayant été généreusement offerte. Je devais y suivre un Master puis commencer une thèse sur Jacques Derrida. J’ai dû renoncer à ce double projet d’installation et de carrière universitaire. Ma fille allait naître, il était hors de question de la laisser seule avec sa mère qui m’encourageait à partir seul. La suite des événements m’a donné raison : je ne regrette en rien mon choix d’avoir renoncé à ce rebond américain qui s’offrait à moi. La vie et le bien-être d’une enfant sont plus précieux qu’une promesse de carrière.

J’aime profondément certains aspects de la culture américaine.

Je cultive une dévotion toute particulière pour les musiques afro-américaines. Si ce pays doit un jour s’en sortir par le haut, ce sera, à mon sens, grâce aux Américains Africains, aux immigrés latinos, aux Amérindiens et aux Blancs de bonne volonté.

Dans ces conditions, The Wire a pour moi valeur de symptôme. Les récents événements outre-Atlantique me confortent dans cette opinion toute personnelle.

 


 

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