« Des fois j’ai des visions et des fois j’en ai pas »
Raréfiez l’air et obscurcissez les lieux /
« L’or va bien avec le cramoisi de nos dais »
Près du cadavre une couseuse et ma casquette
Que le chien a « découturé » / « des fois j’en ai »
Insiste-t-elle auprès d’une visiteuse étrangère.
Vite couverte de noir à l’entrée car elle ne venait pas
« Pour ça » / porteuse du feu d’un autre enfer mais
« celui-là je l’ai bien mérité » / poème-conversation
Alors que je n’ai pas dix ans : une 12 clouée au mur
Sa bandoulière de guitare / « comment êtes-vous entrée »
Bouffée dans le vestibule : toutes montant dans les stucs.
« je ne le connaissais pas comme vous le connaissiez »
De quoi parle-t-elle ? Je sais que les histoires s’écrivent,
Ainsi que les pensées (« si jamais on en a ») / mais des
Fois : on a des visions et ça nous rend malade / preuve
En est ce macchab qui n’appartient à personne : « il »
N’a jamais aimé à ce point : pour la casquette tu reviendras.
« Plus personne n’a envie de construire /
Ni même de déconstruire / surtout ce qui
Ne l’a jamais été / vie documentaire drama
/ séquences successives jusqu’à preuve du
Contraire / la pub vous remet sur pied à la
Fin / je ne vous dis pas ça pour vous nuire
/ prenez donc un croquant et mouillez-le
/ vous avez entendu parler de la mort en
D’autres termes ? / chacun sa hutte de paille
Et son seuil de bois mort / queues et trous
En quête d’une mort provisoire mais réelle
/ « qu’est-ce qui vous excite le plus ? » //
Avec jardin potager et même un carré de
Fleurs / voilà les outils garantis par l’État /
Vous m’en direz des nouvelles / ne fumez
Pas votre terre avant l’automne / mariez
Les plus jeunes : fille ou garçon ne cherchez
Pas à vous reproduire à l’identique / je vous
Parle depuis la station internationale / main
Caressant une bite qui n’est pas la mienne /
Dire que je laisse des gosses ! Ce temps perdu
Sans madeleine ! À la fin les champs de bataille
Vous paraissent moins injustes / coupez le son
De vos télés / cul nu dans les coussins resucez
Le crayon qui ne vous sert plus à rien sinon à
/ je ne vous parlerai pas longtemps car / chacun
À sa fenêtre avec des visons d’enfer plein les yeux
Alors qu’on se sent aveugle ou qu’on veut l’être
/ paille de nos murs et de nos toits à l’imprimante
3D / « comme si vous y étiez » / mais je pleure
Enfin / personne n’est mort mais je pleure : le vin
N’y est pour rien / auvent de vigne saturée de pa
De papillons blancs comme flocon de neige / JE
Ne voulais pas partir comme ça mais bon c’est fait
/ je vous écris depuis l’infini toujours sans solution
Satisfaisante pour l’esprit / ne comptez plus sur moi
Pour meubler vos silences / je parle une autre langue
Et elle me le fait bien comprendre / une cabane en
Alaska non mais vous rigolez ! Je ne suis jamais allé
Aussi loin ! Pas fait le tour de la terre avec vous ou
Sans vous : nous ne nous aimons jamais assez : ou
Trop tard : levez le nez et si pas de nuages choisissez
Celle que vous voulez : selon quels critères j’en sais
Rien / je l’ai fait moi aussi à propos de ce que vous
Ne savez pas de moi : je vous écris parce que je parle »
La ville ne dort pas.
Elle ne cesse jamais
De mourir de son feu.
De là-haut vient la nuit.
La nuit et ses petits fruits.
Baies des buissons de feu.
Allez d’un point A à un point
B sans passer par C ni D.
Trouvez alors le sommeil.
Ou rêvez avant de chercher.
Le bonheur est un autre.
Clou enfoncé dans la tête
Ou dans le pied selon que
L’on a de la chance ou pas.
Heureusement c’est l’été.
Perspectives noires des rues.
Phares projetant les ombres.
Qu’est-ce qui meurt cette fois ?
La ville mais encore / comment
La nommes-tu si tu en viens ?
Crasse des mains à force de murs.
Croit poétiser alors qu’il meurt
Avec elle / même avec plusieurs
Dictionnaires à la clé il meurt
Et la ville ne dort toujours pas.
Soyons tout. Écris histoire avec un s. Claque.
« Des cends plu tôt la pou bel le » / remonte
Avec le voisin et s’enferme avec lui dans un
Verre / Carlos de los Cojones a raison de penser
Qu’il vaut mieux éviter les ennuis avec les flics.
Écris amour avec un s. Claque. Elle se rhabille
En vitesse. Ne supporte pas sa nudité en pleine
Lumière. Mais joue avec les miroirs en experte.
« Ne re com men ce pas s’il te plaît » / claque
Puis écris / avec ou sans s / croit multiplier par l’s
Mais sans religion / le voisin a une crise d’angoisse
/ mais propre l’angoisse : lavée de tout soupçon /
Marchez sur l’enfant s’il fait mine d’exister.
« j’ai vu le toubib
Il est d’accord avec moi
Alors on s’y met
Le mois prochain
Avant les vacances
D’été dans cet hôtel
Où nous avons connu
Tu le sais bien le bonheur »
Crasse au frottement des murs.
Murs frottés par désespoir.
« Je ne joue pas toi non plus »
Nous aurons des enfants
De la patrie et du travail,
Des sans-famille au poil.
Pas loin qui veut se noie.
Mais ici on bande bien.
« ça te fait pas du bien ? »
De bander oui ça me fait.
Mais en venant je me disais.
« j’avais jamais autant grandi »
Je me disais que cette crasse
Dont ne veut pas le lavabo
On ferait bien d’y penser
Avant d’accepter de signer.
Glouglou des tubes. Soyons tout.
Eau chaude des murs. Des planchers.
« veuillez sonner avant de pénétrer »
Pourquoi ne pas se la faire seul
Cette existence de chemin ?
Prendre le nécessaire voire même
Le payer et ne pas rencontrer
L’autre d’aussi près / « j’y ai
Pensé figure-toi mais finalement
J’ai besoin de conquête en dehors
De ce putain de boulot à la con »
Paille des vents en lutte. Soyons.
Oiseau chie en parlant à sa mie.
Sur le zinc ça chie et ça parle.
Veut entrer pour visiter la nappe
Et le dessous de table déserté.
Ne dort pas dans notre lit mais
Sait construire son nid près du ciel.
Laisse traces sur la vitre.
Bec parle avec un minimum de mots.
Elle écoute et enfin se donne.
Ça va en faire du chahut au dessus !
« tu n’as jamais aimé les gosses »
Mais j’aime ce que j’ai été
Quand tu n’étais pas là
Pour me dire le contraire.
J’aime les friandises des boîtes métal
Métalliques / les miettes de croissant
/ les pelures d’orange pour jouer
Avec le feu de mes allumettes / j’aime
Tellement de choses que je me perds
En route / tu sais : sur le chemin de d’été
L’automne rencontré sous les feuilles.
J’aime m’en aller
Avec cette idée
Que je ne reviens
Pas avant Noël.
Ces temps. Spectacle en continu.
On vous amène de quoi manger.
Le sel de la soif. Soyons. Ne soyez pas
Sans moi. Ne suis-je pas avec vous ?
Comédiens usés jusqu’à la corde.
Dialogues de sourds. L’histoire avec
Un H. Un tremblement, docteur…
Je ne sais pas pourquoi je tremble
Comme ça ! / il m’a dit : va trembler
Ailleurs / « le travail d’abord / veille
Sur les enfants à ma place » Temps
Passés à relire celui qui n’écrit pas
Dans l’autre sens / Écran après écran.
Plus besoin de demander : c’est pro
Grammé / « qu’est-ce que je fais
De mon corps ? » Ne savait rien
Du mode d’emploi : un expert
À chaque table, dans chaque lit,
Chaque fétu de paille / chaque
Feuille même toujours aussi blanche
Qu’au matin / des savoirs qui s’enseignent
Mais pas juste pour savoir : maison
De fous : qui est le père ? qui es-tu ?
La chair recomposée / à caresser
Ou à manger : mais ne mangez pas
La chair humaine : ne condamnez
Pas vos enfants au cannibalisme /
N’aimes-tu pas mieux
Le fruit de l’amandier
Ou le frère du maquereau ?
J’ai lu ça dans un livre.
On peut aimer sans aimer.
Au passage les racines
D’asphodèle et les ailes
Des papillons / en montant
Vers le sommet où la croix
Étend ses bras d’équerre
Et de pivot / n’aimes-tu pas
Mieux le verre de gentiane ?
Pèlerins joyeux et partageurs.
Le fruit du noyer ou celui
Du mandarinier sauvage ?
Poisson dans l’eau avec son encre.
Ou crustacés des quais abandonnés.
Mine d’or en friche ses potagers.
Au pied de biche ses fenêtres.
« ils ont habité ici mais ils n’y sont
Pas morts » / j’ai aussi dans mon cor
Mon corbillon : « j’aime les fruits
Et leur alignement dans les cageots »
Qui est mort cette nuit ? J’ai entendu
Les grincements de l’ascenseur.
« partons si c’est encore possible »
Non je ne sais pas ce que c’est un poème
Si je le savais je serais le premier à publier
Ce que jamais personne ne s’avisera d’oublier
Tes fruits d’arbre conçu pour une lecture
Joyeuse dans la campagne que nous fuyons
Ensemble
Surtout ne me ressemble pas.
On aime ou on n’aime pas. Soyons. La vie s’achève
En queue de poisson. Possédons le moment à défaut
D’éternité : nous ne sommes sûrs de rien. Aimez-vous
La truite au jambon de Trevelez ?
Ne vous avisez pas de me ressembler.
Affirmateurs au banc. Le ciel s’élève encore d’un cran.
À force de mouvement la toupie quitte l’enfance.
Êtes-vous armé pour la fuite ? Ou nu comme un vers
Qui s’inspire du doigt ? Négateurs affirment. Mais soyons.
Façades des certitudes ouvragées au burin à même le ciel
Ou en atelier avant de perdre pied. Fabrique d’ingénieux
Inventeurs. Change d’idée en route. Épouse l’air de la chute.
Banc peuplé d’oiseaux qui chient en parlant. Si jamais
Vous pensez à me ressembler consultez les hauts lieux
Du malheur avant de ne plus pouvoir reculer devant
L’évidence de l’échec. Jeu dites-vous. Soyons. Marteau
En main. Fabbro. Ni feu ni autre chose. Des jardins si
Bien faits pour le regard. Mais vus de près on déchante.
Et la ville semble s’éteindre comme le feu alors qu’elle dort.
Une veille d’avance. « Vous reviendrez » / à l’heure prévue.
Vieille valise de papa et maman du temps de leur voyage
De noces. Venise dans la tête. Les pendus de Murano. Ah !
Oui j’aime les jardins
Arabes et ouvriers.
J’aime les carillons
Et les vitrines neigeuses.
J’aime ce qui se fait
Ensemble et pour toujours.
Même au prix de l’effort
Qu’on ne fait pas pour soi.
J’aime me promener
Au bras d’une inconnue
Jusqu’à la connaître enfin.
Avec elle biner les soles.
L’enculer à l’heure et sans faute.
Oui oui les jardins et la pub
Qui me procure le vocabulaire
Nécessaire pour comprendre
De quel bois nous sommes.
Soyons. Avec le voisin et la
Voisine. Avec les enfants
Des écoles et du cimetière.
Soyons le jardin de notre jardin.
Enfin… si possible… pas vrai ?
« des fois je pense comme toi »