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La geste milletienne
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 Article publié le 4 octobre 2020.

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" Tout écrivain français devrait se situer aujourd’hui par rapport au Nouveau roman plutôt qu’au clivage droite/gauche puisque celui-ci n’existe presque plus " . - Journal 2000-2003 - Pierre-Guillaume de Roux (2020)

 

 

Richard Millet est connu de certains lecteurs, notamment des grands lecteurs, pour tout à la fois son style, la maîtrise de la syntaxe, la diffusion d’un univers protéiforme qui allie tradition et modernité - avec sans doute une domination de la première. 

Cette évocation du Nouveau roman n’est pas inédite. En effet, dans ses nombreux essais où il apparaît comme la grande figure contemptrice de l’industrie du roman, de la production littéraire française et aussi internationale - révélatrice de l’effondrement de l’Occident en considérant la santé et le dynamisme de la civilisation à l’aune de sa littérature - , l’auteur cite ce mouvement ou moment littéraire qui de français devient américain grâce à l’ouverture d’esprit des universitaires outre-Atlantique, avant de se diffuser sur les quatre coins du globe grâce au travail sans relâche d’un certain Alain Robbe-Grillet. Ayant une sensibilité affirmée pour Beckett et Simon, Richard Millet reconnaît, au-delà, l’apport décisif du Nouveau roman dans l’innovation de cette appellation, il la reconnaît objectivement, faisant montre, ainsi, de ce que l’on appelle l’honnêteté intellectuelle.

Dans ce journal qu’il tient sur quatre ans, au début des années 2000, apparaît assez rapidement cette phrase assertorique qui fait comme irruption à l’intérieur de son propos comme souvent hybride et habile : anecdotes du milieu parisien, considérations sur la vie privée, scènes de la vie quotidienne, spéculations littéraires. ll condamne, à juste titre, la posture politique de bien des auteurs, surtout ceux qui sont médiatiques, et invite à songer à un référent littéraire synonyme d’engagement artistique et intellectuel total, soit ce qu’exprimait Robbe-Grillet en son temps : ce que l’on demande à l’auteur, c’est de s’engager pleinement dans ses formes narratives et non dans un quelconque militantisme. Richard Millet en appelle ainsi les auteurs à travailler - vieux concept qui traverse le temps - , mettant l’accent, conjointement, sur l’obsolescence du clivage droite/gauche, particulièrement visible aujourd’hui, vingt ans après. Dans une époque sans doute post-libérale.

Cette assertion est on ne peut plus réaliste aujourd’hui, dans la mesure où le Nouveau roman continue probablement d’avoir de l’influence - quelle nouvelle innovation littéraire peut se targuer d’être aboutie, hormis peut-être la littérature abstraite ? - et que le paysage politique offre des ruines particulièrement étendues.

Décaler la situation, c’est mentionner, également, l’indigence intellectuelle de bien des écrivains français reconnus, qui préfèrent s’exprimer ou paraître politiquement plutôt que d’essayer d’être des auteurs. Car un auteur, soit un écrivain engagé dans une œuvre qu’il ne connaît pas forcément à l’avance, finit toujours par dévoiler un sens politique, sans qu’il faille entrer dans l’arène.

Si la plupart des écrivains médiatiques sont dans une coloration politique, la raison en est simple : ils sont dans le jeu social. Hors, Richard Millet ne l’est pas. Il n’a jamais eu d’ambition sociale. Mais une ambition dépourvue d’adjectivité, qui sous-tend, ainsi, ce que l’on appelle la noblesse ou l’aristocratie, aspect que j’ai plusieurs fois développé dans mes essais pour mon propre parcours. Richard Millet nous renvoie un double miroir : celui d’un homme libre, celui d’une référence libre. Si son phrasé a des racines proustiennes, il s’intéresse aux derniers apports décisifs de la littérature contemporaine. Lucide sur l’hyper-décomposition de l’Occident, il ne voit que le mythe comme horizon pour les auteurs dignes de ce nom, a fortiori les prototypes comme je les ai baptisés dans mon essai " La grille des écrivains " (RAL,M, " espace panoramique occidental " ) .

J’irai plus loin : les écrivains sont désormais condamnés à l’empire. Un empire qui va et ira défier l’Histoire et le fatum. En pariant, peut-être, sur une évolution favorable de cette même Histoire.

Une Histoire, qui sait, accompagnée ou bouleversée par la conviction de quelques auteurs lucides, pleinement engagés dans leur œuvre qui remet au goût du jour un concept simple et maintes fois repris : celui de liberté.

 

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