Je ne puis désirer revivre certains moments du passé voire une époque entière qu’informé de ce qui advint ultérieurement ; c’est un présent indigent, une époque pauvre en événements exaltants qui m’incite à chercher dans le passé des périodes plus animées ou plus glorieuses, laps de temps durant lesquels tout semblait possible.

Comme si sommeillait dans le passé les germes d’un possible non encore advenu en mal d’actualité vibrante et solaire, tellurique et céleste, sacrée-profane, en un mot, explosive.

De cela qui n’a pas eu lieu, il n’y a pas lieu de faire une promesse, à moins qu’ignorant le présent enferré en lui-même, nous décidions que toute promesse n’est qu’à venir, ce qui nous fait retomber dans un prophétisme de pacotille.

Seul le présent compte et franchement ce n’est pas un cadeau.

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Immergé dans la musique, tel je suis, à de certaines heures.

J’aime ce paradoxe d’une musique qui m’est extérieure, entre en moi, me fait vibrer et même danser ; elle résonne et pulse, créant ainsi un espace physique et mental dans lequel j’ai l’impression heureuse de baigner corps et âme.

En effet, je baigne dans la musique qui s’engouffre en moi.

Est-ce à dire que je baigne alors en moi-même qui ne fais plus qu’un avec la musique qui exerce son empire sur moi ?

C’est tout le contraire : dans et avec la musique, je me perds, m’oublie, ne me mets plus en chemin vers quelque moi idéal. Un monde s’anime, rival du réel. Et le plus beau, c’est qu’il s’épanche dans le monde, particulièrement, lorsque la musique, qui le porte et que j’aime, est jouée en plein air. Une réverbération naturelle fait refluer les sons vers les musiciens et les auditeurs.

Je suis alors à deux doigts de penser que tout est possible, qu’il suffirait d’un rien - peut-être une bonne volonté générale - pour que tout bascule dans ce que la musique déploie de forces brutes et de bonté, de subtilités et d’excitation.

Je ressens vivement cela lorsque j’écoute Jimi Hendrix. Il est, de tous les musiciens, celui qui emporte mon adhésion totale et enthousiaste.

Pensée du tout est possible qui fuse quelques instants puis disparaît, emportée par une musique tellurique qui embrasse le ciel.

Une expérience qui s’origine dans des sauts en parachute durant lesquels toute pensée disparaît, tant que le parachute ne s’est pas ouvert, comme Jimi Hendrix le relate.

Il s’agira alors pour lui d’embrasser et d’étreindre musicalement le ciel en se tournant vers la terre, ni ferme ni sainte ni promise, mais là et encore là et ailleurs encore et qui vibre de toutes ses fibres dans toutes les fibres du musicien qu’il est. 

Alain Dister évoquait dans un livre déjà ancien le cocon électronique dans lequel, sur scène, il baignait. Image frappante qui rejoint celle de l’immersion que je ressens pour ma part.

Un monde musical s’épanche et se déploie dans le réel, substituant à la réalité ambiante pesante et étouffante, tragique et injuste une réalité non tangible mais audible, un espace imaginaire où sensations et pensées, émotions et mouvements du corps en liberté cessent d’être contradictoires. 

Le cocon électronique dans lequel baigne le musicien et le monde audible dans lequel baignent ses auditeurs transportés au-delà de ce qui est pour l’heure ne contredisent en rien l’épanchement bien réel, factuel et sensoriel, de la musique porteuse alors de tout le possible humain qui s’actualise dans la personne du musicien qui partage cette expérience avec ses auditeurs. 

Jean-Michel Guyot

12 septembre 2020