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Article publié le 7 février 2021. oOo Sur ce papier glacé Marge de marjolaine Cours cours à perdre haleine Ma plume au plus pressé
Cours cours ma plume d’oie De l’encre plein le bec Sur un air de rebec Un air qui nous rudoie
Vole sans soif sans faim Sans cris à tire-d’aile Avec les hirondelles Mon temps tire à sa fin
Cours cours à l’aventure Par voies par parchemins Vers de beaux lendemains Sans taches sans ratures
Ma plume de corbeau Volette dans la bruine A ta perte à ta ruine Et me suis au tombeau
Cours cours après ton ombre Tu peux toujours courir On nous envoie quérir Va pour faire le nombre
S’en est allée la Mort Comme elle était venue Je l’avais reconnue En abreuvant mon mors
Je sue d’ahan je saigne Je brave les clameurs Je bataille je meurs Je vis sous ton enseigne
Je reprends nos maquis Nos faires nos mystères Nos vies et je déterre Nos cadavres exquis
Je déballe ma prose Les poings sur les rognons Qui se frotte à l’oignon Ne peut sentir la rose
On prose tant qu’on peut On ferraille on se livre On prend le temps de vivre Et de mourir un peu
Et puis ces escarmouches Ses joutes sans merci Menées de-là de-ci Avec des pieds de mouches
Cours-tu ma plume sur Ma Méditerranée Au bout de tant d’années Je n’en suis plus si sûr
Par les jours noirs qui courent Balayés par les vents Rien n’est plus comme avant Des anges me secourent
Que me prépares-tu Ma plume désinvolte Avec tes virevoltes Entre mes doigts tortus
Cours sur mes plates-bandes Cours après mon éteuf Derrière mon teuf-teuf Penne de contrebande
Cours par sauts et par bonds Dénuée d’épithètes N’en fais plus qu’à ma tête De vieux beau furibond
Dans mes romans de gare Je fais de grands dégâts De fées de mauvais gars D’alcools et de cigares
Puisque tel est ton sort Cours cours de gauche à droite La manœuvre est étroite Mais où prends-tu l’essor
Entre et pousse le pêne Gueuse de mes romans Prends mon mal un moment Prends mon mal et ma peine
Pendant que je joue gros Mon double boulevarde Dans Paris et buvarde Les pas d’encre de Cros
Je n’ai plus rien à frire Pas un œuf un merlan Irai-je au bout de l’an Toujours toujours écrire
Ma phrase a des crochets Des tours et des embûches J’y bûche j’y trébuche J’y brusque mon archet
Cours en hâte aux nouvelles Que brode la rumeur Sait-on qui vit qui meurt Qui tient la manivelle
Où cours-tu comme au feu Ma plume cramoisie Folle de poésie Ne flambe pas qui veut
Tu cours sur les brisées Visage découvert Des plumitifs au vert Dont je suis la risée
Longue de quinze empans Lourde de savoir-faire Ma chiourme vocifère A casser les tympans
Cours comme une cavale La bride sur le cou Je rue mes derniers coups Je tue je tords j’avale
Cours cours avec les bruits J’écris sur le silence La queue du chat balance Je songe aux maux d’autrui
Cours cours la prétentaine Cours cours le guilledou J’attendrai le redoux Mironton mirontaine
Cours cours du sud au nord Fafelue farfelue Sous ma patte pelue J’ai une affaire en or
A l’aide A la rescousse Cours cours dans les fracas De mes phrases jusqu’à Mes dernières secousses
Contre toute raison De mes plumes rebelles Tu restes la plus belle De ma morte-saison
Cours cours sur ces systèmes De dés d’armes d’argent D’us qui crèvent ses gens Comme des apostèmes
Cours à travers les champs De Cérès de Bellone De Neptune pilonne Glane et hisse mes chants
Cours mes sommes mes veilles Retrouves-y mes goûts Mes coups bas mes bagous Mes morts et mes merveilles
Je vends des madrigaux Et des épithalames Tu joues à rendre l’âme Dans mes vers inégaux
Que mes catilinaires Mes couplets soient traduits Comme hier aujourd’hui A coups de dictionnaires
J’ai mon jour de bonté Les rieurs du dimanche Que je mets dans ma manche Sont tous de mon côté
De mes sombres venelles Aux célestes pourpris Courons après l’esprit De la ville éternelle
Je gagne à reculons Cette vie qui te dure Et que tu me fais dure A trouver mon temps long
Je m’éteins et m’allume Je m’allume et m’éteins On n’écrit pas putain Sans y laisser des plumes
Feuilles de chou baveux Canards t’apothéosent Bonne garce tu oses Etaler tous tes vœux
Flânoche sur ma page J’ai rangé mon sarrau Gardons-nous à carreau Laissons là les tapages
Je suis ton galérien, Ton marinier de rame Ton rimeur en plein drame Ce que je dis et rien
Je n’ai qu’une parole Toujours franc comme osier Ma dame vous osiez Traîner mes casseroles
Cours mon pays têtu Ses terres vigneronnes Sa geste fanfaronne Ses chorus impromptus
Je laisse la houlette Et la flûte de Pan Pour une roue de paon Et deux de bicyclette
La main droite en cornet Et la gauche en visière Je guette à mes lisières Les vermineux bonnets
Ma pote tu retardes Rien n’est plus comme avant Le sentiment se vend Au poids de la moutarde
Sont venus des renforts Me prêter armes fortes De celles qui confortent Retaper mes temps forts
Cours cours à ma rencontre Je m’en reviens cassé D’un pan de mon passé De ses pour de ses contre
Je m’en reviens vêtu De vieilles hardes molles Les rigoleurs m’immolent Sur leurs routins battus
Je sais que tu es lasse D’aller et de venir D’orner mes souvenirs De te mettre à ma place
Ne suis-je pas marrant Sous les coups qu’on m’assène Les noyés de la Seine Remontent ton courant
De ma tour babélique Ta ta ta ta ta ta Je tire dans le tas J’abats claques et cliques
Je racle dans la cour Du pauvre roi de Thunes Un rebec de fortune Son archet est trop court
Tu t’émousses t’enrouilles T’enroues à me chanter T’engoues à raconter Mes nœuds et mes embrouilles
Laisse aux fats tes honneurs Ton étoile des braves Mon nez de betterave Et mes dents du bonheur
Je suis catégorique Garde les compliments Les encouragements Et les panégyriques
Je suis un fusil chaud Qui se passe de prêche Qui colmate une brèche Dans son cœur d’artichaut
J’ai une clientèle Qui choisit ses décors Pour prendre à bras-le-corps Ma musique à bretelles
Je pousse jusqu’au coin De mes rues ma ballade Cortégée de malades Jaunes comme des coings
La vérité est une Ce n’est pas un souci Elle est dans mes récits Plus ou moins opportune
Cours d’hôtel en hôtel Je plie souvent bagage Comme un tueur à gages Après ses coups mortels
J’ai des plaisanteries De commis voyageur Des propos ravageurs Des salves bien nourries
Je donne tope à tout Quand je mords dans la grappe Je touche les attrapes Et file n’importe où
Je dédie mes caprices Mes bouquets à Iris A Euterpe à Cypris Mes ferventes lectrices
Cours en robe de deuil Chargée de prétintailles A travers mes batailles J’y blanchis à vue d’œil
En robe violette En robe rouge sang Avec ou sans accent Cours sus à mon squelette
Robert VITTON, 2016 |
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