|
|
Navigation | ||
Seriatim 3 - [in "Seriatim"]
Seriatim 3 - Recuerdos de la Alhambra (Patrick Cintas)
[E-mail] Article publié le 21 février 2021. oOo RÍO Hein ? BLANCO Hein ! RÍO De quoi s’étonne-t-il ? Il est tombé dans la fosse. Personne ne l’a poussé. Il y est allé tout seul ! Sans moi. Han ! (il peine à sortir du brouillard) Recuerdos de la Alhambra. Tarrega en fusion Mineur/majeur. Toi et moi chez Washington. Cette lumière d’ombre ! Les bois noirs et Ouvragés dans le sens du repos. L’Islam Est passé par là. Le sens des générations En exergue : « Je suis ce que tu ne seras pas. » Et ainsi d’invention en taxinomie. Contes D’une lenteur presque désespérante. Passages Des yeux sur les yeux croisés. Ce silence d’or ! Dessous, la matière est encore en fusion. Nous descendons les escaliers parfaitement Entretenus dans la patine. Quelle conversation Nous anime. Nous revenons de Tolède la Juive Où le café infuse en attendant que le soleil Se lève. Les bravos de la vallée comme des croches Sur le pentagramme formé par le fleuve. Puis la Brusque bifurcation vers la mer, la vitesse acquise, Les amis retrouvés (un instant perdus eux aussi Dans leurs pensées) / les chaleurs de l’asphalte — la croissance de l’instinct au contact de l’idée / « qui croire maintenant que nous croyons ? » Quel quatuor « au sampan de tes yeux » ? « Je vous en prie ! Ne jouez pas avec moi. Je suis Destinée à ne pas durer autant que vos exigences De secret. » / l’escalier comme un roc définitif. Le jour de dehors retrouvé. Les graviers divers. Les senteurs aquatiques aux pierres renouvelées. « Voici donc ce que nous sommes venus chercher. » Pendant que l’homme se bat pour l’Homme, résolu À gagner du terrain, talweg en feu à la place De la foi qui est comme l’eau de la pensée / où elle nage avec les embarcations de l’Histoire. « J’vous ai apporté des bonbons, » plaisante Un Parigot en cavale. Quel vers appliquer autrement Si la mémoire veut demeurer fidèle au souvenir ? Ides rectangulaires des reflets comme encyclopédie. « Nous aimons ce qui se laisse aimer, pas vrai, mon Amour ! » / « d’où revenons-nous nous-mêmes ? » Les mains explorent les mains. « Sont-ce tes yeux Que je baise si follement ? » / « oui, oui, recuerdos De la Alhambra. Du mineur au majeur insufflant Le bonheur en taille de pierres assemblées ici, À l’endroit même où la croyance explore les fonds Des bassins / réservoirs des pluies séculaires / . . / main mouillée pour jouer (ce qui provoque Une vive réaction de la gardienne des lieux) Recueille ensuite ces gouttes dans les draps Bleuis par la pratique de la propreté blanche / « je sais de quoi je parle » / quelle philosophie Obéit ? — « nous cherchons au lieu de vagabonder, Mais quelle nation autorise le rêve nu des nuits À vivre éveillé ? — lenteur (encore !) des lieux Contés / excessive attente en conséquence mais Uniquement en conséquence / « nous aimons tant Aimer ! » :: : nous ne sommes plus revenus, même En y croyant :: : pas de poussière sur les meubles Noirs d’ombre et de suie / « qui invente quoi ? » « j’ai l’impression de revivre un roman lu après la découverte de l’enfance » / quel livre est (sera) Puissamment écrit sur cette joroba ? De quel Personnage hideux par définition naîtra le nouveau Romantisme de remplacement ? Trop d’argent Sous la terre / et pas assez de mort(s) / des os Ne peut naître l’écriture / ni des peaux-pemmicans Appendus aux fenêtres sur cour / « pourtant je vous aimais — comme on aime se réveiller seul — nouveau pour le soleil et si vieux dès que la nuit revient ! » :: : Voyons si j’ai raison D’y penser :: : balayée la métaphore avec le son / puis redescend vers la mer qui sert de niveau Ø / comme si une civilisation s’y retrouvait Chaque fois que l’esprit manque d’imagination / « je sais que je vous ennuie avec mes propos relatifs » / — ennuyer n’est pas à propos, mein Hilh ! Nous exerçons des forces pour nous soustraire À la gravité / sinon pourquoi voler ? / les rouges Anglais verticaux : l’ocre d’or des tempêtes :: : « tes cheveux au vent des moulins » / nous aimons Noyer le poisson avant de le pêcher / contes Nouveaux et lents qui s’interpénètrent aussi Lentement que récemment / qui peut dire Si nous avons existé maintenant que plus rien N’a subsisté :: : devrais-je dire : « résisté » ? La pierre du désert en témoigne : l’eau est Au commencement : puis l’idée du fleuve Naît : et l’écriture se substitue à la vague. Voici l’écume d’une poignée de terre acquise Suite à l’effort de reptation / du point x Au point ∞ / « je ne peux rien faire de mieux » Entre rien à l’origine et rien après / cette vie Qui n’est pas la mienne :: : ni acquise ni désirée :: : faute de mieux à faire si aucun métier N’est utile dans ce sens / ni la pratique De la dévotion :: : galet inutilement observé Sous l’angle du soleil / à la plage l’été ou Sous la pluie normande / qui sait où nous Sommes quand nous nous trouvons ? « mais je croyais, mein [paÿ], que tu savais, toi ! Je n’ai vécu enfant que pour le croire ! Qu’est-ce que ce père idéal et stylisé Que j’hérite maintenant que je suis père moi-même ? » / « n’oublie pas que tu joues ! Tous les enfants jouent au lieu de ne pas jouer ! Je l’ai su avant toi :: : voilà ce que tu ne peux pas changer ! » / pourtant le touriste est idéal. Propre chemise et espadrilles Pas encore empoussiérées. Suivons sa trace de pluie fine.
Mollets d’acier trempé aux Meilleures sources crois-moi. Feuillète avec une attention De guêpe au travail des heures.
Au passage recueille l’eau Des pentes, sous les fruits Mûrs de l’extase, quel stuc Après ses pas ! L’enfant à nu.
Connaît l’écriture poétique Mieux que celle de la lenteur. Et d’ailleurs frappe à la porte Avant d’entrer dans cette ombre.
C’est par imitation que tu le suis. Qui porte le monde Dans l’autre monde ? Le seuil est arrosé à tout instant.
On ne sait jamais qui y glisse. Genou blessé d’une estropiée Venue ici pour espérer. « Vous êtes venu pourquoi, vous ? »
Pas seul, en compagnie, mais pas Question de fusion. Le temps interdit Les attentes de cette espèce.
« Avant j’étais dans le tourisme, Moi aussi » Heureux De vous l’entendre dire.
Observez les visages et leurs mains. Cela ne suffit-il pas À comprendre le sens Que chacun veut donner À cette incursion dans la lenteur ?
« Je viens avec vous, Si vous le permettez… J’aime prendre le bras De celui qui sait Où nous allons »
Et moi donc ! Belle insoumise Du jeu politique Ailleurs en vigueur.
« C’est ici qu’il écrivit Ce que je vous donne à lire En attendant de me séparer De ce qui me retient ailleurs »
Beau balcon de nuages gris. La terre en mottes noires Fuit ses limites de terre. Aucun signe d’hiver ici.
« La prochaine fois nous irons Plus loin, dans le désert et sous Le ciel blanc comme l’acier Lorquien des jardins grenadins. »
Admire qui peut. De stuc et de terre Ce cœur arraché à l’enfant Qui finit par mourir de sa foi. Tremolos sous les linteaux Où se penche la rose rose.
« D’un coup d’aile je te fuis ! » Menace mise à exécution Un matin d’un automne Orange comme son arbre.
« Il n’est plus nécessaire d’attendre. » Des voix en apposition aux ajours. Les pas du poète qui descend dans la rue Pour retrouver les rythmes familiers. Jouets des cordes tendues entre les murs. Le vent croît dans l’embrun, carènes fines Comme des corsages / « veux-tu de moi ? »
Intérieurement : Qui ne nourrit pas sa haine En secret ? Qui en détient la clé ? Les lieux s’amoncellent devant. Je suis déjà passé par là, je crois.
Puis, au croisement : Je ne suis pas venu hier car Je n’avais pas de rêve à donner. Ce matin je rêve encore, alors Je ne fais que passer / pase
« Vous verrez les choses de plus près. Vous apprendrez à vous en approcher. Vous mesurerez toutes les distances. Et vous en concevrez de la joie. Mais : Vous n’écoutez pas ! »
Oui, oui, il faut se souvenir des lieux. Le plan tracé d’avance dans les brochures Touristiques / les effets de focale Sur les dimensions réelles / la température De chaque couleur / l’exigence du trait Une fois admise sa projection cavalière / « au diable le music-hall et ses effets Sur l’envers des rideaux / je suis à vous ! »
Palette Complète À l’entrée Pour le prix D’une orange.
« Ce que Dieu ne donne pas. Ce qu’il prend et ne rend pas. Tout ceci en coin de rue. Pas une vitrine à offrir. »
Jouets et beignets des fils Joignant les murs torrides. Qui gagne perd le Nord ! Qui veut le Sud émigre.
Jolis et beaux quelquefois Les quatrains que la bouche Laisse filer comme la mouette Qui s’est crue un instant Prisonnière des murs.
« Rappelez-moi quand vous voulez, Ami de longue date, appelez dès Demain si ça vous chante et si Je demeure comme vous dites ! »
(l’effort est vain, il ânonne, Perd ce qui lui reste de force, Enrage puis abandonne Toute idée de résurrection En orange)
L’un J’ai toqué pourtant… L’autre Je n’étais pas là. J’y serai demain Si Dieu le veut. L’un Ah la la ! Les femmes ! On assiste (muet) À une parodie de comédie à l’espagnole, Des gens courent en tous sens, On annonce mille nouvelles Qui se croisent Sans prendre de sens, Les couleurs se mélangent, Petit à petit la scène se grise, Tourbillons du pinceau, On ne sait plus d’où vient la lumière, Le brouillard a laissé la place à une mauvaise peinture, À un barbouillage que la méconnaissance des mélanges A grisé au point de ressembler à la boue des chemins Après la pluie. Río se distingue à peine de ce chahut. On ne sait pas vraiment s’il est celui-ci ou celui-là. On entend les aciers du train, Les conversations souterraines, Les appels, les conseils, les discours aux enfants. RÍO Que voulez-vous ? Le Monde n’est plus Ce qu’il était avant Que l’Homme errant N’en devienne le Mythe Fondateur : Internet Zig-zague entre les bornes. On me voit penché Contre un écran et : J’achète ce qui me plaît. Vous saurez ce qui me plaît. Tôt ou tard, vous le saurez. Vous en concevrez de l’envie Ou vous en rirez avec moi : Qui sait ce qui se passera Après / pourquoi changer L’ancien avec le démodé ? Nous ne savons rien de plus. Un pas devant l’autre et Le tour est joué ! Qui veut Vivre ne verra pas / Mort ! BLANCO Du fond de la fosse Oh ! Assez ! Assez ! Assez de bourgeoiseries ! La seule vérité croît avec la Guerre. Escrimons et fusillons ! L’Homme n’est pas errant. Tout le travail consiste à concilier Morale Et Connaissance. Tout le reste n’est qu’un jeu, de mots, de lieux, De tons, de modes, de genres, etc., etc. / Nous n’avons vécu que pour nous plaire. Trois ! Quatre ! Et sans dynamique à la clé ! La musique s’extrait du barbouillage, Synthétique et sommaire. Les gris perdent leur forme humaine. Les trémolos se laissent entendre, Mais le sentiment n’y est plus. RÍO Voilà de quoi dissoudre un Rembrandt. Quel sentiment, quelle idée Ne confine pas à l’intolérance ? Sans une vision exacte des premiers temps, Nous sommes foutus d’avance. Il manque un signe entre les commas. Fier de cet idéogramme, Il saute dans la boue Et éclabousse coulisses et public. Sa joie est manifeste. Je ne possède plus rien Qui vaille la peine De nourrir un refrain.
Je m’habille de gris. Le noir me va si bien ! Moi qui naquis du blanc…
Fini les cascades de rouge Des bougainvilliers de l’ocre ! Nous revenons à la maison.
Croisant ceux qui arrivent De loin, sous la pluie d’étamines. L’Histoire en veut encore.
Des quatre doigts plus le pouce Forgeant les grilles de l’amour, Ou de ce qui paraît en être.
Quel temps se perd en heures ? L’eau des ombres dégouline Comme un discours aux âges.
Qui croit le plus en l’autre ? Mais qui ne dit pas ce que demain Sera si aujourd’hui tout meurt ?
Descendant la pente verte, La mémoire revisitée en joies Aussi diverses que convenues.
La terre descend jusqu’à la mer, Comme on s’attend à la trouver Aussi facile qu’un voyage.
Quel soupir à l’angle de la nuit Qui annonce ses rêves et son aurore ? Quelle oblique de palais à palais !
Vous verrez comme on s’horizontalise Une fois le repos acquis en fin de journée. Vous verrez combien j’ai raison.
Mais (dit Río) je ne vois rien ici. Je ne vois rien à la fenêtre, ni toi Ni ce que nous avons été ensemble.
Quelle lutte m’attend contre l’Errance ? Contre l’Homme lui-même, contre moi, Contre tout ce qui ne sera plus jamais ?
Oui, oui, descendons vers notre mer. Elle sut si bien nous assembler. Nous avons tant aimé nous y baigner !
Trop d’ambition tue l’ambition, Comme l’amour finit par tuer Ce qui n’a pas trouvé le la. Des femmes de ménage Entreprennent de nettoyer la scène. On ne s’agite plus. On travaille avec conscience. La musique rythme les gestes. On devient joyeux et les paroles Commencent à naître dans l’action. D’abord apparaît, petit à petit, Le nom de la station de chemin de fer. Ai-je vécu ici ? Suis-je cet enfant ? Errant de l’estuaire.
Deux enfances pourtant. L’une ne cherchant pas L’autre, rencontre fortuite.
Vient du jardin fleuri De pâquerettes nouvelles, Pendant qu’on enterre.
Sur la plage du solstice, Une méduse n’attend plus : La vague revient en force.
À San José le restaurant Est ouvert, et la nuit feuillète Les branches des oliviers ;
Derrière le moulin on se cache. La figue de Barbarie promet Et tient sa promesse de vieille
Amante ; « Qui sommes-nous ? Nous qui ne sommes ni toi, Ni moi ? Quel est le nom
Que la nuit nous conseille De porter jusqu’à la fin De ce temps provisoire ? » Le nettoyage du gris avance. Tout le monde a l’air satisfait. On distingue la figure de Río. Il ne cherche plus. Il n’attend plus. Il s’est immobilisé Et attend les instructions du metteur en scène. Au-dessus de lui, le panneau s’éclaire Et la lumière mange le nom Sans que personne ne s’en inquiète. Des seaux d’eau éclaboussent le panneau, Jetés joyeusement sans intention De lire ce qui y est écrit. Río reçoit des gerbes tièdes, savonneuses, Et suit des yeux les rigoles sur son corps, L’eau s’égouttant au bout de ses orteils suspendus. Il dit : « Il faut pousser par en-dessous Et non point soulever par-dessus. Voilà comment je vous explique Ma position dans le décor. Pour le profil de l’aile, vous Reviendrez un autre jour. » Les vitres du train resplendissent. On voit nettement les visages De ceux qui ne peuvent pas descendre Sur le quai Car c’est un arrêt « technique ». Les mains laissent des traces Que personne n’efface. Les cheveux se collent. La fumée s’enroule, serpentine. « Quel beau train surréaliste À la place de l’avion apollinarien ! » On voit bien comment Río se balance, Sans corde au cou ni turbine aux pieds. « D’ailleurs je peux vous expliquer La douleur d’Immalie. » LES VOYAGEURS QUI NE SONT PAS DESCENDUS SERONT RÉCOMPENSÉS COMME IL SE DOIT. LA COMPAGNIE S’ENGAGE À RENOUVELER AUTANT DE FOIS QUE NÉCESSAIRE LE BUT DE LEUR VOYAGE. VIVE LA FRANCE ET L’IRLANDE RÉUNIES — NOUVEAU ROYAUME DES CIEUX EN EXPANSION ! RÍO Je regrette tout ce que j’ai dit, Fait ou pas fait, donné ou repris. Un train peut en cacher un autre. Trop tard pour l’écolier en cavale ! EUX (avec ELLES) Chacun son travail ici-bas ! Les uns à la soupe et les autres Au chaudron ! Que les enfants N’apprennent rien d’autre ! Et que les vieux se taisent Malgré leur envie de tout dire ! Vous vouliez voir un train : Et bien vous le verrez comme Jamais vous n’en avez vu un ! Bien parallèle aux feux de la rampe ! Et bien posé sur ses rails d’acier. Bien plein et bien en partance ! Voilà ce qui se joue dans ce crâne Aussi peu fait pour la mort Que la fleur qui renaît Même après le pas pesant De celui qui ne revient pas (certes, certes) mais qui peut Retourner d’où il vient.
|
Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs | [Contact e-mail] |