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Choix de poèmes (Patrick Cintas)
Der Tod des Virgil...

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 Article publié le 27 février 2022.

oOo

« Il semble même que des branches

qui veulent prendre leur revanche

sont animées par les esprits

de maints poètes incompris

pour qui l’heure de la vengeance

a sonné cette fois en France.

La douleur aime que les morts

se souviennent que c’est le corps

qui d’abord en fut la victime.

Car telle est l’extase du crime

qu’elle commet au nom de tous,

avec ou sans leurs orémus,

de condamner l’homme à l’angoisse

dans un corps déjà mort de crasse.

Ainsi l’esprit souffre l’enfer !

Sans eau, sans terre et sans cet air

que le feu réduit à ses affres !

Et telle est l’immonde balafre

qui marque la joue à jamais

de celui qui perd son procès. »

 

Ayant prononcé ces paroles,

Virgile en accepta le rôle

et ferma les yeux pour mourir,

mais nous savons que l’avenir

dit le contraire, et ici même !

Car le récit que ce poème

donne à l’esprit comme à son corps,

malgré de louables efforts

en trouble la chronologie

au point que même un vrai génie,

comme il s’en trouve en ce pays

si l’on veut bien chercher ses fruits

et les trouver même par terre

(il se peut qu’on sache le faire),

ne peut tuer ce qui vivra

ni donner vie à qui n’est pas.

Et on peut croire à un miracle.

Comment expliquer le spectacle

d’un être qui ne mourut point,

car il vécut d’autres matins

et d’autres soirs même plus tristes ?

En quoi le miracle consiste ?

Simplement en contradiction

de ce qui est sans rémission.

On dit la règle générale

et même parfois libérale.

Un dieu, voire plusieurs titans

en autorisent l’accident.

Ce qui est fait peut se défaire.

Ce qu’on défait ne peut se faire

que si on l’avait trop mal fait.

Voilà comment on voit les faits.

Prenons Virgile par exemple.

On le voit bien entrer au temple

pour recevoir la clé des champs.

Et il en ressort cependant !

Le voilà entré dans l’Histoire.

Nous n’y pouvons rien, c’est notoire.

Il en meurt, mais beaucoup plus tard.

J’ai vu passer tout le brancard.

Venu d’Allemagne en touriste

au pays des colonialistes.

Bien traduit avec tous les mots.

Le monologue c’est très beau.

Ça en dit long sur la patience

et met au vert l’inexpérience.

On n’en fait plus des comme ça.

Aujourd’hui le couci-couça

fait la Une et crée l’opulence.

C’est même sans équivalence

depuis que le bon menuisier

surpris dans son bel atelier

ne vaut pas mieux que le poète

qui tout pareil pète et répète.

Ce que dure rose est en dur.

Voyez comme passe les murs

l’artiste qui a fait fortune.

Il monte même à la tribune

et nous prodigue ses leçons

comme le cul de Robinson

que l’horizon aussi explique.

C’est l’époque qui communique.

Un bon coup de publicité

et ma foi le tour est joué.

Le placement est lourd sans doute

mais le populo n’y voit goutte.

On rapplique avec Cyrano

et on le met sur un vélo

pour le pousser sur le théâtre

de l’État qui paye l’emplâtre.

Et pas donné le substitut !

On le fourre dans l’Institut

avec son épée d’opérette

et ça passe pour un poète

qui fait des vers avec les trous.

Le con se donne rendez-vous

et seul il compose les fientes

d’une saynète fort méchante

qui fait de lui un général

ou un arbitre de football

si dans son camp est la baballe.

On arrive en demi-finale

et on se tire avant la fin.

On laisse en rade le biffin

et on prend de bonnes vacances

à l’abri des sillons de France

avec la femme et les enfants.

Du déshonneur on se défend

avec Churchill ou bien Poutine.

Et qui encule la Marine ?

Ceux qui votent pour son baba ?

Le retraité qui l’a en bas

ne baise plus par cette voie.

Du non-amour il est la proie.

Il aime la sécurité,

le bien et la propriété.

Le loisir est sa vraie dépense.

Il se fout de ses conséquences

sur le guignard qui chôme dur

marqué par les deleatur,

le plus pourri de tous les signes

qu’à la naissance on nous assigne,

de la faute et de ses emplois.

Jouer sans se coincer les doigts

voilà ce que c’est la retraite.

Alors, vous pensez, les poètes,

si ça donne aux petits-enfants

des idées de rentre-dedans,

on se fout pas mal de leur crève !

Pas de mouchoirs pour les vieux rêves !

Mouchez-vous avant de crever

et laissez-nous, les vieux, rêver.

Mais là, Engeli, on s’égare.

Le train n’est pas entré en gare

qu’on a le pied sur les deux rails.

Ah ! Ce roman, ça fait un bail

qu’on ne finit pas de s’y prendre

les pieds et de tout le comprendre !

Notre Virgile n’est pas mort,

(dis-je en tendant tous les ressorts

du bons sens et de la métrique).

Et pourtant une peur panique

ça vous tue même un éléphant

qui a encore des enfants

à mettre au monde et dans des livres.

Tremblant de peur il veut survivre.

Il ferme les yeux, fait caca,

 

« Oh ! Rien, un petit reliquat

avec dedans de gros pois chiches

cuits dans de la flotte à l’angliche

avec un collier de mouton

et une paire de roustons

dont l’obèse propriétaire

s’est peut-être servi sur terre.

Au ciel on n’en a plus besoin.

Quand on le fait, c’est dans les coins

comme au château de ce Versailles

dont je me souviens où que j’aille.

On a beau dire, on est français

et les autres c’est des ratés.

Cette fois, à moins d’un miracle,

je vais y passer sans obstacle

et de ma chair faite pâté

des animaux alimenter.

C’est le destin de la piétaille

qui toute la vie en rimaille

quand les autres sont très sérieux

au travail et aux pieds de Dieu.

Être bouffé avec la sauce

alors qu’on est dans le négoce

des idées pas piquées des vers,

ça me met le cœur à l’envers

et à l’endroit mes idées saintes.

Je sors enfin du labyrinthe

avec Minotaure en morceaux

et d’Icare les oripeaux.

Et déjà de méchants insectes

dont je ne sais pas le dialecte

pondent leurs œufs où j’ai les miens.

J’ai trop parlé aux béotiens,

perdu mon temps dans leurs cuisines,

trop espéré des magazines,

du film d’horreur et de l’amour,

des subventions et des discours,

et pas assez vu de mirages

dans les déserts de mes voyages.

 

Chameaux du temps que je n’ai plus,

éloignez ces hurluberlus,

changez l’espace en autre chose

dont je me fiche de la cause

et emportez-moi loin de tout,

loin de ces inconscients surtout.

La part du temps me décompose.

Ce qui reste n’est pas grand-chose,

mourir est tout et tout n’est rien.

Les mots sans rimes font du bien

à la modernité en marche,

mais ne meurt pas le patriarche

dont les enfants ne riment pas.

Qui suis-je si je n’en suis pas ?

 

Chameaux du temps, tuez l’angoisse.

Pétrifiez ma pauvre carcasse.

Méduse me voit sans me voir,

tel est le sens du désespoir.

Mourir ainsi dans une farce,

sans compagnie et sans comparses,

pouvait-il pire m’arriver,

moi qui veux encore rêver,

à n’importe quoi d’accessible,

de facile, de corruptible.

Encore un peu, dis-je au bourreau,

tant je tiens encore à ma peau.

Mais ce n’est pas l’homme qui tue

ce que j’étais, tue ma statue

de sel, de marbre ou d’illusion.

Je suis tué par conclusion,

par chute, effet, jeu, par mon œuvre

qui ne doit rien à cette pieuvre

trop mythique pour exister

où j’existe pour me tuer.

 

Chameaux du temps, dieux des voyages,

ne marchez pas jusqu’au rivage.

Je sais bien y aller tout seul.

J’emporte avec moi un linceul,

au cas où la vie continue.

Marche sur l’eau, méduse nue,

je suis tes pas vers le soleil.

Qui sait ce qu’on est au réveil

à part le regard exemplaire

que tu empruntes aux calvaires ?

 

Chameaux du temps, arrêtez-vous !

Je suis à l’heure au rendez-vous. »

 

De "La trilogie française"

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