Le falzard en accordéon. Des guinguettes à la Bastoche, passons la patoche. Ô Dam’ Fréhel dans vos couplets/Un drôl’ d’soufflet/Joue les grand’s orgues… Tu joues avec des moufles ? Et ton Yvette, mon pote ? Je me fais les demandes et les réponses. La solitude. La paix ! Le piano du pauvre/Se noue autour du cou./La chanson guimauve/Toscanini s’en fout… Les bourges tiraient des bordées, le gratin y allait de sa larmiche et de son artillerie de fouille. Souviens-t’en, mon patraque et souffreteux rengainard de cette radeuse de Java qui te soufflait dans les bronches, qui te coupait la musette, qui te remontait les bretelles et le moral. Toujours prêt pour la secousse, mézigue ! Elle ne renâclait pas à la retape, la frangine, pendant que les jeunots et les jeunottes jeûnaient, pendant que les madones suçaient des sucres d’orge, pendant que les mirliflores s’amidonnaient la paluche gauche. Ô Dam’ Fréhel vos renégats/Et vos p’tits gars/M’tir’nt par la manche…

Les dimanches au bord de l’eau, sous les branches… Les pavés… Les planches… Tu dis ? Des fois elle est bleue. Alors, c’est la Java bleue ? On traînait les patins dans ses patelins. Pose ton couffin, mam’zelle ! Je suis matelot. Et toi ? Matelassière. T’as vu Port-Vendres ? Brest ? Dunkerque ? Honfleur ? Le Havre ? Hélas ! Cent fois hélas ! Ni babords, ni tribords, ni sabords ! Que des rouges bords, des rouges débords, ma belle ! Il était un petit navire qui n’avait ja-ja-jamais navigué… Ohé ! Ohé ! Mataf à Paname ! Les îles, les quais, les grues, les ponts, les escales, les naufrages… J’ai pas besoin de la mer. J’écume les bouillons poiscailleux de la Seine, les pots-pourris et les potins de sa rive droite. Je hante la place de Grève. Pas d’embauche, tafouilleux ! Ils le disent à la radio, à la télévise, les informateurs proprets. Des monts d’or et d’ordures, des monts de merde et de merveilles. Que dalle. La dalle ! La dalle, je la crève en attendant de secouer la poussière de mes sandales au seuil de l’éternité.

Tu rentres ou tu sors, Empédocle ? Si tu comptes pioncer sur le paillasson… Banlieue by night ! Des scénars, des travellingues, des gros plans, des trucages, des effets spéciaux… Des airs en conserve…À fond, la sono ! Ils le disent, ils le montrent. Moteur ! La der des ders. Dans mon ciboulot, j’ai des garçonnières louées à la petite semaine. J’en vide les maquereaux blanchis, les vrais de vrais imbibés de Vittel-Cass’, les harengs de trois neuilles, les morues dessalées à la hâte, les merlus, les merluches, les merlans frits… Et le turbin ? J’y vas, la Java ! Je sais… Je cause… Je cause… J’ai été vacciné avec une aiguille de phono. Ô Dam’ Fréhel trois gest’s un’ voix/Et puis l’convoi/D’la rue Pigalle… La grand’bande, qui ne buvait pas que du vinaigre et du petit lait, plaignait pas ses vocalises, sa transpiration, sa fatigue… L’instrument chevillé dans le corps. Ton vieux Léon, mon beuglard, il t’a sur l’esquine, sur l’estome, sur les brandillons… Léon ! Léon ! Tous des Léon, les taquineurs de nacre ! Léon à l’accordéon ! À quoi ça rime ? Moi, c’est Aimable, mon nom de baptême. Aimable ! Aimable ! J’entends ma mère. Aimable à l’accordéon ! Ça serait ridicule. Azzola, Verchuren, Privat, Murena, Prud’homme… Tous des Léon ! Bouvelle, Musichini, Ferrero… Des Léon ! Viseur... Un drôle de gus ! Pas un gugusse, Gustave-Joseph, dit Gus Viseur. Gus Viseur… Lessines, Belgique, 1915 – Paris, France, 1974.

L’avant, le pendant et l’après-guerre. Et toujours l’entre-deux ! La der des ders ! La riflette ? J’astique mon clairon. Je rince mon fusil. Les munitions ? Je numérote mes cartouches. Je me retranche. Madelon, emplis mon verre et chante avec les poilus… À boire et du bon ! La der des ders ! La boutanche ? La voilà la jolie vigne,/Vigni, vignons, vignons le vin/La voilà la jolie vigne au vin,/La voilà la jolie vigne. J’en ai décapuchonné des demoiselles de Bordeaux, dégoupillé des rouilles de grenache, déchapeauté des prime donne, des divas, des cantatrices échevelées, des goualeuses de boui-boui, resquillé des quilles de Bourgogne, décapsulé des négresses et des blanquettes de gondole à vil prix, peloté des dames-jeannes, encastillé des Margot de derrière les margotins, liché des filles de Monbazillac, enjoué des fillettes d’Anjou, chambré des bonbonnes à tout faire… Les vignobles saignent. C’est le raisiné des aminches. La Butte est dure aux miséreux… La der des ders ! Les vioques… Les grands-vioques… Nous sommes tes Grands-Parents, les Grands ! Leur temps. Ô Dam’ Fréhel la der des ders/N’manquait pas d’air/Dans vos bastringues… Fréhel. Tu l’entends, dis ? La der des ders, tu l’entends ? La Java ? La Jav’ ! La Javotte ! La Javelle ! La Javouille !

La Java ! J’y viens. Je reviens à la Java. La Java ! La Java ! Je parle ja-va-va-va-nais-vais, ou quoi ? Dans ma boîte à frissons, j’ai des aragnes de guinche. Les parents… Les grands ! La rue de Lappe, la rue de Charonne, le Balajo, les pavés de 36, de 68, l’an 2000… Mon temps. Ô Dam’ Fréhel dans vos décors/J’attends encor/Ma goélette… La Java s’est rangée des buffedingues à punaises. Au vert sur son île, la garce ! Les didis en éventail, des rubis sur les ongles, un imprimé à fleurs sur l’as de pique… Ni vue, ni reconnue. Pas d’embrouilles. Reviens Java ! Reviens avec tes musiciens ! On s’arrangera bien au grand bal de la rue ! La rue ! Rapplique !