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Roses et ronces bougies de l'idée...
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 Article publié le 19 février 2023.

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Roses et ronces bougies de l’idée
qui se tient sur un siège : ’menace et beauté’
qui indiquent le nord de l’imagination,
bondissante chevrette du cours lumineux
de la nuit qui compulse ses sommets herbus
et rocheux. Un trop-plein de midis bondissants
met ses sabots lacustres d’une aiguille à l’autre
du temps qui s’efforce à maintenir le cap
de la chose qui est le recommencement,
et le nonce de l’arbre et le plectre du vent
réconciliés avec la chute en équilibre ,
et l’orteil de l’aster aux lèvres de sorcière
qui garde le faux pas comme le pas du seuil
au bord du bouge de l’idée et du silence.

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  Du rythme par Jean-Michel Guyot

Gilbert Bourson, dans ses « Passages en question » soulève la question du rythme ; disons plutôt que son écriture, ni tout à fait en prose ni vers clairement affichés, est soulevée par la question posée au rythme par le rythme qui rebondit sur les réponses qui lui sont faites tout au long du poème.

Prose, vers libres ? la question est oiseuse, si l’on part du principe que cette écriture souveraine fixe ses propres normes de lisibilité. Libre à chacun d’apprécier l’effort sans effort qui s’y dit, s’y lit, s’y entend et s’y maintient.

Il est de toute nécessité que la question du rythme reste sans cesse en question dans les réponses qui lui sont apportées, en d’autres termes la solution technique apportée par une métrique solidement charpentée ne résout en rien un quelconque problème inhérent aux rythmes mis en jeu, sa poésie étant tout entière rythme de la question posée au rythme par le rythme.

Cette circularité est patente dans la composition visuelle des poèmes : des blocs de phrases se succèdent, clairement mis en évidence par leur disposition qui en fait apparaître le rythme ad hoc choisi par le poète.

Mais c’est toute la pensée de l’auteur qui se joue des rythmes en en jouant, non qu’elle se veuille en quelque sorte supérieure aux rythmes qu’elle invente au fur et à mesure du flux temporel-phrastique qu’elle s’impose comme tâche première : le rythme de sa pensée coïncide avec sa pensée du rythme.

Rythmes et pensées, dans leur pluralité, leurs débordements, leurs excès de sens, se canalisent mutuellement, sans jamais se neutraliser : les eaux furieuses du Dire irrépressible sont contrôlées, déjouées-détournées vers des eaux plus calmes mais profondes, profondément liées qu’elles sont à ce qui délie tout propos, le sien donc, à savoir des courants et des flux qui traversent, animent et brouillent toute entente prosaïque de la chose nue qui s’impose à sa parole tout au long du poème.

Nous avons là une leçon d’équilibre qu’il nous faudra retenir.

Le langage, la langue et la rythmique française - qui dit langue dit rythmique propre à cette langue - et le Dit poétique propre à l’auteur forment en définitive un dialogue à mots ouverts, inachevé-inachevable, pour tout dire inépuisable mais clairement audible de poème en poème : il ne servirait de rien, dans de telles conditions, de sonder les supposés arcanes inconscients de ce Dit qui ne s’adresse en rien à d’obscures pulsions, la seule pulsion-impulsion qui vaille étant celle du langage dans une langue qui s’actualise en poésie.

Pulsion lumineuse à tous égards, sachant faire la part belle au nocturne qui l’habite sans la hanter ni l’épouvanter.

La dynamique créatrice, en d’autres termes, prime sur le supposé fond inconscient, et jusqu’à l’immense culture acquise par cet auteur prolifique ; l’investigation au forceps d’un processus créatif n’aboutirait qu’à intenter à l’auteur un procès en imposture, sa compétence linguistique se voyant ainsi réduite à une somme de procédés, de petits trucs - des gimmicks - trahissant la prétendue vacuité d’une pensée, c’est-à-dire d’une démarche poétique qui engage une vie entière.

Ceux qui ne verraient dans sa poésie qu’aléa bouffon, ceux qui n’y discernerait décidément que bouffonnerie linguistique propre à un histrion des Lettres, seraient dans la situation d’une vache qui regarde les trains passer.

Que tout dans la vie et le cosmos soit rythme - vibrations, bonnes ou mauvaises -, voilà le mystère sur le fond duquel une parole singulière se dessine, s’imprime et s’impose à la lecture et à l’oreille. Notre langage, en ce sens, constitue le nœud gordien par excellence du mystère de vivre dans la compagnie réelle et imaginaire d’êtres animés et inanimés, aimés, choyés ou détestés.

Il faudra quelque jour étudier la faune et la flore de Gilbert Bourson !

Cette poésie intensément visuelle et scénographiée est à la croisée de ces chemins de vie que sont l’image et le son dans leur dynamique propre qui ne cessent de communiquer et de se communiquer tout au long de ces singuliers poèmes dont je ne vois aucun équivalent dans la production poétique contemporaine.

Nous sommes clairement au cœur d’un mode d’expression, de monstration plutôt, dans lequel la mimesis est résolument mise en échec au profit d’une dynamique diégétique qui brouille sciemment les frontières et les courants du visible et de l’invisible qui, à plaisir, mêlent leurs terres et leurs eaux, donnant ainsi à entendre, au double sens de ce terme, une synesthésie de la parole en harmonie avec les êtres et les choses auxquels elle se frotte avec une jubilation communicative.

 

Jean-Michel Guyot
21 février 2023


  Toujours attentif à vos commentaires... par Gilbert Bourson

Cher Jean-Michel Guyot,

Toujours attentif à vos commentaires sur mon travail poétique, je reste néanmoins silencieux, car je suis depuis plus d’un an, occupé par l’AVC de mon épouse, et qu’en outre, je ne suis plus capable d’analyser ce qui sort de mon ‘poétisme’ sans danger pour celui-ci, lequel risquerait de rationnaliser son flux (in)-contrôlé ‘entre deux rives’. Votre faculté d’analyse, guidée par un enthousiasme sincère et savamment pensé, me stupéfie et me ravit. Je me sens gratifié au plus haut point par ce que vous écrivez sur ces poèmes qui sortent de ce moi, sans jamais qu’un je, y vienne les revendiquer comme auteur exclusif. Je sais trop qu’un poète ou écrivain, ne fait que tirer le fil d’une proposition incipitale imprévisible, et qu’une kyrielle de lectures le transforme en foule sortie de la langue. Bien évidemment il ressent les entours des choses, jadis entrevues ou rêvées, ou même dans l’instant de l’écrit, où le haleur des mots devient ce qu’il dénomme, ou plutôt se situe in vivo dans le lieu non décrit, mais ÉCRIT. Vos poèmes sont fort au dessus de cela qu’on nomme la beauté, ils ont la pertinence de ces sensations qui produisent le tout, dans l’autant singulier, du réel. J’en admire la forme qui rend l’invisible dire du visible. Mes propres émotions sourdent des mots venus, plus que des paysages et contrées extérieures, auxquels je ne suis sensibles que pour en faire ainsi qu’on dit : tout un poème. La nature est panique dans tous mes poèmes, où l’on peut respirer le cresson des cavernes et la vulve des pierres. C’est leur intelligence qui m’ôte la mienne, cette intelligence appartient à la langue qui me fait me réjouir de vivre ‘entre mes coudes’ attablés chaque jour devant les imprévus vertigineux du monde.

 


  Contre, tout contre l’entropie par Jean-Michel Guyot

Mes propres émotions sourdent des mots venus, plus que des paysages et contrées extérieures, auxquels je ne suis sensible que pour en faire ainsi qu’on dit : tout un poème. La nature est panique dans tous mes poèmes, où l’on peut respirer le cresson des cavernes et la vulve des pierres. C’est leur intelligence qui m’ôte la mienne, cette intelligence appartient à la langue qui me fait me réjouir de vivre « entre mes coudes » attablés chaque jour devant les imprévus vertigineux du monde.

Gilbert Bourson

*

En moi - dans mon style - cohabite une double postulation : tantôt tel sujet m’impose de m’attarder longuement sur des chaînes de raisonnement qui ne résonnent pleinement qu’indéfiniment répétées-variées, tantôt je me plais à procéder par raccourcis, je pratique alors une écriture qui procèdent par bonds, à charge pour le lecteur de combler par sa culture les lacunes volontairement disséminées tout au long du texte, sortes de petits cailloux blancs invisibles qui parsèment un chemin qu’il lui appartient de parcourir à ses risques et périls.

Prendre le lecteur par la main, au risque de le lasser mais aussi de quelque peu l’indisposer voire de le fâcher contre moi - cet auteur, décidément, me prend pour un imbécile ! - ou bien, tout à l’opposé semer des indices permettant à un lecteur cultivé et perspicace de se faire son idée.

Ma première manière, je crois bien la tenir de mes lectures de Martin Heidegger, lorsque j’étais adolescent. Les aphorismes de Nietzsche et de René Char, découverts à l’âge adulte furent de vrais chocs jubilatoires, sortes d’antidotes aux délectables langueurs-longueurs heideggériennes.

Lenteur obsessionnelle de l’un tournant inlassablement autour de son thème de prédilection et qui me fait penser à ces musiques répétitives à la Steve Reich que je n’aime pas ou bien brièveté cinglante, formules brillantes et aperçus saisissants sur une question chez Char, Nietzsche et quelques autres.

C’est ainsi que mes essais tentent, toujours en vain, d’épuiser une question, de « rincer » un sujet, tandis que mes poèmes vont à l’essentiel sans jamais pouvoir exactement en cerner tous les tenants et aboutissants, me donnant par là non pas un aperçu du sacré mais une claire, volubile et jubilatoire appréhension de ce qui, dans et par le langage, se refuse obstinément à se dire.

La Lust am Fabulieren que j’éprouve, même lorsque je rédige un poème qui, pour énigmatique et allusif qu’il soit, n’en renferme pas moins une ferme trame narrative, me conduit sur le chemin d’une sorte de synthèse toute personnelle de la double postulation que j’ai décrite plus haut. Ce m’est un bonheur et le signe d’une santé maintenue coûte que coûte par-delà les aléas de la vie en société qui n’est le plus souvent que source de petits et de grands malheurs.

Le trop à dire qui sature l’espace sonore a son charme mais il ne correspond pas à ma sensibilité : je préfère les vides, les blancs, les silences et les creux en musique comme en littérature. C’est pour cette simple raison que j’aime Duras, Blanchot ou encore Georges Bataille. Il n’est que de lire La maladie de la mort de Duras pour avoir une idée de ce que je peux ressentir. La musique de Miles Davis, elle aussi, tout comme celle, minimaliste, des Young Marble Giants, de CaptainBeefheart, pour ne prendre que ces quelques exemples, permettent d’appréhender vides, blancs, silences et creux comme sources de jouissance.

A défaut d’être le seul antidote au néant (Stéphane Pucheu), mon écriture se veut une lutte sans merci contre l’entropie qui se présente, simultanément ou alternativement, sous divers aspects : engourdissement des sens et de la sensibilité, fatigue nerveuse, déconcentration, pensée négative encline à la nostalgie, colère sourde contre le monde des hommes d’hier et d’aujourd’hui, misanthropie, tous phénomènes psychiques et physico-chimiques, auxquels tout auteur se voit confronté dans sa vie quotidienne, pour peu qu’il regarde le vie et le monde en face.

Au sein d’une vie brillante, les malheurs de l’existence semblent compter pour rien.

Pour ma modeste part, je ne puis concevoir la poésie sans cette constante référence au fait d’exister, ce fait étant toujours décliné dans le cadre d’une époque donnée que notre culture permet de relativiser. Ni nostalgie ni utopie, mais la ferme intention de tenir le coup dans une époque dangereuse tant pour les corps que pour les esprits, à cette nuance près, et j’y insiste, que corps et esprit, en poésie comme dans la vie quotidienne, ne font qu’un.

Et puis, il y a mes récits.

Poèmes en prose, divagations narratives entrelardées de considérations abstraites que d’aucuns jugeront mal venues ?

Je ne sais qu’une chose : les mots ne font que me transporter inlassablement vers d’autres mots, et c’est ce transport qui constitue la véritable trame narrative d’une écriture qui se découvre écrivant au moment même où elle découvre ce qu’elle écrit. En somme, c’est l’aventure d’un langage - la langue française - qui se découvre à travers moi qui découvre sa puissance jubilatoire.

Ce voyage mobile-immobile que décrit Gilbert Bourson dans le passage mis en exergue, chacune, chacune peut l’entreprendre pour peu qu’il/elle s’invite dans la danse des mots  : l’ici-ailleurs du poème vaut bien tous les voyages du monde.

Tout poème serait ainsi une odyssée qui ne vaut que par les mots pour la narrer, à ceci près qu’aucune Pénélope tissant-détissant à l’insu de quelques prétendants la trame de ses amours n’attend le poète au tournant de sa couche, le poète ou la poétesse s’accordant à ce fil rouge que trame le langage, tout le langage - lexique, niveau de langue, rhétorique - en accord-désaccord avec tout ce qui est, jusqu’à accoucher d’un poème de plus.

 

Jean-Michel Guyot

21 mai 2023

 


 

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