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 Article publié le 21 mai 2023.

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Les négociants de Saint-Malo étaient si riches que, dans leurs jours de goguettes, ils fricassaient des piastres, et les jetaient toutes bouillantes au peuple par les fenêtres

Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe

L’argent, ainsi, leur brûlaient les doigts.

Le sens propre de cette expression employée par Chateaubriand cache en son sein le sens figuré qui s’applique aux riches négociants de Saint Malo qui consentaient à jeter l’argent par les fenêtres qu’à la condition qu’il fît souffrir quelque peu ceux qui en avaient terriblement besoin.

 

Je suis désolé ; je préfèrerai toujours mes rivières et mes forêts, mes collines et mes montagnes à vos bords de mer insipides.

Je ne voue pas un culte au soleil.

 

Le paganisme est en somme la reproduction par des voies symboliques et des rituels d’un donné auquel on prête en sous-main des vertus occultes, l’occulte sous-jacent à l’évident et l’évident constituant la matière qui informe les rituels censés évoquer lesdites forces occultes.

 

L’un conduit un procès en incompétence et l’autre un procès en intellectualisme.

Quelles sont donc les charges retenues par l’un contre l’autre ?

Le ci-devant accusé d’incompétence signe des phrases biscornues, bringuebalantes, en un mot, mal construites, mal foutues. Il se défend en disant qu’il n’a pas eu la chance de faire de longues études et revendique sont droit à la libre expression en dépit de ses lacunes. Il s’est bricolé une « philosophie » personnelle qui justifie sa littérature, tout en masquant ses manques et ses manquements.

Il distingue facilement le fond et la forme, qu’il appelle le contenu et le contenant, il croit ou feint de croire que le contenu peut être distingué du contenant, jouant habilement sur le fait indéniable que le texte que renferme un livre est indépendant de ce même livre comme support matériel, alors que la distinction contenu-contenant se joue évidemment à un autre niveau d’appréhension : le Dit, c’est-à-dire le texte dans son ensemble, et même son paratexte (couverture, notice biographique au dos du livre, etc…) ne porte pas un signifié indépendant d’un signifiant : toute marque est significative, parce qu’elle a fait l’objet d’un choix spontané ou réfléchi, la littérature se démarquant nettement d’autres discours par le fait qu’elle tend indéfiniment à dépasser des automatismes de langue, quitte, comme le firent les surréalistes, à les utiliser à des fins de poésie en les agençant de telle sorte que, mis ainsi en évidence, ils ne pouvait qu’en ressortir un profond hiatus entre le message publicitaire extrait de son contexte et les mots remis en liberté qui en avaient constitué l’ossature verbale prisonnière de clichés propres à un mode de pensée commercial antipoétique.

Les charges retenues contre les intellos voués aux gémonies par toutes les extrême-droites sont fort nombreuses. On ne les énumèrera pas ici, ce serait par trop fastidieux.

Le cortex cérébral de l’intellectuel est ravalé au statut de bulbe par des gens censés sinon penser du moins représenter le sacro-saint bon sens.

Pour certains esprits de gauche, l’intello est nocif parce qu’il prétend se hisser au-dessus du commun des mortels, sous prétexte qu’il fait montre d’un talent qui le distingue de la masse. La gauche égalitariste a horreur de la distinction ; son vieux fond ainsi-aristocratique est toujours aussi saillant, comme si les gens qui se disent de gauche ne supportait pas d’avoir au-dessus d’eux des esprits supérieurs. On leur concèdera que la notion de mérite promue par la bourgeoisie est miteuse ; que juger les gens au mérite revient à avaliser des conditions sociales défavorables voire désastreuses qui empêchent toute ascension sociale des plus modestes d’entre nous.

Les grands esprits sacrifiés qui s’ignorent, on est en droit de penser qu’ils furent nombreux tout au long de notre histoire.

Impossible ascension sociale : est-ce une raison pour refuser toute hauteur de vue, astreindre tous les humains un tant soit peu brillants à de basses besognes comme ce fut le cas en Russie et en Chine communiste ?

Il m’est arrivé de rêver à la disparition pure et simple des écoles, collèges, lycées et universités, à une cessation de leur activité pendant au moins quelques années, pour que la population s’aperçoive des dégâts que causeraient une absence totale d’instruction. Finie la garderie ! Les parents se retrouveraient avec leurs chiards sur les bras, comme pendant la crise Covid !

Je ne donne pas cher de l’avenir de peuples qui ne valorisent pas l’instruction publique… cette machine à fabriquer des intellos qu’il est de bon ton de mépriser.

 

Qu’il est difficile d’être juste ! ne pas émettre d’hypothèses hasardeuses, ne pas porter de jugements hâtifs, ne pas faire de procès d’intention, ne pas…, ne pas…

 

En mai, ce fut, comme il se doit, la saison des amours. Durant ce laps de temps très bref, l’équipe de nuit travaillait d’arrache-pied à l’excavation fort délicate du pied absolument énorme d’une probable divinité granitique enfouie dans le sable depuis sans doute des millénaires. La mer s’étant retirée de quelques kilomètres depuis au moins deux mille ans, le sable s’était compacté en une masse friable qui accueillait quelques nichées de ne me demandez pas quels oiseaux ; c’est une promeneuse qui aperçut le premier les orteils de ce pied gigantesque mis au jour par les oiseaux. Les recherches ne font que commencer ; on recherche toujours les membres épars de la déesse ou du dieu. Hier, ce qui ressemble à un fragment d’oreille, le lobe et un bout de l’hélix, a été retrouvé. Il nous faudrait la tête pour tenter d’identifier la divinité en question. Mais nous sommes en décembre, il nous faut interrompre les recherches.

 

Fort habilement, elle lui passa la corde au cou ; il ne vit pas venir ce vilain coup et n’eut pas même le temps d’entendre le petit craquement sec que fit sa nuque au moment de la chute fatale.

 

C’est joug contre joug que les femmes avancent en ce monde, du moins celles qui se révèlent incapables de ruer une bonne fois dans les brancards.

 

Coups de reins, coups de riens qui ne coûtent rien. Au mieux, la Belle est ravie, au pire elle est tout simplement déçue : toute cette énergie dépensée pour rien !

La dynamique érotique s’oppose parfois à sa mécanique bien huilée.

La dépense, pour peu qu’elle ne soit pas vénalement motivée, est une belle chose qui nous met à l’écart de tous ceux et de toutes celles qui s’économisent, c’est-à-dire s’épuisent à garder en réserve des forces qui ne feront que s’amenuiser au fil du temps jusqu’à leur décès. Au royaume de l’Amour, l’inflation est la règle ! Vos forces, si grandes soient-elles, se dévaluent sans cesse, aussi vaut-il mieux dépenser sans compter, pendant qu’il en est encore temps !

 

La seule fois où cela fit des étincelles entre nous, ce fut lors de cette horrible nuit à Rochejean durant laquelle nous eûmes tous deux l’impression d’avoir été brusquement visités par quelque fantôme malsain et indésirable ô combien.

Nous nous étions endormis fâchés parce que tu n’avais pas voulu faire l’amour, ce qui m’avait conduit à te lancer une pique qui te mit très en colère. Le manque d’amour et les circonstances défavorables motivaient sans doute ton refus d’où jaillit entre nous cet arc électrique qui nous réveilla tous deux en sursaut au même instant. D’où partit l’arc électrique ? de toi, de moi ? On ne l’a jamais su. L’angoisse fut grande dans les petites ténèbres de la chambre de fortune qu’on nous avait allouée.

Elle ne jouissait avec son amant que lorsqu’elle était en colère contre lui. Je vous laisse deviner quel avenir fut le leur…

 

J’ai souvent déçu parce que je me refusais à être une figure tutélaire. Être un grand frère, un maître à penser, un mentor pour quelqu’un, des conneries tout ça. Il faut un sacré ego pour oser l’être ou alors manquer tellement d’assurance que seule cette position « éminente » de mentor garantit à qui s’y complaît une certaine « invulnérabilité » de pure façade.

Servir à quelque chose ou me servir des autres à des fins d’ambition personnelle m’est impossible. J’estime que chacun trace sa voie, si modeste soit-elle. Certains d’entre nous laissent tout au plus de petites traces argentées d’escargot sur les bordures des allées de jardin, vite effacées par la première pluie venue (traces qui me fascinaient, étant enfant), d’autres tracent de profonds sillons que le commun inculte ignore superbement. Il n’y en a que pour les « grands hommes » qui ont fait une carrière politique prestigieuse, comme si, partout en ce monde, n’étaient dignes d’être honorés que les « meneurs d’hommes » qui ont fait mourir par milliers voire par millions leurs sujets.

 

 

Mais pourquoi tant de haine ?

La science historique n’a pas vocation à répondre à cette douloureuse question qui ne relève même pas de quelque psychologie de comptoir.

Ce qui motive la haine, qu’un groupe humain, parfois une société entière, voue à un autre groupe humain, ne peut s’appréhender que par le biais des discours idéologiques qui la justifient et à travers les massacres et les génocides qu’elle met en œuvre en toute bonne conscience. Il ne faut pas confondre motifs et motivations, Beweggründe et Zielvorstellungen : les motivations sont clairement identifiables et analysables par les sciences humaines, alors que les motifs restent obscurs, sauf à réduire la haine à quelque mésinterprétation de données historiques brassées à tout va par une mentalité complotiste, ce qui, à mon sens, est loin de clore le débat.

Une chose semble certaine : le plaisir pris à faire souffrir et à exterminer des êtres humains jugés nuisibles et inférieurs (comment des inférieurs peuvent-ils être nuisibles ? à la manière de rats ou de vermines vecteurs de bacilles…) dépasse de loin le simple enjeu idéologique jugé vital par une communauté humaine qui s’estime menacée.

Les régimes despotiques donnent carte blanche à une palanquée de sadiques en herbe qui trouvent là l’occasion de satisfaire leur pulsion, tout en servant activement un régime qui les met à l’honneur.

 

Le doute n’est pas permis. Et pourquoi cela ? le doute paralyse-t-il l’action ? nullement : s’il n’est qu’une pause réflexive qui permet à qui y consent d’examiner toutes les options possibles en en pesant tous les risques inhérents à leur réalisation. La prise de risques est inhérente à toute action probabiliste. L’issue est toujours incertaine et l’histoire ne s’arrête jamais.

 

Ne confie ton destin qu’aux mots. Ecarte autant que tu peux les importuns, les importants, les malveillants et les idéologues de tous bords, et si d’aventure ta vie devait tourner au tragique dans un contexte de guerre civile, vends chère ta peau !

 

Coltrane sature l’espace musical ; la densité de son propos est à la mesure de l’urgence intérieure qui l’anime. Miles Davis, au contraire, aménage des vides, sans jamais semer le doute sur la sûreté de la voie musicale qui est la sienne. Coltrane travailla avec Thelonius Monk et Miles Davis, ces deux grands maîtres des silences en musique. Davis, qui apprit beaucoup en jouant avec Monk, faillit en venir aux mains avec lui lors d’un enregistrement durant lequel le quasi-mutisme de Monk laissait craindre qu’il ne relancerait pas à temps le discours musical : Davis avait trouvé encore plus parcimonieux que lui dans ses interventions en solo !

Bien d’autres musiciens de grand talent sont travaillés par ce qui semble être une double postulation dans la musique américaine appelée jazz (au grand dam de nombreux musiciens…) durant au moins la période qui court des années cinquante à la fin des années soixante, les plus fastes qui furent jamais pour cette musique si haute en couleurs.

De nombreux musiciens non-académiques faisant un pas de côté par rapport aux normes musicales couramment admises dans les Conservatoires éprouvent à leur début le besoin de justifier leur pratique musicale jugée hétérodoxe en s’appuyant sur de grands modèles, comme si une transcendance était nécessaire à leur reconnaissance. Christian Vander est de ceux-là qui voue un culte à John Coltrane. On ne peut pas lui donner tort : le simplisme du rock mainstream d’un côté et la musique contemporaine isolée dans sa tour d’ivoire de l’autre n’étaient pas pour lui et ses acolytes de grand talent. On peut déplorer le manque de moyens financiers qui, de nos jours encore, empêchent Christian Vander de donner toute sa mesure, moyens qui lui auraient sans doute été alloués par le ministère de la culture, s’il avait été « du bon côté de la barrière ».

 

La philosophie de café du commerce, la psychologie de comptoir, la sagesse populaire, tout cela a fait long feu. Ne restent plus que les repas de famille où l’on peut s’engueuler copieusement autour de la dinde de Noël !

Même sans orthographe, les écrits vont plus que jamais bon train car tout le monde, du plus ignare au plus savant, veut ramener sa fraise dans le débat public. Chacun y va de son opinion « personnelle », en s’assurant d’être entendu par une communauté de paires, afin d’éviter d’être contredit.

Presque tout le monde sait lire et écrire. Ah le beau progrès ! Tout ça pour ça !

« Parler politique » m’a toujours mis mal à l’aise. Rares sont les gens qui maîtrisent pleinement les sujets complexes qu’ils abordent, armés de leurs seules certitudes - ah bien pauvres certitudes ! - basées sur des principes toujours discutables, c’est-à-dire ni vrais ni faux, ni justes ni erronés.

Le respect de la vie, érigée en règle absolue, n’est jamais absolu. Ce qui suffit à frapper de nullité le christianisme si cher à nos bonnes âmes.

Jouons carte sur table ! Jouons franc jeu ! Il faut tous les tuer ! les mettre hors d’état de nuire ! une bonne fois ! et au nom de quel sacro-saint principe, je vous le demande.

Interrogez votre cœur et vous verrez à quel point il vous appartient si peu ! Bardés de nobles principes d’origine religieuse (toujours…), vous voilà prêts à en découdre avec l’adversité.

Même la légitime défense est suspecte : un paranoïaque esseulé ou un peuple entier acquis à des thèses complotistes - les Russes soviétisés d’hier, les Russes poutinisés d’aujourd’hui, les nazis d’hier et d’aujourd’hui - se targuent de savoir où est le mal et comment le combattre.

Un grand paranoïaque me dit un jour : Taisez-vous, vous n’existez pas !

 

Jean-Michel Guyot

14 mai 2023

 

 

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