Dans mes dernières poésies,

Je parle de me marier.

C’est ma dernière fantaisie,

Qui voudrait me contrarier ?

 

J’écrirai jusqu’à rendre l’âme

Des bouquets en vers féminins,

Lais, virelais, épithalames,

Madrigaux, couplets fescennins¹…

 

J’ai deux ou trois places d’attente

Dans mon cœur de carchouflier²,

Si cette aventure vous tente,

Prenez au clou un tablier.

 

Qui sera l’heureuse égérie,

La belle accordée mise à mal

De l’église à la mairerie ?

Pluies de riz, violons du bal.

 

J’ai toujours un peu de vaisselle,

Un peu de linge à repasser,

J’aime la soupe aux vermicelles

Et ne suis pas gars à nocer.

 

Je pars quelquefois en voyage

Dans mes rêves, rassurez—vous,

J’en ramène des coquillages

D’Anticythère et de Corfou !

 

Je suis le cours de la rivière,

Ballot de linge sale au dos,

J’y courtise les lessivières

Qui en pincent pour mon credo.

 

J’ai toujours un peu de couture,

Des chaussettes à ravauder,

Ourlet défait, large ceinture,

Un canevas à rebroder.

 

Vous vous doutez que je plaisante,

Je ne souffre trônes, autels,

Ni camps, binettes reluisantes,

Faces blêmes d’amers mortels !

 

Mon sarrau passe la farine,

Un point par-ci, un point par-là…

Un poing délicat tambourine

Sur mon volet violet lilas.

 

 

Que voulez-vous gente voisine ?

J’étais à tourner un rondeau

Sur la table de ma cuisine

Devant un verre de bordeaux.

 

Robert VITTON, 2023

 

Notes

 

1 - Vers fescennins : vers grossiers et licencieux de Fescennie en Étrurie, aujourd’hui la Toscane, où l’on donna naissance aux chants nuptiaux dans l’antiquité latine. Passée à la Rome, cette poésie fut employée dans les divertissements dramatiques.

2 - Carchouflier : un des noms provinciaux de l’artichaut.