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Hypocrisies - Égoïsmes *
Alfred Tulipe 97

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 Article publié le 12 novembre 2023.

oOo

« La vie de château ? Mais, mon vieux, ça ne me déplairait pas ! Les femmes y vaquant à leurs occupations qui ne sont pas les nôtres… Quel rythme ! Vous ne trouvez pas, Alfred ?

— Fin février, on ne chasse plus… Peut-être un tir d’été… Enfant, je pratiquais plutôt la pêche. Petite embouchure avec baie et digue. Mais pas un seul récit. Des répétitions. Je n’y ai pas trouvé l’inspiration. Ni cherché. Le temps à la dérive, ni immobile ni véloce. Ici, j’ai observé les techniques de battue, d’affût et d’approche. Mais pas d’apprentissage. Je vais pêcher quand je veux. Une ligne de fond. La barque glissant comme sur un rail invisible. Puis l’écluse met fin au voyage. On ne va jamais loin dans ces conditions. Mais le train…

— Mais pas en domestique ! Ni en maître. Simple occupant. Retraité de la fonction publique. L’esprit usé par la pratique constante des procédures imaginées par les serviteurs de haut rang. On croit voter et on s’abstient. Vous disiez… ?

— Votre train a continué sa route vers la frontière. Le sien s’en est éloigné…

— Qui… ?

— Quentin. Porte pas le nom de son père. Je veux dire : ni l’un ni l’autre. Se fera appeler Quentin Surgères le moment venu. Se cassera-t-il une jambe ou les reins en pleine représentation ? Ou se contentera-t-il d’exercer un rôle de rabatteur ? Pedro Phile connaît son monde, je crois…

— Ne m’en parlez pas ! Des années que je suis sur sa piste. Pas une erreur. Au moment où on ouvre sa porte, les témoins à décharge vous tombent dessus. Puis il file en terre étrangère. Découvre de nouveaux talents. On le voit à la télé. Et vous regardez la télé. Comme on se penche à la fenêtre. Le nez collé à la vitre. Gouttes ou givre dehors. L’avalanche des informations géopolitiques et les coupures publicitaires. La fiction empruntée à la réalité avec des techniques de manipulation comportementale. On travaille dur avec Roger là-dessus. Et vous… ?

— Destiné à voir le monde en réduction. Sur un écran tenant dans la poche car les meubles de bibliothèque prennent trop de place et les lieux de vie se réduisent en proportion de soi. Finalement, au bout d’années de pratique au pouce et à l’index, je n’en sais pas plus, ni sur le monde ni sur moi-même…

— (mimant) « Mais c’est d’elle dont je voulais me nourrir ! » Je connais ça. Un coin à soi. À la hauteur de son trésor gagné sur l’existence qui s’impose quel que soit le pays qu’on accoste. Il voyagera peut-être plus que vous…

— Mais je n’ai jamais quitté la maison !

— Vous êtes venu jusqu’ici…

— Hello, les amis ! »

L’interruption est causée par Roger Russel qui est descendu dans le petit parc aux buissons hérités de Birnam. Les « filles » jouent avec leurs jambes sur la couverture écossaise, chassant mouches et papillons avec leurs mouchoirs. Leurs nez ont rougi. Il se tient les reins et pousse sa bedaine en avant. Le polo italien porte des traces de repas, taches brunes et rouges. Et tournoient des guêpes qui le contraignent à accélérer le pas. Rien dans les mains. D’habitude, il n’arrive pas les mains vides. Il roule les feuillets comme un magazine. Lui aussi a le nez rouge. Les joues violacées. Les lèvres paressent sur les dents. Il chute littéralement dans les jambes des filles qui les agitent en ciseau. Hélène rieuse depuis que le nabot ne donne plus signe de vie. Julien n’est plus là pour s’en inquiéter. De qui désirait-elle cet enfant ?

« Bien travaillé depuis ce matin… ? demande l’autre fille.

— J’examine les manuscrits de Julien…

(il ne les lit pas, il les examine…)

Je crois qu’il est l’inventeur d’un nouveau style de pratique narrative…

— Ah ! Oui… ?

— Il ne lui a manqué que de dire la vérité…

— Mais quelle vérité, mon Dieu ?

— Y en a-t-il plusieurs… ?

— Tu l’as dit, frangine. Un graphe impossible à parcourir sans revenir aux mêmes endroits que la mémoire finit par considérer d’un mauvais œil. Or, le jeu consiste à trouver le parcours qui ne repasse plus par les mêmes calvaires des croisées. Il y a loin entre la réalité et le jeu qui consiste à divertir l’esprit en espérant y laisser une trace, à l’inverse de la proie. »

Plus loin, une barque émerge par la proue, l’eau clapotant contre ses flancs.

« Alfred se demande quelle décision sera prise en préfecture… dit Frank.

— Au sujet du pain ou des coiffures ?

— Les tirs d’été.

— Mon Dieu ! Qu’est-ce que c’est ?

— Songeant à des vacances au bord de la mer… Les tirs à l’ombre de la nuit…

— Obscène… mais pas faux !

— Pas le genre d’Alfred, » corrige Hélène.

Le vin n’est pas mauvais, mais pas excellent non plus. Je suis remonté de la cave avec une vieille bouteille oubliée sous la bâche qui a pu être une voile.

« Mauvais choix, reconnut Frank à l’ouverture, reniflant le bouchon à distance.

— Avec un peu de poudre, cependant…

— Je devrais vous mettre aux fers, Alfred…

— Nous avons tant à ouvrager avant que ça n’arrive, mon vieux ! »

Des chevaux grossiers et patauds se sont approchés sur l’autre berge. La rivière les rassure quant à notre présence. Encolures et croupes puissantes, mais jambes sans cet effort qui fait les œuvres d’art.

« Nous finirons par nous ennuyer, dit Hélène caressée. C’est toujours ce qui arrive. L’oisiveté d’Arthur confine au suicide ou à la mortification.

— Nous savons nous aimer, dit l’autre. D’une façon ou d’une autre.

— Demandez-le aux cerfs ! s’exclame Frank pointant un fusil imaginaire en direction du sentier qui s’enfile gaîment dans le chas du bois.

— Est-il possible que la chasse vous passionne, Alfred… ? (elle, ramenant ses jambes contre sa poitrine, le menton sur les genoux)

— Je ne dirais pas ça… mais la vie de château sans un peu d’exercice cynégétique n’est plus digne de l’existence du chercheur de poux dans la tête.

— Encore une de vos obscurités… fit Hélène. (elle suce un doigt)

— C’est vrai, quoi ! De qui sont ces poux qui grattent sur vos têtes ?

— Jamais Julien n’aurait écrit pareille absurdité ! Il s’en tenait aux faits.

— Je me demande ce que Quentin en fera, de ces faits… rapportés comme autant de pièces sur le costume familial qui n’a subi aucun accroc en traversant sa forêt généalogique… »

Plus tard, à l’intérieur :

« Mais il y a si longtemps que vous ne voyagez plus, Alfred !

— Ce sera un voyage organisé. Je ne crains pas de me perdre.

— Il consulte Facebook pour avoir des nouvelles de Quentin…

— Vous voulez dire…

— Que ce voyage est organisé par le cirque où notre nabot s’adonne à l’art du fil ou du trapèze. Nous n’en savons rien. Pas une carte postale… Vous savez : avec les couleurs locales indispensables à l’imagination en panne… L’eau de mer, le dallage des paseos, les enfilades de balcons, les piscines vues de drone… Ces ventres à l’air et ces gosses qui promettent de perpétuer cette joie d’agence et de cotisations salariales.

— Je ne fréquente pas ces lieux…

— Pourtant les vôtres y ressemblent beaucoup : mêmes principes de construction et d’usage.

— Pourquoi diable un voyage organisé… ? Pourquoi pas un road movie sans scénario préconçu ? Vous emporterez votre smartphone en guise de caméra. Ça tient dans la poche. Aujourd’hui, c’est le format branché. Avec le geste : vous savez ? la main à la poche !

— Rien à voir avec le cirque… Naguère…

— Il ne dit pas jadis…

— Il nous arrivait de prendre le train ou le bateau… Avec billet et réservation des compartiments, des cabines et des chambres. Tout sur le papier. Avant même que le récit se mette à exister. Puis nous nous laissions emporter par les autres…

— Les autres ! Ça m’étonne de vous…

— Mais qui donc sinon, ma chère ? Vous ne réfléchissez pas… Je vous l’ai déjà dit.

— Mais je caresse bien… Pas vrai, frangin ?

— Quelle sera la première destination… Car je suppose qu’il en faut une… sinon le commis de l’agence ne sait plus où donner de la tête !

— Consultez donc Facebook pour en savoir plus. Le trajet du cirque y figure. Et avec un mois d’avance. Charmants minois d’enfants émerveillés. Les nabots sont maquillés pour ressembler à des clowns. Cuisses aussi. Et poitrines musclées. Photoshopées pour éviter la vision des hématomes. Ou vous en priver. Lisse réalité des prospectus doublant le spot à la télé. La gueule d’un tigre vous invite à plus de prudence…

— Rien n’est encore décidé, » conclut Hélène.

Le ciel s’assombrit aussitôt. Les vénitiens volètent devant les baies ouvertes en grand. Un tableau frappe son mur à plusieurs reprises. La fumée s’éparpille, agaçant le nez de ces dames, y compris de la « valetaille qui se taille ». Une expression que je tiens de chez moi. Imitée du tirailleur et sans doute empruntée à d’autres larbins en gésine. Leurs enfants ne vivent que d’imitation. Des singes selon le comte. Il les observe de près, forcément. Ça le rend triste. Lui aussi pense aux tirs d’été. Peut-être un sanglier. Battue avec des ploucs mieux expérimentés. Et quelques étrangers qui repartiront avec des cageots. Mettre de la paille dedans : pour mémoire.

« La pluie est sur l’horizon, constate Roger. Je remonte. J’ai à faire. Vous venez, Frank ? »

Le comte fait signe à son valet de ne pas fermer la baie vitrée. Il se pose sur le fauteuil où la mort le guette depuis longtemps. Il a « toujours été mort », selon ce qu’il pense de son enfance. Une fille et pas de garçon. Encore que la comtesse fût volage. Le vent balaie ses moustaches, menace la moumoute, distord les sons qui parviennent encore à ses oreilles. Fait des signes par habitude. Toujours les mêmes : oui, non, par ici, dehors ! Ne sait pas clairement d’où il vient lui-même. Pourtant, les progrès de la science… Comme à la télé. Ces flics experts. Ces dispositions innées pour les sciences. Les algorithmes revus et corrigés. Versions. Nous en parlions quelquefois. Et il se demandait ce qui habitait le cerveau de Quentin. Quel peuple venu d’ailleurs…

« Panglas a de l’influence, dit-il en m’invitant à partager l’espace clôturé de cet étroit salon délimité par les dossiers des fauteuils. Une table basse ressemble à la Lune, même vue de près, comme on s’y penche pour attraper son verre. Madeleine traverse la terrasse, poussée par le vent qui soulève sa jupe noire, le tablier battant comme une aile, elle tient sa coiffure d’une main et de l’autre ses seins. Je n’ai pas encore lu son manuscrit. Chaque fois qu’on se croise, elle m’interroge du regard, mais ne stoppe pas car nous ne sommes jamais seuls. Ne vient plus dans ma chambre car la sœur de Roger habite aussi au rez-de-chaussée pour une raison voisine de celle qui m’interdit les hauteurs. Inutile de la mettre au courant. Mais Hélène l’est déjà. Hélène sait tout.

« Nous aurons une battue en juillet, dit le comte. Panglas s’active auprès des autorités dont il est proche par profession.

— Et le procès… ? Je n’ai pas été aux nouvelles depuis que mon crâne me fait souffrir…

— Reporté… Aux Calendes… grecques si vous voulez. Le pauvre vieux est persuadé qu’on a assassiné son fiston… mais ça lui laisse le temps de s’occuper de nous. Nous aurons un fameux tir d’été !

— Je serai peut-être en voyage à ce moment-là… heu… Je ne sais pas… »

Il faut que je me sorte de là ! Ne plus revenir. Trouver un ailleurs. D’autres personnages et d’autres conversations sur d’autres sujets. Malle pleine de manuscrits inédits. La traîner comme un boulet. Prendre le temps d’ici là d’ouvrir l’in-octavo du guéridon. Le relire. Puis le détruire. Mais comment détruire ce qu’Hélène en a fait ? S’être confiée à des domestiques ! M’avoir trahi auprès d’eux. Je ne reviendrai plus ! Le type qui sort dans la rue ou emprunte le même chemin mais à la campagne, les veines véhiculant les toxiques par quoi commence le bonheur qu’on le veuille ou non, ce type ne se perd pas en route : on l’arrête pour lui faire un procès où l’obligation de soins s’impose à tous ceux qui participent à cette audience d’un autre temps. Entretemps, il tue. Voilà toute mon histoire. Enfin, celle du Guéridon Damasquiné. Vous en savez maintenant presqu’autant qu’Hélène et ses auditeurs. Gisèle ne savait pas lire. Quentin… ?

« Nous l’aurons, ce tir ! Je vous le garantis. Envoyez les photos des dégâts causés par ces sabots, ces grès et ces bois ! Utilisez vos réseaux, Alfred ! Panglas n’y connaît rien. Moi non plus d’ailleurs. Ce n’est pas faute d’avoir ouvert un de vos manuels, mon ami… Mais je n’ai plus l’esprit aux études. Arrrgh ! Ces nouvelles façons de voir les choses ! À travers des culs de bouteilles qui n’ont jamais appartenu à des bouteilles. Verroteries contemporaines. On passe trop de temps à élire nos souffre-douleurs !

— Mais je n’ai pas de… réseaux. Je ne me connecte même pas…

— Pourtant, du temps de la comtesse… devant cet écran qui fleurissait sur vos visages concomitants… partageant le tabouret de piano… et pianotant à la diable !

— Gisèle cherchait à en savoir plus…

— Mais à quel sujet, bon Dieu ?

— Cheminements imprévisibles…

— Vous la suiviez… Ne vous arrivait-il pas de prendre la tête de ce convoi ? Vous donniez l’impression de chasser du gros ! Vous avez appris quelque chose de cette pratique pressentie par nos pères philosophes. L’écran a toujours existé. Apparition en autant de dimensions que nécessaire. Là, devant les yeux. Sinon la table tourne. Ou je ne sais quoi encore !

— Je ne sais plus… Mon crâne… Une douleur constante depuis que…

— Depuis que notre nabot nous a quitté… mais pas sur le chemin de son papa civil… Ni sur le vôtre… qu’il a eu le temps de parcourir… avec ou sans votre compagnie… Rien ne l’amuse si nous nous y mettons, n’est-ce pas ? Plus rien entre Hélène et lui. Mais elle ne peut pas nier en être la mère. Julien comme moi avons assisté à la mise bas. Vous n’y avez pas été invité… Elle fut une vache ou une jument… mais femme et fille… Le père trouve porte close au moment d’assister à la naissance de son enfant.

— Cessez d’enfoncer le clou, je vous prie ! Mon crâne…

— Ma fumée n’arrange rien… Allez respirer ailleurs, mon ami. En parlant de clou, c’est sur ce fauteuil que j’en apprécie le pouvoir de liaison mécanique. Le vent nous amène la pluie… Pendant un moment, j’ai espéré que le soleil… Madeleine, peut-être… Mais elle a disparu. Pour aller où ? Passant par la terrasse… Vous le savez ? Vous habitez au rez-de-chaussée… »

Mais ma chambre était aussi inhabitée que d’habitude. La fenêtre n’avait pas cédé à l’effraction supposée. Et la porte n’avait pas révélé son code secret. Le petit guéridon portait verre et bouteille, ainsi que seringues et matériel annexé qui aurait dû se trouver à l’intérieur en compagnie de l’in-octavo. Peu importait si personne ne venait visiter les lieux en mon absence. D’ailleurs qui ne savait pas que je pratiquais le paradis à la façon des poètes de la douleur et de son verbe haut ? Il suffisait de me voir déambuler dans les allées, stoppant à l’entrée des chemins sans les prendre comme ils semblaient le demander à mon silence. La bouteille était vide, je m’en souvenais maintenant. Le verre sec avec des traces de mouche ou d’araignée. Je les balançai sur le lit, ouvris le guéridon, constatai que l’in-octavo n’avait pas quitté sa fente, l’en sortis en le tirant par son ruban, l’examinai de près, l’œil captant ses poussières témoins d’un long isolement sans visite importune… J’allais partir en voyage. Autant jeter un œil sur ce contenu. Des coups sur la vitre de la fenêtre.

« Vous l’avez lu… ?

— Mon crâne… ces temps-ci… Et puis je pars en voyage…

— Avec Angèle ? Vous n’irez pas loin…

— Moquez-vous de moi…

— J’entre… ?

— Levez haut la jambe ! »

Elle se jette dans le lit, grogne à cause de la bouteille et du verre. Elle n’a pas pensé à nous ravitailler. Rien de consommable côté seringues. Elle a vite fait d’ôter sa culotte. Son énorme popotin s’ouvre, corps à l’équerre du lit, genoux sur le tapis et tête enfouie dans la couette. Comme je l’aime. Rituel bien rôdé.

« Ensuite nous lirons ensemble, dit sa voix étouffée par l’abondance de plumes.

— Pas ce soir… J’ai mal au crâne…

— La belle excuse ! Ça ne vous empêche pas de… Arrrrgh !

— Ma queue et mon cerveau n’habitent pas la même maison, ma mie ! »

Puis elle saute du lit pour exiger la clé du secrétaire. Je saute moins haut et me ramasse sur les genoux. Mon cerveau est revenu à l’assaut. Je tapote le code. La porte coulisse dans un chuintement digne des meilleurs vaisseaux intersidéraux. Elle avise son manuscrit et s’en empare, resaute sur le lit, la couette se gonfle de chaque côté de sa masse corporelle. Mais elle se redresse et désigne l’in-octavo ou la seringue et ses annexes.

« Serait-ce les feuillets de ce Guéridon Damasquiné dont tout le monde parle ?

— Et que vous seriez la seule à ne pas avoir lu… Vous vous moquez encore de moi…

— Je vous assure que non ! Je n’en sais pas plus que ce qu’on en dit à l’office. Jamais rien entendu à l’extérieur. Je suis curieuse de…

— Jouons cette lecture à pile ou face… Pile nous lisons votre ouvrage. Face, vous pourrez en dire au moins autant de mon célèbre Guéridon qui a la faveur de la domesticité…

— Je n’ai pas toujours été domestique…

— Certes, mais vous vendiez votre peau à d’autres types de clientèle… Avez-vous connu Pedro Phile ?

— Ce salaud !

— Il en est question dans mon Guéridon.

— Alors ils ne l’ont pas lu… Pourtant, madame Hélène…

— À votre tour de les renseigner sur mes malheurs de jeunesse ! »

Presque jovial, mais sans précipitation, je dénouai le ruban. L’in-octavo se déploya.

« Tiens ? fit-elle, les mains entre les cuisses comme devant le sapin étoilé.

— En effet… dis-je comme si l’ensemble des mythes venait de s’effondrer sur lui-même.

— Il n’y a rien là-dessus…

— En effet… répétai-je. On m’aura… heu… volé…

— Mais volé quoi ? Vous n’avez rien écrit…

— Je croyais pourtant… Vous avez entendu les autres… Tous s’accordent à le dire : je suis l’auteur du Guéridon Damasquiné

— Pourtant…

— Est-il parti en voyage lui aussi ?

— Ce serait amusant !

— Je ne le reverrai plus… Il faudra que je me fie à la mémoire de nos larbins… Mais accepteront-ils de me dire ce qu’ils savent… heu… ce qu’ils ont retenu… ?

— Pas le même monde en effet… Mais ne comptez pas sur moi pour les convaincre. Je ne suis pas issue d’une lignée domestique. On se méfie de moi…

— Il faut que je parte ! Ce coquin m’a piqué le seul ouvrage…

— Un seul ? Vous m’étonnez…

— Le seul qui me tienne à cœur ! D’autres suivront.

— Une suite… ? Et rien avant… ? Mais alors…

— Je ne suis pas celui que vous pensez ! »

 

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