[éditions Abordo]
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Extrait

Le plus grand livre de poésie du XXe siècle est sans doute Les Cantos d’Ezra Pound. En français, nous disposons d’un grand travail de traduction, en plusieurs éditions, dirigé par Yves di Manno. La poésie, comme 4^e dimension, s’y construit sur les concepts de melopoeia, phanopoeia et logopoeia*. Cette encore toute nouvelle planète se propose toujours dans notre espace civilisationnel. Et s’impose comme la meilleure construction poétique possible en notre temps. Quelle poésie peut échapper, sans doute en fuite, à cet arc de triomphe ?

Pourtant, la poésie ne s’en laisse pas conter, tant elle est à soi et pour les autres. Quelques poètes sans doute plus perspicaces et initiés que les autres, s’y adonnent avec une sincérité exemplaire et une expérience de la vie plus à fleur des mots et de leurs sens véritables. Jean-Luc Aribaud est de ceux-là.

Je ne vais certes pas vous offrir ici un résumé, moins encore une analyse. Qu’est-ce qu’EN cela ?

Une diagonale. A fresco. En travers du texte. Lequel se présente comme un recueil, mais qui est un poème, long poème de 80 pages, ligne après ligne, où quelquefois se désigne un vers, preuve, si nécessaire, qu’on est en poésie. Il y est question de l’existence. Et de ce genre dont nous sommes. De cette comparaison inévitable entre un avoir et un être. De l’enfant et de son enfance déjà textuelle, porté à parler et par esprit de palimpseste, à écrire par-dessus. Cela pourrait s’appeler un chant. Le dernier en date selon Jean-Luc Aribaud, mais je ne connais pas (pas encore) son œuvre distribuée sur 7 ou 8 autres opus. La série confine sans doute à l’ensemble. L’avenir le dira, comme on dit, mais qu’au présent on en lise déjà les linéaments.

Deux diagonales. Alla prima. Elles se croisent par définition, comme dans un miroir. Je défie quiconque, lecteur d’usage, de ne pas s’y retrouver. À aucun moment (si la lecture est un temps à passer) il n’entrera en contradiction avec ce qui est dit, suggéré, supposé, jeté en l’air du temps avec cette chouette satisfaction de constater que c’est vrai : on est là.

D’ailleurs pourquoi ne pas rapprocher cette anaphore, en cela, de cet il y a qui installe une perspective toute figurative à l’endroit de la lecture dont l’envers n’est pas le silence ? Avec un peu de connaissance prosodique et une savante pratique de l’instinct la traversée est à la fois arrachement têtu et cueillette tranquille. Ce poème a de la voix. Impossible de ne pas l’entendre en cela.

Comme si le poème voyageait dans un roman. Mais on ne commente pas la poésie comme on s’approche d’un roman. Il me semble que le commentaire du roman est une tangente à son magma de fer et d’eau. Tandis que le texte poétique n’ouvre pas les portes, il ne les ferme pas non plus, il s’en fiche. Vous empoignez votre valise de voyageur, vous appréciez les voyages en train parce qu’on peut les modifier, les rails sont peut-être en mou de veau, la sensation est celle-ci : vous vous sentez bien et mal à la fois. Et pas seulement bien parce que Jean-Luc Aribaud sait écrire, entre la nature et sa ville, vivaces aller-retour, mais à cause ou grâce à cette évidence qui ne se refuse pas, qui ne vous conduit pas mais vous entraîne, vous laissant toute liberté de revenir avant d’être arrivé. Un texte de diagonales murales qui se refait sans cesse comme les bords de mer. Moi, je m’y suis plu. Et vous ?

EN cela : en poésie.