J’ai pas la nuit dans ma poche.

C’est pourquoi 

T’es rien, qu’elle me dit !

On est bien paumés. À siffler de la bière en regardant la télé. Demain j’irai acheter du vin. Du vin ordinaire qui nous conduira à approfondir.

Où est-elle ? Je la retrouve couchée avec what ? écrit au feutre sur le sol de la salle de bains. Ceci nous amène au cœur du problème. Elle dort. Ses bas font le serpent dans le panier à linge. Serpents qui dégueulent. Je les respire. C’est elle tout craché. Demain elle écrira chicken soup. Ou nude in blackface. Des conneries. Ou pas des conneries. Je retourne à la télé.

Ça me rappelle des trucs. Des phrases comme : on l’a dit un jour. Ou alors : il ne fait aucun doute. J’ai pas eu le temps d’aller chercher du vin. Quand elle s’est réveillée. J’ai fait semblant de dormir. Je l’ai vue regarder la ville par la fenêtre. Avec tous les autres en face qui mataient son cul. Quand elle est partie, j’y ai pensé, une pensée qui marque, presque trop visible. Avant qu’elle ne revienne, j’ai écrit a new miracle devant la baignoire.

La vie passe. Et j’ose toujours pas. J’ai envie de lui dire tout ce qu’elle n’est pas. Je cherche. Je pourrai dire une rumeur transmissible à l’infini. Je pourrai dire qu’elle n’est pas belle des bras. Qui sont trop maigres. Pas des mains aussi. C’est pareil. Mais je lui dis : t’as vraiment un cul. Je mens. J’invente des fausses lumières pour cacher des vraies obscurités. Et je garde mes chaussons pour aller chercher du vin. Quand je rentre, elle a écrit tulips and snow.

À la télé, il y a une grosse qui chante entre nous c’est la vie qui s’en fout. Je me branle en l’écoutant remuer son gros cul qui glousse. D’ordinaire je ne termine pas devant la télé mais là je pars avec les autres qui dansent derrière elle. C’est bon avec le vin. Give comfort to the poor. Quand elle rentre, elle balance ses pompes vers moi dans un geste de fooballeur.

Je quitte pas mon canapé. Qu’est-ce qu’elle croit ? Que je vais lutter contre mon absence ? Télé. Jeux du midi. Sieste. Puis les chansons à jouir. Il n’y a plus de vin. Je dis tout haut une phrase à la con : nous sommes nos chaussures, nous sommes le vent. C’est marrant, c’est comme hier soir. Bubble gum test avec son rouge à lèvres sur le miroir de la salle de bains.

Il y a beaucoup de gens qui ont peur. Peur des rats, par exemple. Moi, je peux tuer un rat. Même là sur le canapé avec le rat assis à ma place. C’est si facile. Comme avec elle. Lovejoy street ! j’ai écrit.

Je passe ma vie à m’écouter. Et à lui écrire. Des conneries dans la salle de bains. Heureusement, il y a la télé qui donne les histoires des autres. Aujourd’hui le mari de la fermière bien roulée qui montre ses seins géants. C’est bon ! Je lui laisse un Mother and child évocateur. Elle, rien. Que dalle ! Elle n’écrit plus rien. Je désole…

Il y en a qui disent : « Je viens d’ailleurs ! » Moi non plus, je viens d’ici. Là où je ne bouge pas. J’attends. J’attends mon avis sur ce que signifie « rien ». Puis je regarde mes chaussons. Et quand j’en ai assez j’écris avec son rouge à lèvres dans la salle de bains : Comfort to the poor (bis).

Il ressort de ce qui précède qu’elle est partie sans même me dire au revoir. Partie pour de bon. Last toast.

Pourtant petit cœur tu sais bien que je vais m’ouvrir les bras.

Jacques Cauda