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"Automne d'amour à Pristina" - préface de Laurent Grison
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 Article publié le 2 juin 2024.

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Météore d’amour - La poésie lyrique de Lan Qyqalla

 

« Toi, météore d’amour

passais courageusement,

dans les crues d’automne

de mes yeux. »

« Demain », page 59

 

Le poème « Automne à Pristinë » (page 43) donne son titre à ce beau recueil du poète kosovare de langue albanaise Lan Qyqalla. Pour cet auteur, l’automne est la saison des êtres qui vivent l’amour et affrontent la mort. A sa manière, il en fait une sorte de second printemps d’avant l’hiver qui serait à la fois passé et présent, nostalgie du temps perdu et rêve d’un futur aussi attrayant qu’incertain.

Lan Qyqalla est un poète exigeant qui manie les vers et les mots avec aisance. Il invite aussi le lecteur de son dense recueil à une méditation sur le sentiment amoureux et ses errances.

Ses poèmes sont des chants passionnément lyriques mais ils portent aussi les traces de la douleur profonde d’un homme blessé par la vie. Il écrit dans « Plâtre d’amour » (page 60) :

 

« le feu s’est éteint dans l’amour

et prenait les flammes à nouveau,

là, sur les tombes, je m’enivrais par ton parfum. »

Le mot « douleur » apparaît une vingtaine de fois dans le recueil.

 

Dorisa, la femme aimée et disparue, était, est et restera la muse du poète Lan Qysalla qui sans relâche lui redonne vie avec ses mots. Le lecteur ne peut que la comparer avec Béatrice, figure absolue de Dante Alighieri.

Cette référence en côtoie d’autres dans le recueil de Lan Qyqalla, dont la culture littéraire irrigue de nombreux poèmes : Olympe (page 37), le chant des Sibylles (page 69), Eurydice (page 76), etc. Les allusions mythologiques ne sont jamais décoratives ; elles servent toujours un discours amoureux qui trouve sa forme poétique.

En lisant le recueil de Lan Qyqalla, j’entends aussi l’écho de la poésie romantique française du XIXe siècle, celle de Hugo ou de Nerval.

Cette poésie est toujours à la quête d’une profondeur de l’être, d’un parcours initiatique du poète sur les chemins d’une passion par nature inachevée.

Lan Qyqalla sait que l’amour n’est pas que douceur et joie. Toujours la mort rôde et peut emporter l’illusion de ce qui semble éternel. La réaction du poète en témoigne, avec un excès que seul celui qui a vécu la passion et ses affres peut comprendre : « Je veux tuer l’amour » (page 39)

Le poète aime et souffre, comme Orphée, il plonge dans une solitude qui est un état à la fois craint et nécessaire. Cela conduit à une mélancolie qu’on retrouve, par exemple, dans ces vers :

 

« Lorsque je ne suis pas avec toi

Pristina n’a pas de couleurs » (page57)

 

Cette mélancolie est source de souffrance. Elle est aussi salvatrice car elle impose au poète de trouver en lui-même la force de poursuivre son chemin de vie et de création. Il puise alors dans ses souvenirs ce qui enracine son œuvre, mémoire de l’adulte comme de l’enfant, avec un bel hommage à sa propre mère (pages 85 et 86).

En poète expérimenté et sincère, Lan Qyqalla maîtrise avec brio les images, comme dans cette phrase : « Ton village dort avec tes rêves » (pages 72-73).

C’est dans la seconde partie du recueil que l’auteur exprime l’autre face de son sentiment amoureux, celui qu’il voue à son pays, le Kosovo. Le titre de cette partie est explicite : « La patrie nous l’aimons tous les jours ».

La dimension politique des poèmes repose sur un engagement authentique qui conduit notamment l’auteur à honorer les « martyrs de la nation » (page 83) :

 

« on mit la table de la Liberté

au prix de l’immortalité ! »

 

On pense ici aux vers du poète britannique Lord Byron, qui prend les armes en faveur de l’indépendance des Grecs face aux Ottomans (il meurt en 1824, à Missolonghi, en Grèce) ou encore à ceux du poète français Alphonse de Lamartine, qui participe à la Révolution de 1848 à Paris.

Pour le lecteur que je suis, le recueil de Lan Qyqalla trouve son aboutissement non pas dans le dernier poème mais dans celui qui se trouve page 104 et date de 2017 : « Un jour », avec pour sous-titre « Requiem aux poètes ». On y lit ces mots :

 

« la vie donna à la vie,

l’amour on donna aux tristes miroirs. »

 

Laurent Grison

poète, critique littéraire et historien de l’art

 

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