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Article publié le 10 novembre 2024. oOo Dans l’ombre d’une nuit où le rêve se tord comme une bête blessée, elle se tient là, spectrale, immobile au bord d’un lac figé par le silence de mondes oubliés. Sa robe blanche, éthérée, semble flotter, souvenir pâle d’un souffle qu’elle a perdu. Ses mains serrées contre son visage, comme pour retenir un cri qui jamais ne se brise, elle contemple l’horizon, où se déploient des langues de feu, écorchures du ciel.
Près d’elle, une autre silhouette s’épanche vers la terre, les poignets lacérés de marques qui ruissellent dans la poussière rouge. Ses bras, effilés comme des branches mortes, se tendent vers un feu invisible, un brasier qui consume l’espoir, ou peut-être l’illusion même de la délivrance. Son visage demeure flou, dissous dans une danse de souffrance et de mystère, comme si la mémoire refusait de le graver.
Le dragon qui surgit, drapé de brumes et de sang, n’est pas un monstre venu d’ailleurs. C’est la bête intérieure, ce serpent sans pitié qui sommeille sous l’armure de la peau, prêt à mordre les âmes trop fragiles pour se défendre. Ses crocs sont faits des murmures que l’on tait, des plaies qui ne guérissent jamais, de l’innocence dévorée à même le cœur. Et ses griffes, rougeoyantes, caressent les cieux dans une apothéose de rage.
Le lac reflète leur monde brisé, mais plus encore, il reflète l’abîme en elles. Il est l’écho de leurs craintes, le miroir d’une folie douce, ondulant sans fin sous la surface glaciale. Elles sont deux : l’une qui rêve encore d’un salut, l’autre qui s’abandonne à la chute, et pourtant, quelque part, une même âme brisée, suspendue entre l’appel des flammes et l’étreinte d’une nuit sans étoiles.
Ici, la beauté se mêle au tragique. Ici, le murmure de la damnation se fait chant, et la lumière s’effrite, laissant place au royaume des ombres. |
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