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Article publié le 17 novembre 2024. oOo Je t’écris depuis le royaume des longs couloirs, petite sœur, là où les murs d’un blanc stérile effacent jusqu’à la moindre ombre, où la lumière s’infiltre sans relâche, glaciale comme une vérité que l’on refuse de voir. Je t’écris parce que, malgré tout, je sens encore ta main glisser dans la mienne, fragile, obstinée. Malgré elle.
Chaque nuit, je te cachais loin de sa rage, de cette colère noyée d’alcool. Nous fuyions ensemble, le cœur battant à s’en rompre, tremblantes comme des feuilles cherchant un abri sous l’orage. Te souviens-tu de ces histoires que je te murmurais, des mondes merveilleux que je t’inventais pour te protéger de l’obscurité, là où personne ne pouvait nous atteindre ? Et toi, avec tes grands yeux avides de magie, tu m’écoutais, assoiffée d’évasion, même lorsque la douleur marquait ta peau comme une brûlure indélébile.
Mais ici, dans ce royaume aux portes verrouillées et à la lumière trop blanche, on me donne des cachets de force, des pilules qu’on presse contre mes lèvres, et que j’avale, docile sous leur surveillance, prisonnière de ces murs muets. Ces comprimés dissolvent mes pensées, brouillent les contours de ce que je crois être réel. Parfois, ton image vacille devant moi, une apparition floue qui danse au bord de mes souvenirs. Es-tu encore là, ou n’es-tu qu’un rêve oublié ?
Des voix murmurent, leurs échos étranges me parlent de choses que je ne comprends pas. Le médecin vient souvent, vêtu de blanc, sa voix douce mais lointaine comme une caresse qui glisse sans s’ancrer. Aujourd’hui, il a prononcé des mots qui ont transpercé le brouillard : cela fait trois ans, a-t-il dit. Trois ans que tu es morte.
La vérité tombe, implacable, comme un couperet. |
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