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![]() oOo Ces deux dernières années de ma vie, par ennui extrême, ils se sont retrouvés à faire le plein de connaissance des « grands poètes », mais aucun d’eux, chose étrange, ne se vante d’être né dans une mangeoire : ils méritent tous une couverture blanche de l’Einaudi, avec leur arrogance de grands prêtres.
Des centaines d’amateurs incohérents, éloignés de toute forme d’humilité, ayant pour devise “je rôde”, trucident d’anodins versets, par le poison de l’encre, comme s’ils étaient Erode roi , tous excellents, réfractaires à toute critique, martyrs du mont des Oliviers, ils ne conçoivent pas que notre unique salut soit de leur enfiler sur les mains des préservatifs, afin, contraceptivement, d’épargner à tout le monde le tort d’assister à chaque fois à un avortement.
Je découvre que, selon Goethe, « l’ironie est un sentiment qui émane du détachement » : l’ironie, eirôneía, mère de la dystopie et de la dissimulation reste la lance de Don Quichotte, la lance du tournoi contre les moulins à vent, aboutissement de l’attente de l’échec (et mat) de qui se fourvoie en vers tarentiens assez insipides pour nous condamner au garrot, elle dévoile au boeuf citadin pourquoi un désespéré en banqueroute en est arrivé à assassiner un magistrat et non une putain, elle montre à l’homme de la rue comment des vers sans neustique sont aptes à libérer du mal chronique d’un monde constipé.
Je me retrouve à la merci d’une écriture d’images tridimensionnelles qui contraindront tous les lecteurs à changer en 3d leurs (trois) verres de lunettes, on me signale, tout bonnement, à moi ex-magasinier en blazer, que dans trois-cents ans la Suède de Tranströmer gagnera le mondial, et que nous sommes en train de vivre en même temps une dizaine de révolutions coperniciennes sans se douter qu’un bon millénaire avant Tranströmer, Alcman en était déjà là. |
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Commentaires :
Ivan Pozzoni ouvre le bal avec une lassitude radicale : deux années d’ennui, et les « grands poètes » qui défilent comme des prêtres sans foi, bardés de leur couverture Einaudi, oublieux de toute mangeoire originelle. Ils pontifient, ils martyrisent le vers, se croient sacrés. Mais c’est de leur stérilité qu’il s’agit ici, d’un mal qui ronge la langue, d’un verbe qui avorte à chaque strophe.
L’image est féroce, l’ironie cruelle — mais c’est bien une ironie lucide, au sens de Goethe : un détachement qui tranche, une lance que Pozzoni brandit comme un Don Quichotte conscient de l’échec à venir. Ce n’est pas un règlement de comptes, mais un combat désespéré pour la vérité d’un poème. Et le poème, quand il se perd en jeux tarentiens insipides, nous étrangle comme un garrot.
Pourtant, au-delà de la moquerie, il y a cette croyance tenace : les vers, même sans cadence, peuvent encore « libérer du mal chronique d’un monde constipé ». Les lunettes doivent passer à la 3D, car l’image devient volume, vertige, dimension politique du regard. L’ex-magasinier en blazer convoque Alcman, Tranströmer, l’Histoire, pour rappeler que l’inspiration n’est pas une affaire de chapelle, mais de secousses tectoniques.
Chez Pozzoni, le sarcasme est une forme d’espérance. Il raille pour mieux sonder l’échec, il déconstruit pour laisser filtrer une lumière souterraine : celle d’un langage qui, à travers le temps, le détachement et l’échec assumé, tente encore de dire quelque chose de vrai.