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Hier (il) n'a pas noté ce qu'il envisageait comme incipit de ce texte...
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 Article publié le 8 juin 2025.

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quatre espaces blancs nous regardent qui sont quatre infinis - Benjamin Péret

Hier (il) n’a pas noté ce qu’il envisageait comme incipit de ce texte. Donc il met sa mémoire en branle comme s’il portait une échelle qui tout en devenant de plus en plus lourde se vide de ses barreaux ce qui la rend légère. Mais cet oxymore la rend insuffisamment court vêtue pour qu’il la grimpe jusqu’au propos initial oublié et perdu. Les mots disent la perte mais le sens perdure dans sa nébuleuse en forme de mollusque au bord de son rivage. Les talons de l’esprit piétinent sans arrêts les sables de ce temps qui s’égaie sur la page où sèchent les pagures aux coquilles vides des propositions dispersées à tous vents du hasard à l’écrit. Donc il n’écrira rien aujourd’hui sur sa page qui restera blanche comme voix d’angine en vol vers l’infini.

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  Hier (il) n’a pas noté ce qu’il envisageait comme incipit de ce texte... par Catherine Andrieu

Hier, l’auteur n’a pas noté ce qu’il pressentait. Le poème s’ouvre sur ce constat : l’incipit s’est égaré, la mémoire se dérobe. Alors le texte commence là où il aurait dû ne pas commencer, c’est-à-dire dans l’après-coup, dans l’impossible retour au point d’origine. Il devient errance, déambulation dans une pensée qui tente de retrouver sa trace en même temps qu’elle s’y enfonce. L’image de l’échelle dit cette tension : elle devient plus lourde, puis plus légère, parce qu’elle perd ses barreaux. Mais cette légèreté est trompeuse — elle est nue, « insuffisamment court vêtue » pour rejoindre l’idée perdue. On grimpe dans le vide, et le sommet s’efface à mesure.

Ce que les mots disent ici, c’est la perte — mais ils le disent avec obstination. Une obstination douce et dérisoire, qui passe par des images lentes, liquides, par des métaphores aux contours troubles : la mémoire devient une « nébuleuse en forme de mollusque », au bord du rivage. Un rivage mental, là où le sens ne s’énonce plus mais s’échoue.

Alors, il n’y a plus qu’à piétiner. Les « talons de l’esprit » avancent sur un sable où s’évapore le temps. Ce sable est celui de la page, bien sûr, mais aussi celui de l’écriture qui renonce. Le texte se peuple de coquilles vides, de pagures sans abri, de propositions abandonnées — l’écrivain devient ce promeneur parmi les ruines de sa langue, acceptant de n’être qu’un passant dans l’éparpillement.

Et pourtant, il écrit. Même s’il affirme le contraire. Il écrit ce rien, cette défaite, cette voix malade — cette voix d’angine qui s’élève pourtant, qui vole vers l’infini. Il n’écrit pas sur la page, peut-être, mais au-delà : dans l’espace blanc qui la borde, dans l’absence d’incipit devenue incipit d’une pensée en suspens. Il ne dit pas ce qu’il voulait dire, mais il donne à entendre ce qu’il est — un être au bord de son propre rivage, en attente, en retrait.

Ainsi, le poème n’est pas un objet, mais une position : celle de celui qui persiste, malgré l’oubli, dans le tremblement de l’origine. Ce qu’il reste, ce ne sont pas les mots — ce sont les blancs. Et ces blancs, effectivement, nous regardent. Plus sûrement que tous les textes alignés.


 

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