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Sweeny (Extrait de Carabin Carabas)

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 Article publié le 14 septembre 2004.

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Le plan était simple. Elle apparaissait (apparition), il s’arrêtait (hallucination), il connaissait la douleur (amour ? sexe ?). Il brodait là-dessus. Deux cents pages, pas plus, à cause de l’impatience du lecteur qu’il s’agit de ménager. Quel lecteur ? La pipe s’éteignit. I1 secoua une bûche. Dehors, la nuit, ce froid. Sur les carreaux de la fenêtre, l’étoile bleue et blanche de la tente, immobile malgré le vent qui se lève, la fente de lumière est toujours à la même place. Ce sont des carreaux à chanfrein. Il aime bien ces jeux optiques. La plate-bande de myosotis qui traverse le champ. La verticale du réverbère, son halo, l’oblique de l’allée parallèle et dans l’abîme de ce blason, la tente dont les travaux vont rendre fou (encore cette folie à l’approche du nouveau, des changements, des morts, etc.), ce pauvre Fabrice qui ne ménage pas son cœur. Le plan était toujours si simple qu’il lui arrivait de s’ennuyer dès la première page. Mais l’écrirait-il cette fois ? Il pensait à une autre dramaturgie, plus proche de la réalité, avec lenteur et surface. Il descendit.

L’intérieur de la tente n’était plus éclairé maintenant. Une seule ampoule au-dessus de la tête étonnée d’Agnès à moitié nue qui s’enfuit aussitôt dans la nuit. laissant une écharpe par terre et l’herbe piétinée revisitée par ses soins d’amoureuse impénitente. L’ampoule n’éclaire plus rien. Il fait le tour de la tente, avançant dans cette transparence noire. De l’autre côté, la pelouse s’étend jusqu’au canal qui à cette distance n’est que le reflet rectiligne et dansant des lueurs de la route, deux réverbères accrochés dans les arbres qui sont peut-être des frênes. Les visiteurs sont toujours là, moins mobiles, toujours silencieux, étranges. Il voit le corps d’Agnès enjamber le canal et remonter la pente entre les hêtres. Apparition. C’est toujours comme ça que ça commence. Mais il s’arrête. À ses pieds, la bordure du canal (dans la nuit on ne voit pas les ferrailles noires dont le sinistre écoulement atteint le fond désormais clair et noir) s’effrite, petits cailloux, clapotements. Il sue et il a froid. La deuxième partie du livre qu’il écrit chaque hiver dans l’attente de l’été, ce n’est pas la disparition du corps dans l’ombre de la forêt qu’il n’a pas le courage de traverser avec elle. Elle disparaît comme elle est apparue. Il n’y a pas de transition lyrique. Il ne peut pas écrire cela. Il n’écrit rien à la place. Il se met à souffrir, c’est facile. Le livre s’achève sur cette douleur dont la description s’affine d’année en année. Il écrirait cet achèvement les yeux fermés. Il l’écrit près de la fenêtre, une nuit de gel intense. Sa mémoire s’y retrouve. Gel des vitres. Blancs chanfreins.

Il voit mieux les gens. Il est remonté de l’autre côté de cette pente, pour atteindre la route derrière un bouquet de châtaigniers. La lumière arrive au ras de cette herbe jonchée. Les gens se retournent parce qu’il a écrasé une gogue, elle a éclaté entre l’asphalte et le cuir de sa chaussure. Les gens voient arriver ce corps informe. Personne ne pense difforme. Tout le monde reçoit cette forme anormale avec le même sentiment d’impuissance. Ils le saluent, un seul mot, et il ne répond pas. Il traverse ce silence, ne le troublant qu’au bruit du cuir de ses chaussures sur les graviers qu’ils ont répandu à force de trépigner les bas-côtés qui font deux lignes claires et parallèles et qui s’enfoncent dans le bas de la pente, dans rien. Il sourit à cette pensée. Il entend les premiers mots qui recommencent derrière lui, les pas reprenant leur attente circulaire. Facile d’écrire ce que je sais de cette douleur, se dit-il. I1 longe la muraille sonore, reconnaît les pommiers, les dix rangs de muscat en marge du mur de schiste et de glaise sur quoi se dresse un chêne séculaire (dit-on), il voit l’horizon traversé des toitures et des cimes d’arbres, la route continue la pente jusqu’au pont, croisement-trace de la vie de tous les jours, il vient s’y asseoir tous les jours, toujours dans la même pierre, à la place de la pierre déchaussée par un camion (il y a longtemps), elle gît dans les ronces sur la rive où le chemin n’existe plus parce qu’il ne mène plus nulle part. Il traverse le pont dans le sens du château. C’est ce que j’ai de mieux à faire ce soir, se dit-il. Il ne tarda pas à apercevoir la pointe pavanée de la tente qui paraissait toute blanche à cette distance. Facile et nécessaire, se dit-il. Les aubépines formaient d’atroces géométries dans le ciel lunaire. Mais c’est l’odeur de la terre qu’il retient, mémoire impénétrable. Cette promenade nocturne ne l’inspire pas. Il se retourne pour regarder les gens. Ils ont l’air immobile maintenant. La lumière les mélange à cette ombre (l’immobilité relative). Passage de la lumière, se dit-il, il me manque. Il arrivait à une des portes du château, porte des jardiniers, dit-on, et il traverse ce verger odorant pour rejoindre l’allée principale qui longe le territoire morose de la tente blanche et bleue. Il ramène une humidité chargée d’odeurs dont la moindre est celle de la terre. Au passage, un ouvrier lui lance un regard furieux puis il pénètre à moitié dans l’ombre et s’immobilise dans une attente qui est aussi un signe d’impatience. Jean n’ose pas fouiller cette ombre. L’homme semble accroché sur ce plan, virgule de lumière étonnée, improbable du point de vue de la douleur, se dit le nain entrant dans un couloir secondaire du château, éclairé seulement par un néon qui court d’un bout à l’autre du plafond blanc et voûté. Il revoit l’ombre, y devine une femme (hallucination) et il se met à chercher les mots de cette nouvelle douleur (différente ?). Dans le salon, de chaque côté de la Lionne, Fabrice et Gisèle attendent son retour de promenade nocturne, une sale habitude qui les rend infidèles (le sens de cette fidélité s’est perdu dans la nuit des temps). Il entre, noir et moite. Dans le miroir hexagonal que le nègre de terre porte en pendentif sur sa poitrine de colosse vaincu (personne n’a encore saisi le sens de cette allégorie qui n’est peut-être qu’une farce de plus de l’ancêtre fondateur), son visage est un masque (théâtre ?) qu’il tente de transformer dans le sens de l’allégresse que tout le monde partage parce que c’est le moment d’être heureux, fidèle et sociable. Le nègre lui-même porte la trace de cette douleur sur son visage auquel d’ordinaire on fait dire :
- J’ai cru que tu ne rentrerais plus ce soir ! Nous attendons ton opinion au sujet de Sweeney. Crois-tu que Sweeney...
- Je ne crois rien si je pense à Sweeney. C’est du temps perdu.
- Quelle joie ce serait pour lui ! dit Gisèle.
Elle est sincère. Elle aime bien Sweeney. Je veux dire qu’elle l’aime sans en compliquer l’existence. L’idée de Fabrice est claire : Sweeney n’en fera qu’à sa tête. Qu’en penses-tu ?
- Pourquoi penser ? Et qu’en pensera-t-il lui-même ?
- Jean a l’art de formuler ma propre pensée, dit Fabrice. Je ne crois pas que le bonheur de Sweeney s’en trouvera mieux,
- Il m’a tellement parlé de ce bonheur ! dit Gisèle. Je n’ai pas pensé à tout ce mal en lui promettant qu’il serait là, avec nous, en ce jour tellement important pour nous. N’est-ce pas, Jean ?
- Je suis d’avis d’inventer une excuse, dit Fabrice. Je compte toujours un peu sur Jean dans ces cas extrêmes.
- Dire que j’ai menti à Sweeney ! dit Gisèle. Que va-t-il penser de moi maintenant ? Je n’aime pas cette situation.
- C’est Sweeney que vous n’aimez pas.
- Nous nous marierons de toute façon, n’est-ce pas ? Jean, je t’en prie, charge-toi de ce problème, C’est ma faute, je le reconnais. Mais il était tellement heureux à l’idée de revenir au château. C’est sa grande idée, vous comprenez ? Il ne pense pas à notre bonheur. Revenir, me disait-il en pleurant, revenir une seule fois.
- Il ne reviendra pas, voilà tout, dit Fabrice désespéré. Mais la seule idée de lui mentir me paraît tellement odieuse !
- Que personne ne mente ! dit Jean,
- Veux-tu dire que tu penses... que l’Idée même de Sweeney... que cette présence parmi nous... veux-tu dire que tu t’en moques éperdument comme tu te divertis tous les jours à négliger ta santé ! Je ne peux vraiment plus te faire confiance. Sweeney...

Mais il était déjà dans l’escalier. La promenade continuait. Il n’y avait plus qu’un problème : Sweeney. Le ramener, le temps des noces, était une idée de Gisèle. Fabrice aimait l’idée. C’est tout ce qu’il pouvait en dire. J’aime l’idée. L’idée de Sweeney de retour au château pour les quelques Jours que nous feront durer nos noces Rien qu’une idée de Gisèle qui n’avait pensé qu’à Sweeney. Jean ouvrit la porte de sa chambre pour laisser passer le chat. Il n’alluma pas. La lune s’était levée. Cette lumière le fascinait. Ce n’est pas vraiment une lumière, une lumière à proprement parler (qui parle ?), en dehors de tout sentiment morbide. Il s’assit sur un tabouret près de la fenêtre. La tente recevait cette lumière avec une avidité d’ombre peinte. Sweeney ne supporterait pas cette vision. Il ne résisterait pas à cette attente. Sweeney connaissait la douleur. Il la connaissait dans le rapport de l’attente au désir, comme tout le monde. Simplement, il en exagérait l’importance. Et il avait cette nécessité d’agir, exagérément bien sûr, relativement à sa maladie qui était loin de tout expliquer comme le prétendait Fabrice. Gisèle ne pouvait pas approcher cette réalité avec les moyens des théories qui étaient tout le préalable de sa peinture. Elle ne comprenait pas le risque. Fabrice pouvait l’évaluer. Jean, s’il était sincère, avait les moyens d’en limiter les effets. Fabrice comptait sur lui. Gisèle est tellement proche du bonheur en ce moment. II n’y avait pas de feu dans la chambre. Il entreprit d’en allumer un pour s’occuper physiquement de sa fragilité thermique qu’il avait hérité de sa mère. Elle se pelotonnait dans les coussins près du feu incroyable qu’il continuait d’attiser parce qu’elle se plaignait encore. Ces lueurs le tourmentaient. Il voyait ses épaules nues, il l’entendait se plaindre parce qu’il continuait de descendre le long du corps, silencieux et attentif, ayant tout oublié de la clé des songes (je voulais dire problème, pensa Jean en revenant à sa chambre (le chat dormait près du lit en feu où il était mort) dont la porte entrouverte était agitée par un flot incohérent de lumières où la géométrie du lieu devenait incertaine et même menaçante).

Sur la route, au-dessus du verger, il y avait moins de monde. Ceux qui descendaient au village conseillaient la tranquillité, ils descendaient lentement jusqu’au pont et ensuite ils prenaient la direction du village, ayant décidé ensemble qu’ils en avaient assez vu pour ce jour. Les autres, agités encore par la curiosité héritée de ceux-là même qui maintenant s’en défendaient (descendant en un seul groupe noir et géométrique), regardaient en silence la fenêtre secouée par le feu dansant. On distinguait bien le lit, blanc et carré, son ciel noir sans rideau (autrement le feu aurait commencé par là) et le drap défait dans le sens d’une diagonale. Une chaise brûlait dans un angle. Ceux qui descendaient n’y croyaient pas encore. De loin, ils exprimèrent leur incrédulité, la ponctuant par la raillerie que les autres, en haut de la route au-dessus du verger, ne pouvaient accepter sans augmenter le niveau sonore de leur conversation. Arrivés presque en bas de la pente, ceux qui pouvaient croire à un événement de nature à alimenter la rumeur du lendemain s’arrêtèrent pour regarder à travers les branches des pommiers. On voyait très bien le triangle (la pyramide) de la tente blanche maintenant sur l’écran (dans l’infini) du ciel noir, mais l’enchevêtrement des branches ajouté au mur de clôture infranchissable rendait la lecture du château difficile sinon impossible. Cependant, en haut, comme suspendue dans l’air de la nuit, la conversation s’était transformée en étonnement, ils avaient (d’ici) l’air halluciné par ce qu’ils commentaient sans se répondre les uns les autres et l’un d’eux se mit à courir dans la pente, disparaissant dans l’alignement des aubépines, puis arrivant sur le pont en criant distinctement. Le feu était une réalité. Le groupe de ceux qui n’avaient pas voulu descendre pour prêter main forte à cause de ce que le feu leur inspirait de terrible et d’absurde, s’immobilisa en un seul bloc qui pouvait appartenir à cette obscurité végétale. Les autres (un groupe marchant du même pas vers le feu, l’autre groupe s’éparpillant devant à cause des différences de rendement à la course) avançaient dans la demi-lumière de la tente qui avait l’air gigantesque maintenant qu’ils la voyaient de près. Le premier qui repéra la fenêtre en feu était un enfant en âge d’aimer comme un homme (témoignage du maire lui-même au lendemain de ce qui aurait pu être une tragédie (humaine, pléonasme du magistrat voisin) et (pire encore, disait un notable sans existence précise) une perte irréparable compte tenu de l’historicité du lieu (l’expression est d’un enseignant en mal d’amour) et de pierres. Un autre cria (enfin) au feu. Le chat, qui croyait à un cauchemar, griffait les draps en attendant qu’on le réveille. Jean revenait dans le couloir, l’esprit confus, le cœur blessé, tentant de concentrer toute sa mémoire sur une explication cohérente du personnage de Sweeney. Au passage, il ferma une fenêtre. Il les vit dans un chanfrein mais ne crut pas à cette vision. Le feu approchait, soulevant le vernis du plancher en cloques noires et éphémères. La tapisserie du couloir s’illuminera tout le long de la plinthe, jusqu’à la porte de l’Empereur, suivant cette courbe parabolique imposée par un refend inattendu. L’embrasure de la pente fumait. Le chat était mort ou il continuait de rêver à cette impossibilité de vivre dans ces conditions. Jean pensa à n’ouvrir aucune fenêtre. Qu’est-ce qui avait bien pu causer ce feu ? I1 vit le chat immobile dans les draps souillés d’autres cendres. Le plafond se cloquait autour des ornements dorés. Les rideaux, deux torches. Jean perçut l’éternité du feu. Il pouvait avancer d’un pas dans la chambre et même tendre le bras pour toucher le chat mort ou rêveur. Cette cendre de corps l’épouvanta mais il avança encore en direction du secrétaire où le manuscrit, immobilisé par un cristal de gypse qui imitait la flamme à merveille, s’entourait de cendres menaçantes qui voltigeaient vers la fenêtre et se mélangeaient aux rideaux en feu. Le voir n’était pas difficile. Imaginer ce qui lui passait par la tête en ce moment tragique n’était pas l’affaire de tout le monde. De là-haut, on voyait toute la scène. La mort existait. Les flammes léchaient le linteau de la fenêtre, illuminant les gargouilles sous la toiture. Spectacle infernal. On ne se parfait pas. Ceux qui étaient descendus au château étaient maintenant rassemblés devant le porche de l’entrée principale. La tente gênait cette vision, coupant l’escalier où le comte (père) organisait une réponse définitive au feu, pensant au créateur de ce feu, mais n’exprimant rien d’autre que sa capacité de réaction devant l’adversité et son ascendant encore vivace sur une population qui prétendait à haute voix ne rien attendre ni de lui ni de son passé. La citerne arriva sur ces entrefaites. Il y avait le feu dans la chambre de Jean.
- Jean, c’est le nain, n’est-ce pas ? Ce n’est pas la première fois.
- À quoi sert ce château s’il n’a plus aucun sens ?
- Vous voulez dire qu’il a déjà mis le feu au château ?
- Le feu, l’eau, les cris, les menaces, tout. Tout est arrivé maintenant.
- On ne s’étonne plus (ajoute quelqu’un pour donner un sens à cette conversation, au-dessus de la vigne et du verger).
- Il est dans la chambre. Cette fois il ne survivra pas.
- La veille du mariage ! La veille du mariage ! Quel feu ! (cette réplique est tout ce qui reste de l’étonnement jadis partagé par plus de trois mille âmes toutes rassemblées sur cette terre pour en comprendre la douleur et se préparer à en continuer le sens au-delà de cette vie qui n’est que l’imitation de ce qu’on peut s’imaginer si on a deux sous de curiosité respectivement à cette mémoire dont il est devenu si difficile de parler que maintenant les conversations tournent plutôt autour de l’idée qu’on a chacun de la notion qui profite aux uns parce que les autres le font exister par le vote qui est une espèce de demi-voix qu’on n’écoute que d’une oreille mais une fois passé l’âge de la raison on se rend compte qu’on a oublié de philosopher et que c’est tout le drame de la servilité). Oui. Oui. Oui. Le cristal est brûlant. Il s’y brûle les doigts. Mais c’est une fausse flamme. Le vrai feu est ailleurs. Ce ne sont que quelques pages arrachées à la réalité. Mais il y tient. Il y tient parce qu’il ne se souvient que du sens à donner à ce feu. Mais les mots, il les a oubliés. Il oublie toujours les mots. Il oublie même le mouvement, le pendule au-dessus du texte qui s’y retrouve. Tic, tac, tic, tac, pendule de l’or du temps, il n’y a plus de feu. Le chat est mort. La fenêtre fermée. L’air stagne. Voix. Couvrez-moi, dit-il calmement. Mais lta question reste de savoir qui a mis le feu.

Sous le chêne séculaire, minuit passé, il ne manquait que les trois ou quatre gars et les deux filles qui avaient de l’ouvrage pour toute la nuit au château où personne ne dormirait cette nuit, le feu éteint, peut-être, oui, éteint, même sous la cendre. Il y avait eu plus de peur que de mal, pensait-on. Et on avait raison. Il ne s’était presque rien passé. Sauf dans la tête de Jean qui en avait exagéré le récit. Le chat était mort, preuve de la virulence du feu. I1 montra la cendre des rideaux, les craquelures noires du plâtre, le drap centrifuge et le chat entortillé dans cette triste immobilité. Feu de paille. L’ampoule électrique du plafond avait explosé à cause d’un court-circuit derrière la plinthe que le feu avait parcouru d’un bout à l’autre mais heureusement en surface. Il pouvait éteindre maintenant que le feu n’existait plus que par ce qu’on en disait. Ce n’était rien. Juste un brasier comme il en arrive de temps en temps comme conséquence d’une négligence qui dans d’autres circonstances est le point de départ d’une tragédie mémorable. Regardez comme ils veulent se souvenir. Il avala le sirop contre la toux. C’est tout ce qu’ils veulent, se dit-il. Rien n’est important à leurs yeux que cette mémoire soumise aux lois de l’héritage. Ils veulent. Ça aurait pu être plus grave. On se mariera demain. Tout le monde est mort. Il parlait à Gisèle. Elle l’écoutait bien sûr. Elle ne disait rien non plus. Elle avait changé les draps, à cause du chat. Il aurait pu dormir dans une autre chambre, mais non : il ne s’était rien passé. Tout restait à dire maintenant. Il entra tout nu dans le lit. Cette impudeur le surprit lui-même. Il accepta le livre qu’elle lui donnait. Elle sortit. C’était tout pour aujourd’hui.

Conte extrait de mon roman Carabin Carabas dont le texte intégral sera proposé en téléchargement gratuit sur le site RALM.


 

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