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Article publié le 13 juillet 2012. oOo Les bouts de ficelle de ta poésie, ces pauvres liens qui ne se referment sur rien, n’enferment pas, ne retiennent que tes doigts dans les entrelacs de hasard que tes nœuds se plaisent à former. Tu gardes la trace des nœuds sur tes doigts. Je veux des liens larges comme des mains de marin, vastes comme des voilures, immenses comme la mer ou rien. La mer, cette nuit, tenait dans la paume de ma main. D’une seule traite,’ai bu l’horizon. Aussitôt, le monde s’est renversé. Intrusion grondante. Des îles se sont formées. Je suis né sur l’une d’elle. La maison n’est pas vide. Pleine de vie au contraire. Regardez ! La mousse des pailles, les pâmoisons, les palmes altières qui caressent les nuages, tout y est. Vie lente, désabusée, avec le regard pour tout compagnon, rendu myope par l’affairement de la distance, l’instante distance des affaires de ce monde. J’appareille pour un voyage sans freins. Impression à nouveau d’être seul au seuil de quelque chose. Partout où je vais, je sens des portes invisibles qui se déplacent avec moi. Pas de serrure, pas de poignée, des ouvertures à l’infini qu’il suffit de pousser pour être ailleurs. Creuser, mais dans le sens de la largeur, aboutit à creuser une galerie souterraine. La vie, ainsi, ne serait qu’un puits plus ou moins profond aux eaux plus ou moins pures au fond duquel nous nous employons à creuser à l’horizontale une galerie sèche. C’est peine perdue.
Ce voyage perpendiculaire a de quoi lasser le meilleur filon. Le puits, à coups de poings, je vais lui mettre les points sur les i, et gare à la margelle qui s’effrite. Pas envie de mourir noyé dans mes images. L’abîme ne m’attire pas, pas plus que l’écho qui remonte du fond du puits. Je laisse galeries et puits à ceux qui aiment forer. Le bleu du ciel ne m’apaise pas pour autant. Qu’on laisse à la terre grasse ses trésors enfouies. Ni or ni argent, ni eau ni pétrole. A l’air libre. Creuser dans le sens du large. Encore et en corps. C’est une ambiance, un message, un contexte historique, une situation géographique, une humeur, mais où est la musique dans tout cela ? Elle est comme vaporisée, mais dans chaque fine gouttelette, c’est encore un concentré d’ambiance, de message, d’histoire, de géographie et d’humeur qui parfume l’air de ta chanson. Des paroles virent en musique, des musiques tournent en bruit et le bruit retourne au vide, le vide à la vie de cette mort, c’est un cycle des métamorphoses qui se cherche dans un corps, le trouve, l’investit : métensomatose du son qui migre d’un corps à l’autre, engendre des postures et des prises de positions variées, si variées que du corps initial aux corps nouveaux une âme s’essaie à naître dans l’amour de la musique qui, dans le même temps, rassemble, désunit, partage ceux qui ne vibrent pas à l’unisson. Comme une musique qui toucherait la fréquence propre d’un corps et le détruirait. Certaines musiques, qui cherchent à faire table rase, en oublient de brûler la fable : c’est que cette dernière est indispensable à ceux et celles qui veulent faire ripaille. Mais pourquoi cet air si sombre ? La joyeuse fanfare n’est plus. Son tintamarre nous a passé. Les oreilles saignent. Les yeux pleurent. La musique lacrymogène n’a pas fini de chercher l’issue au grand air. Non nova, sed nove. La tradition vive. On peut l’aimer, l’ignorer ou l’enrichir. Texte, musique, ambiance, humeur, histoire et géographie, encore et encore. On n’en sort pas. Les ruptures dans la chaîne de la tradition, comme autant de maillons d’une chaîne invisible qui entraîne. Ruptures en séries. Une série d’abruptes ruptures, la route qui serpente en mon nom. Pensée vrillée, grillée, absoute, en apesanteur, tombée dans la hauteur, que sais-je encore ?
Un point fixe dans ma vie, mais non figé, et de plus en plus large, mais un point, c’est tout. Un point que j’emporte avec moi. Vu de près, on y voit des chemins, des sentes, des creux et des bosses. J’y chemine. Je me fais tout petit. Le vaste monde peut attendre. Il ne me manque pas.
Jean-Michel Guyot 2 juillet 2012 |
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