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A une exubérance
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 Article publié le 6 janvier 2013.

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C’était toujours les mêmes mots qui sortaient d’elle. Elle n’était plus ce buisson de roses sauvages qu’il avait naguère connu.

Quoi d’étonnant alors qu’il cherchât dans les musiques aimées à retrouver ce fouillis entêtant de feuilles et de fleurs, cette harmonie intacte de l’aubépine en fleurs et de l’églantier, du sureau et des viornes qui bordaient les rives des rivières de son pays ?

Il lui fallait laisser la vie aller à la vie, ne jamais l’enfermer dans un jardin trop sûr, tout en cultivant cet amour des enclos et des limites qui protègent de la malveillance, qui, faisant jalons et donnant repères, assurent à qui vivait dans sa proximité accueil et respect, salutation et amitié.

Ainsi pourrait fleurir à sa guise une parole trop longtemps contenue, librement consentie dans la paix des rives.

Il portait cette pensée jusque dans la sagesse ancestrale de son nom qui lui venait de cette langue où paix et liberté, protection et accueil signifiaient même chose.

*

A la rivière, je laisse volontiers le soin jaloux d’emporter le trop-plein de vie, d’arbres fourbus et de feuilles mortes qui encombrent ses rives.

Quoi qu’elle fasse, dans la plus complète innocence, qu’elle s’ébroue en hiver ou qu’elle coule tranquille en été, que sa crue arrache et dévaste ou qu’elle offre ses mortes encombrées de nénuphars jaunes ou ses courbes capricieuses à la vie fluviale dans toute sa diversité, toujours s’élève aux abords de ses eaux, le plein exercice de sa vie exubérante qui accroche le regard, emplit les narines et pousse le marcheur à longer ses bords pour se joindre à elle.

Il s’agit à présent, dans le souvenir vivant de la rivière automnale, de ne jamais manquer à ta parole, ma tendre amie, afin qu’elle fleurisse toujours, cette tienne parole, dans une attente et un désir qui t’écoutent comme dans un bruissement la rivière laisse le martin-pêcheur à son chant et se réjouit d’entendre dans ses parages jusqu’aux croassements aigus des corbeaux.

Les méandres de la rivière, et jusqu’aux barques pourries qui s’accrochent à ses rives mouvantes, la sauvagerie intacte des arbustes qui prospèrent à l’ombre des fiers aulnes et des saules argentés, tout cela qui ne prend sens vraiment qu’en ma présence quand elle se tient coite, voilà ce qui me donne à penser à toi quand mon silence t’appelle de mes vœux, toi qui es la parole-même, et la rivière et le ciel conjoints, et « ce je ne sais qui » qu’il n’appartient qu’à toi d’interroger sans relâche.

Encore cette pensée odorante n’est-elle toute entière qu’allusions légères aux odeurs puissantes et aux bruits sourds qui se donnent au même instant, lorsque, longeant la rivière, m’assaille cette pensée alluviale en attente de cette crue prochaine qui me viendra de toi en tous sens.

C’est que toi aussi tu es rivière exubérante en mal de chants, parole et écoute aux aguets, mais sans engins de mort ni pièges retors.

Nous voilà chasseurs désarmés qui ne chassent rien devant eux que le trop-plein d’eux-mêmes que la rivière, allègrement, emporte.

Le chant du monde se fait murmure odorant et caresse du vent.

Mais au faste du monde, je préfère tes bords et cette profondeur boueuse ou claire qui abrite tes saisons dans le reflet souriant du ciel épars.

La peur m’a quitté.

Dans un éblouissement qui laisse aux images le temps de s’épanouir la nuit venant.

Dans un serrement de mains, un serment, une éclipse de lune, la chaleur partagée d’un baiser gourmand.

Comme lézard au soleil, une chaude journée de printemps.

Jean-Michel Guyot

19 décembre 2012

 

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