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Le méridien
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 Article publié le 2 juin 2013.

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Le ressort d’une obsession cherché dans la pratique d’une recherche obsessionnelle.

Dissocier l’obsession de sa recherche est impossible : l’objet obsessionnel, c’est l’obsession.

Obsession de l’obsession, obsession mise au carré.

D’où vient alors la diversité des actes et des points de vue, la floraison sans fin apparente des poèmes et leur cohérence/convergence ?

Le Même produit du divers qui revient au Même.

L’autre de l’obsession serait sa matrice.

L’autre de l’obsession : ce qui la motive en sous-main, ce qu’elle s’ingénie à cacher, en tentant de le mettre à découvert une bonne fois, une fois ultime qui mettrait fin à son jeu, comme si l’obsession était ce jeu qui consiste à ne pas jouer le jeu.

Si l’obsession comme mouvement itératif et comme contenu formel - pratiques maniaques, idées fixes et rituels absurdes - se ramène à une cause inconnue, alors c’est toute la causalité qui est contaminée par ce déplacement des signifiants en vue de trouver un signifié ultime qu’est en son fond l’obsession.

La cause de l’obsession serait alors l’obsession de la cause.

La causalité non-obsessionnelle ne se trouve que là où l’autre - le signifiant qui en amène un autre à l’infini, marquant ainsi l’impossibilité qu’existe un signifié ultime comme unique base de la signification ( Sinngebung ) - est acceptée comme autre, accueillie comme telle et fêtée dans la poésie.

Le signifié ultime est bel et bien recherché à travers les signifiants interchangeables. Cette quête n’a de sens que si la signification comme horizon de sens se substitue à la sacralité d’un signifié ultime qui arrêterait la chaîne parlante, figerait le réel et changerait les hommes en statues de sel.

Ces derniers verraient ce que personne ne peut voir, ils verraient ce qui n’existe pas, faute de mots pour le dire et le dédire, fait basculer l’existence dans le malheur de la répétition stérile, hors langage, hors articulation.

Pure impossibilité qui a nom psychose.

Cet étrange étranger - cet alienus - n’est pas la cause de tes malheurs présents et passés. Il les éclaire seulement d’un jour nouveau, et ni lui ni toi n’avez le dernier mot.

L’imprévisible d’une parole donnée, d’une promesse, d’une annonce - toute chose que le poème manifeste comme sa raison d’être, son espace propre-impropre, son mouvement vers l’autre, daté et signé - tend vers ce paradoxe qu’est l’ultime qui se répète, passe de bouche en bouche et se commente indéfiniment.

En poésie, l’obsession est audible, elle glisse de stance en stance, elle dicte la conduite semi-aléatoire des mots et leur trajectoire : c’est le rythme qui domine, l’eurythmie qui décide, et non seulement l’euphonie.

Eurythmie et euphonie convergent dans un bonheur d’expression qui n’exclut nullement tension et disharmonie, rudesse et ton cassant.

Tout entier oxymore, le poème : le parfait allié de son adversaire, le monde qui va !

Celan le dit fortement dans Le Méridien : le poème absolu n’existe pas, ne peut exister. Les livres religieux tendent à l’unicité absolue, pas le poème.

Les livres religieux ne tolèrent aucun autre livre complémentaire ou concurrent, tout en appelant un nombre sans cesse croissant de commentaires et d’exégèses qui trouvent leur place dans de nouveaux livres.

Ils témoignent donc aussi, à leur manière, bien que ceux qui y fondent leur croyance en aient, de l’impossible parole ultime.

Impossibilité très proche de l’obsession et qui peut-être en fonde la possibilité.

Le poème, lui, fait le pari sans calcul d’une parole infiniment ouverte sur la parole, parole sans réserve qui s’offre à autrui, non pour le transir et le réduire au silence, mais pour l’inviter à sortir de sa réserve.

Il cumule tous les paradoxes rencontrés dans l’existence non servile : il est unique et imprévisible, multiple et divers, il fleurit sous toutes les latitudes.

Il est le méridien.

Jean-Michel Guyot

3 mars 2013

 

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