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Mon grand frère ce petit caïd
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 Article publié le 15 septembre 2013.

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Un jour,dans mon lycée d’une ville très défavorisée de la région parisienne, je m’ennuyais tellement en coursde géographiequej’ai commencé à dessiner au marqueurun graffiti sur ma table et j’ai écrit « Les profs sont des enfoirésd’esclavagistes ». J’ai tout de suite pris le goût à faire ça parce que j’étais fort en dessin. Ensuite, j’ai pris l’habitude detoujours m’assoirtout au fond de la classe, près du radiateur et des autres cancrespour que les professeurs ne me voientpas graffer le mobiliertout neuf.Au début, je tagguais beaucoup le tag « MAT  », c’est le diminutif de mon prénomMatéo, mais j’ai vite voulu changer de blaze parce que le directeur du lycée et les professeursallaient sans doutes se poser la question si c’était moi qui vandalisait le lycée tout pourri. Il ne fallait pas se fier aux apparences, ils n’étaient pas si stupides qu’ils pouvaient en avoir l’air.

Comme à l’époque, mes potes m’appelaient « le timide » parce que je n’osais jamais draguer les belles meufs qui me plaisaient,je me suis inspiré de ce surnom et j’ai rapidement trouvé mon blaze de graffeur, c’était « TIMYDE 2 LUXE » que j’allais tagguer partout comme un gros vandale. J’étais un adoassez réservé. Quand je montrais aux élèves de ma classe que j’avais le courage faire des tags trop stylés cela m’a aidé à me faire plus de potes. Ils venaient me complimenter de pouvoir réaliser autant de graffitis dans ce lycée. Ils trouvaient cela très courageux de tagguer. Cela me faisait plaisir de les voir m’admirer parce que je m’étais beaucoup dévalorisé à force d’entendre les professeurs me dire que je n’étais qu’un incapableet qu’une larve. Inconsciemment, jeréclamais de l’attention. Plus j’allais tagguer plus j’allais devenir intéressant aux yeux de mes nouveaux copains de bahut.

Un matin, notre prof de français nous a présenté notre nouvel élève de classe. Il s’appelait Nicolas, c’était un rouquinhyper musclé avec une balafre sur la joue comme Tony Montana et Al Capone. Il nous regardait méchammentpour nous impressionner. Comme ça on ne l’embêtera pas.En le voyant on a tout de suite su que ce n’était pas une victime potentielle. C’était plutôt le genre de mec qui se bastonnait tout le temps.

Il portait un tee-shirt avec un beau graffiti dessiné dessus. Il est venu s’assoir à côté de moi. J’en ai profité pour lui demander où il avait trouvé cet habit. Il me dit très fièrement que c’était lui qui avait fait le tag qui était dessus, avec des feutres volés.Et il rajouta qu’il représentaitson blazeaussi bien dans la rue que sur ses vêtements de style hip hop.J’ai été agréablement surpris quand j’ai entendu cela, j’avais devant moi un graffeur qui semblait être très créatif et talentueux. Et sur son tee-shirt, était écrit « LEGALYZ ».Ce tag de couleurs des rastas, vert, jaune et rouge flamboyant était superbe. Je m’exclamai sans plus tarder :Je parie que tu taggues ce blaze parce que tu veux que le cannabis soit enfin légalisé en France ! Si c’est pour cette raison,ça prouve que t’as une véritable conscience politique et t’es un artiste vachement engagé !

Il me dit qu’il rêverait que cela se produise comme cela il fumera des gros joints decannabisavecdes gendarmes sympas et le Maire de la ville. J’airicané et je lui ai dis que je débutais dans le graffiti et je lui ai montré le tag que j’avais rapidement fait sur ma table, avant qu’il rentre dans la classe. Je lui ai demandé ce qu’il pensait de ce travail. Il le regarda avec un peu de dédain et il me répondit que j’avais encore beaucoup deprogrès à faire mais qu’il trouvait cela très original et marrant de tagguer « TIMYDE 2 LUXE ». Il me proposa de m’apprendreà faire des beaux graffitis. A partir de ce moment là, il me donna des cours de tag pendant les cours relousdulycée.

 J’étais tellement enthousiaste de me perfectionner dans cet art de rue,que durant cette période je n’arrivais plus en retard en cours. Le matin j’étais tellement pressé d’arriver au bahutque je ne prenais même plus le temps de me brosser les dents, j’y fonçais directement. J’avais une très mauvaise haleine et mes potes sentaient que je me négligeais. Quand mes parents ont vu que je me réveillais tôt pour aller au lycée, ils ont cru que j’allais devenir un bon élève. Mais ils ont vite désenchanté quand ils ont vu plus tard mes notes nulles. Plus je m’améliorais en graffiti plus ma moyenne scolaire baissait.Mais cela n’avait pas d’importance pour moi, je voulais juste devenir un taggueur talentueux.

Un jour après les cours, Nicolas me dit que comme j’étais devenu enfin un bon graffeur, on pouvait maintenant aller voler des bombes de peintures dans un magasin de bricolage et après tagguer dans les rues sales de la ville. J’avais un peu peur de me faire attraper par les flics mais je ne voulais pas le montrer alors j’ai tout de suite accepté et je l’ai suivi jusqu’au magasin.

Arrivés à la boutique cela a étéfinalement très facile devolerpleins debombes aérosols. Nous les avons mis discrètement dans nos sacsà dos et nous nous sommes dirigés vers la sortie. La caissière nous a regardé bizarrement quand elle a vu qu’on partait sans acheter d’articles. Alors Nicolas lui ditd’une voix suave : Vous êtes très charmante mademoiselle ! Franchement, vos yeux bleus azurs sont magnifiques. Et votre coiffure vous va à ravir ! Si je vous regarde trop, je crois que je vais tomber amoureux de vous.Je dois vous avouer que vous êtes trop bonne et que je vous kiffe !

Elle rougit au point de devenir rougecomme une tomate et lui remercia du gentil compliment. Grâce à ce mensongeon sortit facilement. En vérité la caissière était d’une laideur assez remarquable.

Ensuite on est partit au supermarché pour acheter seize bières qu’on a bu rapidement.Une fois qu’on était bien alcoolisés, on rota chacun l’un après l’autre pour rire et on est ensuite partis tagguer avec nos bombes de peinture, sur les murs de la ville.L’alcool qu’on avait bu nous donnait le courage de faire des choses complètement insouciantes. On a graffé un grand mur qui était en face du commissariat, on y a écrit nos blazes de taggueurs et quelques inavouables injures contre les forces de l’ordre.Une vieille dame nous a vu, elle nous cria dessuscomme une folle furieuse et elle est partiecafteraux policiers qu’on tagguait.Etant inquiet, j’ai crié à mon complice qu’il fallait qu’on parte avant qu’ilsdéboulent.Nicolas me dit pour plaisanter : T’inquiètes ! Les keufs vont mettre du temps avant de sortir du commissariat parce que cette heure-ci ils sont en train de prendre l’apéro !Ils boivent autant que nous !!

J’étais hilare quand je l’ai entendu dire cela. Après avoir bien ricané nous sommes partis en titubant comme des alcooliques.

Quand policiers sont sortis, on était déjà enfuit loin.Ils avaient vraiment l’air furieux de voir nos tags. Cette petite aventure risquée m’a donné beaucoup d’adrénaline et de plaisir alors j’ai commencé à comprendre que le tag allait être une occupation très importante pour moi. De plus en faisant ces tags, j’ai eu l’impression d’être un grand gangster comme ceux que l’on voit dans les filmscain-ris. Je voulais être un marginal pour ne pas ressembler au français moyen qui était trop honnête à mes yeux. A l’époque, je ne voulais pas suivre le model de mes parents.

Quatre heures plus tard, après avoir utilisé toutes nos bombes de peinture en tagguant, nous rentrâmes chacun de notre côté,chez nous. Une fois à la maison, mes parents me crièrent dessus. Ils étaient furieux parce qu’ils n’ont pas su où j’étais jusqu’au soir et cela les a inquiétés. Je ne leurs ai parlé que très peu parce qu’ils allaient se rendre compte que mon haleine sentait vachement l’alcool. Je suis allé directement dans ma chambre, je me suis couchéet je me suis endormis parce qu’étais très fatigué. Durant mon sommeil, j’ai rêvé que je tagguais sur la toile de La Joconde devant tous les visiteurs du Musée du Louvre. Ils étaientcomplètement scandalisés de me voir vandaliser cettesublime œuvre. Cela m’a donné la sensation d’être l’homme le plus fort et le plus talentueux du monde.

Le lendemain matin, avant d’aller en cours, je pris mon appareil photo numérique que ma grand-mère m’a gentiment offert et je suis retourné sur les lieux où mon ami et moi avions fait des graffitis. J’ai photographié tous nos beaux tags. Une fois que j’ai terminé cette longue tâche fastidieuse, je suis allé au lycéeet évidement je suis arrivé en retard. Mon professeur de sciences était énervé de me voir venir qu’à la fin de son cours. Quand je me suis assis à côté de mon pote Nicolas, je me suis empressé de lui montrer sur le petit écran de mon appareil photo, les clichés que je venais d’avoir pris dans la ville. Il était ravi de les voir et les commenta une par une.Notre prof l’entendait chuchoter alors il s’est approché de nous et a vu que j’essayais de vite cacher mon appareil photosous ma table. Il me le confisqua et regarda sur le petit écran un des clichés que j’avais pris. Il était surpris de voir mon graffiti et il s’écria :J’ai déjà vu cettehiéroglyphe moche quelque part mais je ne sais plus où. Ce doit être une racaille qui a du la faire dans notre superbe ville ! Le saligaud ! Le tag c’est de la délinquance !Je pense que ce taggueurforcené mérite d’aller en prison !

J’ai posé rapidement mon cahier sur mon tag que j’avais fais sur ma table pour qu’il ne se doute pas que l’auteur de ce graffiti était moi-même. Après avoir continué à nous sermonner en nous disant que cela ne l’étonnait que des ignares comme nous s’intéressaient à ces stupidités, il finit par merendre mon appareil photo.J’ai eu de la chance, qu’il ne me l’ait pas confisqué.

Les jours suivants, nous continuâmes à beaucoup s’alcooliser, à tagguer les ruessales et même les trains de banlieues. C’était très amusant et excitant pour nous. C’est durant cette période d’insouciance que j’ai fumé pour la première fois un joint de haschich avec Nicolas. Mais heureusement, je n’ai pas tellement aimé cela sinon j’aurais eu une nouvelle addiction. Donc je fumais que quand il n’y avait plus d’alcool à boire et que je voulais vraiment être dans un état second.

Quand nous avions besoin d’avoir d’argent pour s’acheter des belles baskets Air Max ou Reebok, nous allions dans le seizième arrondissement de Paris, le coin le plus chic de la capitale. Là bas, nous volionsde l’argentà des jeunes bourgeois. Cela ne nous dérangeait pas de les frapper s’ils ne voulaient pas nous donner leurs thunes parce que nous méprisions ces enfants de riches.Nous les jalousions, nous trouvions cela vraiment injuste qu’ils aient autant d’argent pendant que certains de nos potes de notre ville défavorisée n’avaient pas de quoi se payer un sandwich grec frites.

Et puis jour à midi, nous partîmes à la cantine, parce qu’on avait la dalle. A table, Nicolas et moi avons parlé de nos graffitis. Hakim, un collégien plus jeune que nous, est venu s’assoir à côté de nous. Je le connaissais bien parceque depuis mon enfance j’allais acheter des aliments dans l’épicerie de ses parents. Il y’a quelques années, quand il n’allait pas école, les jours fériés, il restait avec eux dans cette petite superette. Je l’ai vu grandir, il a été bien éduqué et il est vite devenu un brillant élève.Ses notes scolaires étaient excellentes, tout le contraire des miennes.

Il nous dit qu’il attendu dire par d’autres lycéens que nous étions des grostaggueurs. Et il rajouta qu’il voulait apprendre à graffer avec nous.Nous étions surpris de voir ce gamin, un vrai enfant model, vouloir devenir un voyou alors nous n’avons pas pu nous empêcher de ricaner. Ce ne lui a pas fait plaisir que l’on réagisse ainsi et pour nous prouver qu’il avait assez de talent pour devenir un graffeur, il nous a montré des dessins qu’il avait fais sur son cahier. Son travail été superbe. Il dessinait vachement bien. Mais je refusai quand même de l’aider à devenir un taggueur parce qu’il était un bon élève et je ne voulais pas qu’il gâche ses études en voulant devenir comme nous, des vandales devenus presque alcooliques avec le temps.

De plus je savais qu’il risquerait de se faire attraper par les flics et que ses parents seraient obligés de payer une forte amende, parce que le graffiti est évidement condamné par la loi. Ils avaient des revenus modestes, déjà qu’ils luttaient au travail chaque mois pour payer leur loyer, je ne voulais pas qu’ils se ruinent à cause des graffitis de leur fils.

Nicolas n’était pas de mon avis et il lui dit : J’acceptede te donner des cours de graff.T’as du talent en dessin ! Je pense que tu vas vite apprendre mec ! Jete donnerendez-vous dès demain sur le terrain vague derrière la station service pour faire destags avec moi.Je ramènerai mes bombes de peinture, n’en achète pas. Moi j’en ai des gratuites puisque je les pique au magasin de bricolage.

Je lui disavec insistance que je ne viendrai pas parce quene voulait pas cautionner cette mauvaise influence sur le petit Hakim. Le jour suivant, ils se retrouvèrent pour tagguer comme ils l’avaient prévu.C’est à ce moment là que l’élèvea décidé de graffer « LYA$ » partout autour de lui.Cette expérience a créé un grand lien d’amitié entre ces deux adolescents à la dérive.A partir de ce moment là, ils sont devenus inséparables, ils allaient de plus en plus souvent tagguer ensemble. C’est avec lui que Hakim a fumé son premier joint de haschisch. Il considérait Nicolas comme son grand frère. J’avoue que j’ai été jaloux de voir qu’il m’avait un peu volé mon meilleur pote.A cause de cela je suis devenu froid avec lui et je ne le parlais plus tellement. Mais j’aurais dû continuer de lui faire la morale pour qu’il ne détruise pas ses chances de devenir plus tard un homme qui a réussifinancièrement grâce aux bonnes études. S’il n’avait pas rencontré Nicolas, il aurait peut-être pu plus tard devenir unPrix Nobel. Au lieu cela, je le voyais filer du mauvais coton, il fumait du haschich tout le temps, buvait de la bière et tagguait. Entré dans cette mauvaise spirale, il n’était plus enclin à étudier sérieusement. Les profs ont été très déçus de le voir devenir un cancre alors qu’il était au début de l’année le meilleurélèvede la classe. Au lieu de tenter de l’aider, en le raisonnant, ils l’ont laissé roupiller au fond la classe.

Un jour où il faisait chaud, je suis parti dans l’épicerie des parents de Hakim,m’acheterunebière bien fraîchepour de me déshydrater. Sa mère m’a demandé d’essayer de dire à son fils de travailler au lycée. Elle se plaignait de ne plus avoir d’autorité sur lui. Il insultait son père et elle, dès qu’ils lui disaient d’étudier. elleaeu des larmes aux yeux quand elle a parlé de leur enfant unique. Devant son désarroi, je l’ai promis d’aller plus tard voir Hakim.

Le lendemain, j’ai tenu ma promesse, je suis allé voir son fils chez lui. Il habitait avec sa famille dans la cité la plus misérable du département. Quand je voyais l’état de leur immeuble, je me disais que c’était inhumain de ne pas les reloger dans un autre endroit.Parce que c’était vraimentun bâtiment insalubre. Quand j’ai débarqué dans son appartement, il avait l’air d’être content de me voir mais très vite, il s’est un peu énervé et a froncé les sourcils quand il s’est rendu compte que je venais pour lui faire la morale. Je lui ai dit qu’il faillait qu’il arrête de tagguer et de boire comme un ivrogne sinon il allait devenir aussi infréquentable que moi. Je rajoutai que ses parents l’aimaient, qu’il devait les respecter et qu’ils voulaient qu’il réussisse dans ses études pour avoir plus tard une situation meilleure que la leur. Il me rétorqua : Occupe-toi de tes seufs ! Ce n’est pas toi le sale voleur qui va m’apprendre les bonnes manières ! Quand t’étais gamin, tu volais des bonbons dans notre épicerie. Ma mèrete voyait faire cela mais elle ne caftait pasà tes parents parce que sinonils t’auraient donnélafessée ! Bouffon !

Je rougis de honte mais je lui répondis tout de même que je ne voulais pas qu’il m’imite parce que je n’étais pas un bon model à suivre. Je lui expliquai que j’aurais voulu avoir son intelligence et sa hargne pour percer dans les études comme il le faisait avant. Je lui assurai que je n’étais pas fier de moi.Je lui ai confié que je savais que mon avenir serait sombre et qu’il m’arrivait d’avoir des envies de suicide.

Enervé, il me regarda dans les yeux, et hurla comme un fou : Depuis que je porte une casquette et que je fais des conneries,j’aiplein deamis au lycée ! Avant personne ne s’intéressait à moi ! J’étais l’intellectueltrop ennuyeux ! Je souffrais de solitude !Et de toutes manières, réussir les études ne me permettraient pas de trouver un bon travail puisque que je subirais des discriminations à l’embauche à cause de mes origines arabes ! Ici il y’a trop de racistes ! De toutes façons les grands frères de ma cité vont m’apprendre à faire des braquages ! Je veux devenir un braqueur de banque pour devenirrapidement riche ! Plus tard, je me verrais bien sur une plage, en train de fumer un gros cigare ! Je ne serrais jamais derrière une caissed’unemisérable épicerie !Je ne veux pas trimer comme mes parents !

Ensuite, il me poussa violement. Je suis tombé au sol. Il me menaça de me frappersi je ne sortais pas de chez lui. J’aurais pu lui casser toutes ses dents mais comme je n’ai pas voulu le faire du mal, je suis parti. Son affront contre moi m’a écœuré, j’ai perçue cela comme de la traitrise. J’ai décidé de ne plus jamais lui parler. C’était la fin d’une amitié.A cause de cela, j’étais enragé et pour calmer mes nerfs, je suis allé au métro, pour tagguer avec mon marqueur rempli d’encre Corio.

Le lendemain, au lycée, je racontai à Nicolas ce qui s’est passé entre Hakim et moi. Il me dit que c’était inutile d’essayer en vain de l’aider parce qu’il aimait trop faire des graffs pour arrêter d’en faire et qu’il était talentueux dans ce domaine.Agacé, je lui ai crié aux oreilles que si il continuait àfaire des bêtises avec lui j’arrêterais d’être son ami. Il semblait être surpris par ma réaction et il me regarda fixement avec ses yeux devenus rouges à cause haschisch, pendant quelques secondes puis il me dit qu’il préférait ne plus être mon ami mais continuer de vandaliser la ville avec Hakim, parce que ce dernier était meilleur graffeur que moi. Quand j’ai entendu cela j’étais attristé par le choix qu’il avait pris machinalement mais comme j’étais fidèle à moi-même, à mes convictions, j’ai acceptéqu’on ne se parle plus. A partir de ce moment-là, j’allais graffer en solitaire.C’était mieux ainsi, ilvalait mieux être seul que mal accompagné.

Les jours passèrent, et un jour en cours d’espagnole, Nicolas est venu vers moi pour me dire que Hakim s’est fait attraper par les flics, pour ses tags.Ils étaient venus le chercher, en cours d’anglais, pour l’emmener au poste de police. Il me proposa de l’attendredevant le commissariat pour savoir comment s’est passé sa garde à vue.Comme j’avais des rancunes féroces contre eux, j’ai refusé d’y aller avec lui. Vexé, il n’insista pas pour que je le suive. Les jours suivants, jel’ai plus revu au lycée tout comme Hakim d’ailleurs.

Puis un jour, il est revenuen cours d’anglais, Il portait sa nouvelle casquette en classe, alors que c’était interdit de faire cela.La professeure lui a demandé assez sévèrement de la retirer. Furieux, Nicolas se leva brusquement, s’avança devant l’enseignante et hurla :Laisse-moi tranquillesale bâtarde de ta race ! C’est à cause de toi que mon amiHakim s’est fait attraper ! T’as cafté aux keufs qu’il tagguait ! Je vais l’enlever ma casquette mais pour te frapper !

Il retira sa casquette et lui donna un violent coup de tête. La professeure tomba au sol. Après cet épisode, Nicolas se fit renvoyé définitivement du lycée. Cet évènement m’a fait réfléchir et j’ai enfin pris la sage décision d’arrêter de graffer. Cet art nous a causé trop de problèmes à mes anciens amis et moi. J’ai donc troqué mes bombes aérosols et mon marqueur contre des pinceaux et des tubes de gouaches. J’ai commencé à faire de la peinture, je peignais des paysageset des portraits. Comme cela je pouvais continuer à être créatif sans risquer de me faire attraper par les flics. Par contre,je buvais toujours autant. Je noyais ma souffrance dans l’alcool. Quand j’étais ivre j’oubliaispendant quelques temps mes soucis. Et à ce moment là, j’avais de quoi gamberger.En effet, j’avais de plus en plus envie d’avoir une copine. Mais je devenais de plus en plus timide. C’était quasiment impossible pour moi de draguer des meufs. Pourtant, j’aurais pu y arriver, vu que je n’étais pas laid. Mes parents me complimentaient pour ma beauté. J’étais envieux quand je voyais d’autres garçons enchainaient les relations amoureuses.

Et pour couronner le tout, mes professeurs voulaient que je quitte le lycée. Ils me montraient bien que j’étais la brebis galeuse de la classe. Ces sadiques disaient que j’étais un ignare devant tous mes camarades. C’était vachement humiliant et cela me rendait encore plus mal dans ma peau. Quand j’haussais le ton pour me défendre, je me faisais rapidement virer des cours et pour me punir ils me donnaient des heures de colles. La conseillère d’orientationessayait de me diriger dans unmauvais lycée professionnel, pour passer un CAP de menuiserie.A mes yeux de miel, cette formation était une vraie voie de garage. Alors je refusais catégoriquement d’y aller. Je ne voulais pas m’investir dans un projet professionnel voué à l’échec. Cela m’aurait harassé. Je ne savais pas quoi faire plus tard.Je me sentais incapable de travailler dans aucun domaine.

A la fin de l’année scolaire, mon professeur de français convoqua mes parents pour leur dire que cela ne servirait à rien de me réinscrire au lycée et que même si je redoublais, je raterais mes études. Par sa force de persuasion, ils l’ont cru et ont accepté de suivre ses conseils malveillants.Cet hommeexécrable a toujours voulu que je quitte le lycée donc je l’ai toujours détesté.A partir, de ce moment là, je ne suis plus allé en cours.Au début, j’étais content de ne plus y aller. Mais mes parents ont commencé à s’énerver contre moi parce que je fainéantisais pendant toutes mes journées.Ils me criaient que je devais trouver un travail comme eux ils l’ont fais à mon âge. Moi je m’enfermais dans ma chambre et je peignais mes toiles pour me changer les idées.

Un soir, je suis allé à l’épicerie des parents de mon ancien ami, pour acheter unebouteille de whisky. Là bas, j’ai vu Hakim qui travaillait tout seul.Etonné de le voir tenir la caisse, je lui demandé pourquoi il faisait cela. Il me répondit qu’il faisait cela pour que ses parents lui pardonnent de s’être fait attraper par les flics. Je lui ai demandé s’il a été sévèrement puni pour ses tags. Il me dit : Ouaismec ! J’ai eu une grosse amende de dix mille euros pour avoir fait graffitis sur les trains. Dans ma famille tout le monde voulait cotiser pour pouvoir la payer. Mais j’ai refusé qu’ils fassent cela. Ce n’est pas une solution, ils ont déjà du mal à payer le loyer. Ils ne connaissent que la misère ! C’est moi le fautif donc je dois rembourser tout seul mes dettes !Pour avoir de quoi payer, je suis prêt à braquer tous les commerçants de la ville.

J’étais surpris par la somme exorbitante qu’il devait payer. Je trouvais cela injuste que les taggueurs soient autant réprimés par la Justice Française alors que beaucoupde politiciens volaient les caisses de l’Etat sans jamais risquer de faire de la détention. Révolté par ce système, je n’ai même pas essayé de dissuader Hakim faire des braquages. Je pensais que si j’étais dans sa situation critique, j’aurais sans doute réagis comme lui.Je comprenais pourquoi il devenait dingue, prêt à faire n’importe quoi pour trouver rapidement du cash flow. Donc comme c’était impossible pour moi de lui faire la morale, j’ai payé mabouteille de whiskyet je suis retourné chez moi.

Quand je suis arrivé à mon appartement, j’ai vu que mes parents étaient au salon, bizarrement ils n’avaient pas allumé la télévision comme d’habitude quandils rentraient dutravail. Ils avaient l’air tous les deux attristés. Ma mère me dit : J’ai eu aujourd’hui la journée la plus horrible de ma vie. Je viens de me faire virer comme une malpropre après avoir trimer pendant des années pour cette entreprise !Mon directeur a fait de nombreux licenciements économiques.Qu’est-ce que je vais devenir maintenant ?! Qui voudra m’employer à mon âge avancée ?!Mon fils, promets-moi que tu vas tout faire pour trouver rapidement un emploi ! Je veux que t’ai un salaire pour nous aider à payer le loyer sinon les huissiers vont nous mettre à la rue !

Puis elle me prit dans ses bras et pleura de toutes les larmes de son corps. J’étais très peiné de la voir dans cet état. Je lui jurai que j’allais trouver vite un job pour leur donner de l’argent. Ensuite pour ne qu’ils me voient pas pleurer, je suis allé m’enfermer dans ma chambreoù j’ai buune gorgée de whisky. Et soudainement j’ai culpabiliséparce que je buvais trop.J’ai donc pris une nouvelle résolution, celle de neboire qu’occasionnellement comme le français moyen.C’était une sage décision parce que je n’aurais pas pu travailler sérieusement si j’étais ivre tout le temps. Etant déterminé à ne pas me laisser détruire par ce poison. C’est à partir de ce moment là que j’ai commencé à sortir de ma dépendance à l’alcool. J’ai jeté ma petite bouteille par la fenêtre.Comme elle est tombée que du premier étage et qu’elle a atterrie sur du gazon, la bouteille ne s’est pas cassée. J’ai entendu un mec crier de joie :C’est vraiment génial ! Grâce l’idiot qui gaspille une teille’de whisky en la jetant par sa fenêtre, je vais la boire gratuitement !

Cela ne m’a fait pas plaisir d’avoir été traité d’idiot mais ce n’était pas très grave, j’avais d’autres soucis plus graves. En effet,j’ai pensécomment ma mère avait pleuré devant moi et ensuite je me suis effondré en larmes.

Les jours suivants, j’ai débuté ma recherche d’emplois. Je voulais travailler dans un magasin. Avec mon ordinateur, j’ai fait un CV, sur lequel j’ai rajouté des expériences professionnellesque je n’avais jamais eues. Je l’ai imprimé à pleins d’exemplaires et je suis allé les déposerdans toutes les superettes de ma ville.

Un directeur sympa a accepté de me donner ma chance et m’engagea comme employé polyvalent.C’était un métier ingrat, je faisais la mise en rayon, je devaisentretenir le magasin et aller chez les clients pour leur livrer leurs grosses courses. Ce travail laborieux me faisait beaucoup transpirer. Au lieu d’aller au sauna, les riches devraient travailler un peu dans les superettes.

A la fin des journées de dur labeur, j’étais fatigué mais j’étais content d’avoir trouvé facilement un job.Je m’investissaisà fond dans mon travail afin que mon directeur ne me licencie pas.Avec une partie du pognon que je gagnais à la sueur de mon front, je payais le loyer tous les mois comme cela pouvions toujours habiter dans notre appartement. Comme j’aidais mes parents ma relation avec euxs’est améliorée. Nous avions moins de conflits qu’auparavant. Ils étaient fiers de voir que j’étais devenu un travailleur respectable et courageux.Quand je voulais leur faire plaisir, je leurs préparais leur plat français préféré, le bœuf bourguignon. Nous adorions le déguster en buvant une bonne bouteillede vin rouge et en regardant la télévision.

Tout allait pour le mieux. Mes collègues de travail étaient sympas avec moi. Je m’entendais très bien avec Ndongo, l’agent de sécurité. C’était un garsafricain qui était venu en France pour fuir la misère de son pays. Tous les mois, il envoyait une partie de son salaire à sa femme restée au bled. Il espérait elle puisse vivre ici.Un jour, il m’a dit : Le directeur est énervé contre moi parce qu’il pense que je ne suis pas assez sévère avec les voleurs. Il voudrait que je les frappe pour les dissuader de voler dans le magasin.Donc dorénavant, c’est ce que je vais faire. Si je veux garder mon job, je suis obligé de faire cela. En vérité, je n’aime pas la brutalité. La philosophie de non-violence des bouddhistes m’intéresse. C’est un ami chinois qui m’a conseillé de suivre cet enseignement. Je lis des bouquins sur le bouddhisme. T’en as déjà lu ?

Je l’ai répondu que non mais que cette religion m’a toujours attiré. Il me donna une liste de livres sur le bouddhisme. Je les ai achetés en librairies et ensuite j’ai commencé à les lire. C’étaient des lectures très intéressantes. Quand je ne comprenais pas certains mots compliqués, je lisais leurs définitions dans mon vieux dico.J’ai fais de gros progrès en orthographe. Je me cultivais sans l’aidedeprofesseurs. Et surtout je devenais moins agressif en suivant les enseignements du bouddhisme.

Un jour, au travail, alors que mettait des boîtes de cornichons dans un rayon, j’ai entendu soudainement la voix de Hakim derrière moi : Fais ce que je t’ordonne sinon il va y avoir un bain de sang !Donc donne-moi tout l’argent des caisses où je te tue avec mon pistolet !Je suis un gangsta prêt à tout pour prendre des thunes !

Dès que je me suis retourné et que j’ai vu la corpulence du jeune cagoulé qui braquait la caissière tétanisée, je l’ai tout de suite reconnu. C’était bel et bien mon ancien ami, Hakim. Il ne m’avait pas aperçu.Comme la peur m’a envahit, j’ai reculé brusquement et j’ai fais tomber plusieurs boîtes de cornichons au sol. En se brisant, elles ont fait un bruit magistral.Hakim m’a aperçu, il semblait tellement surpris de me voir ici qu’il me fixa du regard pendant quelques secondes,elles me semblaient être des heuresinterminables de supplice. Ce court moment, à suffit à Ndongo de venir derrière lui pour le frapper violement sur son dos. Mon ancien ami tomba au sol et il tira avec son pistolet sur la tête l’agent de sécurité. Ce dernier s’écroula et mourra sur le coup.Les clients et la caissière ont suppliés l’assassin de ne leurs pas faire du mal.J’ai hurlé de rage : Hakim pourquoi t’as commis l’irréparable ?! T’es devenu un monstre, je ne te reconnais plus !!Avant je t’estimais et aujourd’hui je te déteste !!

Il me regarda et s’écria : Je te jure que je ne voulais pas en arriver là !! C’est atroce je ne pourrais plus me regarder devant une glace !!J’ai les mains sales !! Je ne suis pas fier de ce que je suis devenu !! Comment j’ai pu devenir un assassin ?!

Et il s’est empressé de sortir du magasin, sans prendre l’argent. Ensuite, il s’est enfuit sur un scooter conduit par son complice cagoulé.Des flics qui patrouillaient là en voiture, les ont vus s’enfuir donc ils les poursuivirent. Les fuyards ont roulé à vive allure et le conducteur a tourné brusquementpour essayer d’éviter une voiture.Le scooter a glissé et ils sont tombés sur le bitume.Ils ont plus de peur que de mal, ils étaient indemnes. Les keufssont sortis de leur voiture, ils avaient leur arme dirigés sur les fuyards.

Hakim cria :On se rend tout de suite !! Ne nous tirez pas dessus comme du gibier, je vous en supplie !!

Les flics se sont précipités sur eux pour les maitriser et les menotter. Ils les ont rapidement emmenés au commissariat.

L’affaire a beaucoup été médiatisée. L’ensemble des français voulaient que les criminels soient sévèrement punis.Plus tard au tribunal, la juge n’a pas été clémente avec les accusés, elle les a condamnés à de lourdes peines d’emprisonnements. Pour que cela serve d’exemple et cela permettrait de dissuader lesjeunes qui voudraient faire des braquages. Je travaillais toujours avec dans la superette quand ils sont rentrés enétablissement pénitentiaire pour mineurs.

 

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