Ce texte, Un Diptyque, est une matière vivante, une effervescence verbale qui se dérobe au lecteur autant qu’elle le happe. Il y a quelque chose d’un jeu d’équilibriste entre l’absurde et le poétique, un vertige où le langage semble s’effondrer sur lui-même pour mieux se recomposer. Le récit s’étire comme un élastique tendu entre le concret et le flottement onirique. On s’y enfonce comme dans une piscine de sensations et d’images, porté par une syntaxe qui tantôt éclabousse, tantôt engloutit.

L’urgence du pli n’est pas tant dans la missive que dans l’acte même d’écrire et de lire – une quête fébrile d’un sens qui glisse entre les doigts, insaisissable, comme ce plongeon final qui suspend le texte dans un éclat d’eau et de nuit. Les personnages deviennent des silhouettes évaporées, des spectres traversés par la lumière crue des phares et des projecteurs, baignant dans des reflets de porto et d’émeraudes “bidon”. Il y a une jubilation dans le télescopage des images, une musicalité née du désordre apparent, une mélodie de dissonances où chaque mot semble vouloir éclater en mille éclats de sens.

Et puis, il y a cette seconde partie, Je me fais chahuter, qui vient briser l’illusion d’une cohérence classique. Elle donne au texte une mise en abyme délicieusement ironique : l’auteur est pris au piège de sa propre création, moqué pour ce que son récit ne donne pas à voir clairement, lui-même emporté dans les mailles de son texte comme un poisson piégé dans un filet lexical. Mais c’est là que réside tout le vertige : et si le “pli urgent” n’était que ce pur mouvement de la langue qui se déploie, se replie, se défait ? Une onde, un plongeon, un pli dans la nuit ?

C’est un texte qui ne s’apprivoise pas mais qui se ressent. Une invitation à laisser les mots faire leur propre plongeon en nous, à accepter de nager dans leur désordre lumineux sans chercher à tout clarifier. Un texte qui éclate, qui murmure et qui rit de lui-même – et qui, au fond, nous invite à plonger avec lui, sans demander notre avis.