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 Article publié le 19 janvier 2014.

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Si d’aventure en aventure je pouvais entrer dans tes pensées, s’il m’était donné d’en rendre compte à la lettre, alors aussitôt le mouvement d’écrire qui consiste à te prêter mes pensées cesserait.

Ce ne serait pas la fin, mais le début d’une aventure inénarrable.

L’insoutenable de cette aventure me détourne de caresser un projet aussi insensé : je préfère t’entendre me parler.

En ton absence, je te livre ce que j’ai entendu d’un dialogue imaginaire avec toi.

Encore une aventure, me diras-tu, mais qui en dit long sur l’homme que je suis, quand il se laisser aller à penser à toi qui n’es pas là. 

Jamais, au grand jamais je ne céderai à la tentation malheureuse d’imaginer ce que tu peux bien penser. Je préfère t’entendre rire et chanter, parler et même soupirer, m’offrant ainsi à entendre ta pensée vivante.

Aussi, mon amie, quand d’aventure je te prête des pensées, sache qu’elles ne sont pas directement empruntées à tes propos, mais librement interprétées à partir de ce qui me vient en pensée quand je songe à toi, mouvement heureux dont je ne cesse de me départir pour ne pas t’enfermer dans une parole dans laquelle tu ne te reconnaîtrais pas.

Pour m’en départir, il me faut les écrire.

C’est cette part de moi-même qui te cherche que je t’offre dans ce poème et tant d’autres qui ne font qu’esquisser un mouvement de lutte qui se résout dans l’écriture qui seule m’affronte à ce que je ne suis pas, en ce lieu des lieux où toi seule commences.

Toute ma pensée qui me vient de toi se borne à l’infini de cette parole que je t’adresse : Viens, dis-moi quelque chose !

Parle-moi pour que cesse l’entente entendue, pour que recommence l’aventure au long cours que tes mots font naître en moi à chaque fois que tu es là.

J’écris avec ma vie.

Peu de récits me viennent depuis quelques années, sans doute parce que j’éprouve le besoin de réfléchir plutôt que de m’émouvoir.

Ainsi mu par la curiosité, tenaillé par le besoin de comprendre, je sauve les meubles en réfléchissant à ce qui m’émeut un peu, beaucoup, passionnément.

Aventure et émotion vont de paire, tandis que mon imagination bute sur qui tu es, provoquant cette paradoxale aventure dans les mots qui s’aventurent à imaginer la personne que tu es qui me fait rêver, à qui, ce faisant, je communique mes rêves, mais avec cette nuance de taille qui fait toute la différence à mes yeux : je ne souhaite pas plaquer sur toi des fantasmes et des attentes qui ne correspondent ni au vif de ta parole ni à ce que tu penses sur le fond et ressens.

Suis-je assez clair ?

C’est ce que tu dis qui prime sur ce que j’en puis dire et c’est ton absence qui m’incline à prendre la parole à mon tour, mais en écrivant.

Tu l’auras compris : j’écris pour combler le vide de ton absence.

*

Jamais embarrassé de détails, mais précis, extraordinairement précis dans le choix de ses formules, le voici arrivé au sommet de son art, avec le fatras du monde qu’il fréquente comme toile de fond et la boussole des mots clairs et nets pour se déprendre du fatras dans lequel il lui serait trop facile de s’engluer comme tout un chacun.

Il n’attendait jamais de lui-même une direction nette et précise, mais un circuit haletant, une courbe infinie qui finirait bien par rejoindre l’initial de son tracé, et ainsi de boucle en boucle devenir cette clef de sol qui le faisait rêver.

Entre temps, des traces, nombreuses, peut-être trop nombreuses, jetées comme autant de notes de musique dispersées aux quatre vents, traces sans odeur, mais suivies par d’autres, peut-être, intrigués et haletants comme lui.

Il ne pouvait pas être seul sur ce coup-là. C’était trop énorme. On entendait le brouhaha d’une musique dense qui battait son plein de l’autre côté de la colline.

Aux marges fines, il préférait les parages de ce qu’il ne savait nommer que de très loin.

La frontière était ténue entre ce qu’il se résolvait à appeler les marges et cette marche en avant qui le tenait toujours éloigné de ce qui se pressait dans son cœur aux heures tendres.

Son cœur eût-il été emporté — le cœur qui s’emballe, cheval fou, ivre de sa course — voilà qui aurait été fatal à sa prose, si d’aventure il avait cédé au fatras du monde qui enjoint au cœur de s’emballer.

Ainsi cerné par le monde qui lui tenait à cœur, libre de s’égarer dans la parenthèse que formaient ces deux hypothèses conjointes, il avançait vers la formulation de l’énigme musicale qui dansait dans sa prose.

Jean-Michel Guyot

17 décembre 2012

 

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