Le général à cheval se dirige vers la Gaule, un pays voisin qu’il veut conquérir pour s’assurer un prestige définitif à Rome.

Pendant sept ans, de -58 à -51, Jules César affronte les différentes tribus gauloises qui occupent ce qui sera la France, ainsi que les helvètes, les Belges, les Bretons et les Germains. Il ne connaît pas l’ensemble de ces peuples qu’il soumet sans la moindre hâte, pour que son succès paraisse d’autant plus glorieux.

Son esprit curieux et ouvert le conduit à retranscrire les mœurs et les comportements de ce grand pays qu’il apprend à connaître au fil des conquêtes. A l’instar des historiens grecs, il prend rigoureusement et régulièrement des notes qui seront, à son retour, compilées.

 « La Guerre des Gaules  » se décompose en huit séquences, autant de périodes allant de -58 à -51. Jules César est à la fois en avant et en retrait, l’utilisation de la troisième personne autorisant une implication personnelle et une mise à distance. Le Romain raconte les Gaulois, le Romain raconte les paysages, le Romain raconte les batailles, le Romain se raconte. Extraits :

« Il y a une rivière, la Saône, qui va se jeter dans le Rhône en passant par les territoires des Héduens et des Séquanes ; son cours est d’une incroyable lenteur, au point que l’œil ne peut juger du sens du courant » .

Face à la quasi statique de l’eau, la narration césariste apporte sa propre fluidité dans laquelle la précision a toute sa place, ce qui montre que le Romain est observateur à l’égard de la nature, un observateur sensible qui sait retranscrire ses propres émotions.

Un peu plus loin, pour évoquer une bataille contre les Helvètes :

«  Pendant toute cette action, qui dura de la septième heure du jour jusqu’au soir, personne ne put voir un ennemi tourner le dos ».

Cette phrase, lapidaire, montre l’esprit de synthèse et l’inspiration de l’écrivain qui évoque l’acharnement du combat.

Un peu plus loin encore, à propos des Nerviens :

 « Les marchands n’avaient aucun succès auprès d’eux ; ils ne souffraient pas qu’on introduisît chez eux du vin ou quelque autre produit de luxe, estimant que cela amollissait leurs âmes et détendait les ressorts de leur courage ; c’étaient des hommes rudes et d’une grande valeur guerrière ; ils accablaient les autres Belges de sanglants reproches pour s’être soumis à Rome et avoir fait litière de la vertu de leurs ancêtres ».

Ordonnancement, clarté, fluidité, ouverture, concision … inspiration … le style de César reprend en quelque sorte le classicisme grec et le structure davantage, lui donne une assise supplémentaire. Cet ouvrage, composé de nombreux récits, se lit comme un livre de littérature où les informations historiques et ethnographiques s’entremêlent, où la description des paysages et des climats est aussi importante que celle des batailles. Dans « La Guerre des Gaules », tout y est : le déploiement des légions romaines, leur tactique, la vie des tribus gauloises, la vaillance des soldats … un véritable journal de bord qui transpire conjointement la propagande et l’amour de la langue latine.

Avec cet ouvrage unique, non seulement César apporte à Rome un témoignage concret de son action – un ouvrage écrit pour la postérité - , mais il pose sans le savoir

les fondements les plus solides de ce que l’on appellera couramment, au XVIIe siècle, le classicisme. Jules César l’écrivain n’a rien à envier à la prose des auteurs latins de son temps : sa culture, largement hellénistique, et son art de la synthèse lui permettent d’affirmer un style unique, reconnaissable entre tous.