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 Article publié le 16 mars 2014.

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Ah ! Si Elsie savait ! Si savait Elsie Ah !

 

(Il rit.) (Elle dit : T’es con ou quoi ?)

 

Ti rrri tititi titi tititi Ta !

 

facileu la chanson

suffit d’savoir chanter

disait Papa à Ma

Man qui chantait aussi

 

tu trouveras la clé

si Papa le veut bien

S’il veut pas t’es foutu

maman te violera !

 

Ti rrri tititi titi tititi Ta !

 

Ah ! Si Elsie savait ! Si savait Elsie Ah !

 

le train est parti sans moi

 

(Il répéta cette phrase plusieurs fois et se lassa.)

 

— Si c’est une chanson

que tu veux composer

va voir chez la voisine

je crois qu’ell’ ne dort pas

 

il faut que ça rime, merde

 

il n’y a pas de nuit sans cette idée

que : ce n’est rien : qu’un rêve :

les rêves ne sont pas plus vrais :

que les histoires : Bébé va dormir :

pas besoin de lui sucer les pieds :

il dort très bien sans ça : Bébé :

pas de nuit : sans : au moins ceci :

je vis parce que je veux vivre :

je me suis répété ça toute ma vie :

et je ne le répète à personne : sauf :

si c’est un poème que je suis en train :

d’écrire : là : dans la nuit : alors :

que je viens de perdre de que j’aimais :

le plus au monde : elle n’a plus ce :

contour : elle a perdu : ma nuit :

 

(Et comme il poétisait sans pouvoir mettre fin au rythme que lui imposait la douleur, le vent se leva, toujours dans le même sens, agitant les stores qu’on avait oublié de replier sur eux-mêmes comme je me replie sur toi-même maintenant que tu dors à jamais. Il suait légèrement. Un peu froid aussi : écris : froid : sans ce froid : le sens se perd : tu écriras : froid : chaque fois que j’aurais froid : et rien : quand je ne serais plus là pour avoir froid  : il sentait que le drap s’humidifiait. Il plia ses jambes. La pluie se mit à tomber, agitant des pétales. Pourquoi ne pas revenir ? Seul. En mission. Paterson me demandera une justification. Je vais y penser toute la nuit. J’irais. Le train ne partira plus sans moi.)

 

un jour tu dormiras

sans penser une seule seconde

aux autres

 

tu ne penseras qu’à toi-même

tu te verras dans la mort

et elle prendra un sens

 

demain est un jour sans fin

un jour de solitude presque supportable

les parapets auxquels tu penses

valent bien les sables de l’aurore

 

aimeras-tu encore si personne ne t’aime

d’abord ?

qui recommencera ce qui est perdu

sans toi ?

 

le mouchoir. le sang. ce billet de voyage. paterson l’a regardé des deux côtés. il m’a souri. la clope pendait sur sa lèvre. il a reposé le billet sur les dessous. refermé le tiroir. glissement interrompu par. il insiste. retire le tiroir. sa main explore cette profondeur. non. rien. dit-il. des fois. j’ai souri moi aussi. le même billet dans ma poche. il suffirait. mais je ne l’ai pas tuée. qu’est-ce que je cache. je me cache. je tiens à cette existence. je ne possède qu’elsie. et elle me possède. avec juliette. je veux dire : justine. nous. promesse d’été. tu verras. toi et moi dans cette eau. tu ne veux pas en savoir plus.

 

Cher papa,

je t’écris parce que je n’ai plus de nouvelles de toi depuis que maman est morte. J’ai épousé Elsie ou c’est elle qui m’a épousé (excuse-moi de plaisanter, tu es peut-être souffrant, on n’est jamais chez soi dans ces maisons). J’ai arrêté mon premier délinquant. Je ne dis pas que ç’a été facile. Il était armé d’un cutter et me menaçait. Je lui ai tiré dans le genou. Il est infirme mais je suis vivant. Elsie est fière de moi. Tu le serais aussi si tu… Je ne sais pas de quoi tu as besoin. Écris-moi à l’adresse ci-dessous s’il te manque par exemple des vêtements ou des cassettes. Elsie voudrait te connaître mais elle a peur de ces maisons. Sa mère n’y a pas fait long feu. Te souviens-tu, Papa, comme nous avons bien vécu quand maman nous a quitté ?

 

les trains voyageaient sans moi

le ballast est en ruine à présent

des enfants y montent pour jouer

à quoi jouent les enfants qui ne jouent pas

 

Paterson me demandera pourquoi. Il voudra savoir pourquoi je veux aller là-bas. La mer. Les vacances. Il dira : Tu sais quelque chose que je ne sais pas ?

 

elsie : tu vas où tu veux. c’est ton boulot. paterson est content de toi. lui et moi…

 

ou bien y aller sans rien dire à personne

paterson-personne

se souviendra du billet trouvé dans le tiroir

il dira : tu sais quelque chose que je ne sais pas, mec.

et il aura raison —

 

.si tu as besoin d’argent ne m’en demande pas pour l’instant car je n’en ai pas. Nous avons même des dettes. Tu te rends compte ? Si encore il y avait assez de place pour te recevoir, mais non. 18 mètres carrés avec un lit de deux mètres carrés, il en reste 16, tu te rends compte ? Je te laisse calculer le reste : l’armoire : la table : la télé : les dégagements des ouvertures : deux portes et une fenêtre : impossible de faire mieux, tandis que toi tu as une chambre pour toi tout seul, et tous les avantages de la vie communautaire. Non vraiment je t’envie. Je ne sais pas si on aura cette chance, Elsie et moi. Demain j’arrête mon deuxième délinquant. Ce sera plus facile : il a ton âge. Tu te rends compte ? Elsie dit que le monde est fou. C’est ce que je pense aussi.

 

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