Les lecteurs de la RAL,M ont pu explorer depuis plusieurs années l'univers pictural de Valérie Constantin qui exerce son influence sur l'esthétique de cette revue et des ouvrages publiés par Le chasseur abstrait. Les « bruits » constituent une partie seulement de son œuvre plastique, mais ils ont une importance nouvelle. Ce sont ces « bruits » qui forment en ce moment l'essentiel du contenu proposé par l'artiste aux internautes. Exposition qu'on peut visiter sur son site :
valerieconstantin.ral-m.com
Les bruits y sont déclinés en trois mouvements ou phases qu'il convient de commenter. Une unité s'en dégage, uniquement plastique, avec ce que cela impose de retentissements intérieurs.
Bruits du monde.
Les « bruits du monde » comportent deux séries : Homme+Monde et Portraits. Cette double approche est le fruit d'une vision. La première série capte l'homme aux prises avec le monde. Le site nous en offre quelques images, dont les deux ci-dessous. On voit bien comment le langage se donne à voir, d'abord dans l'effet de miroir qui n'est pas sans évoquer Rorschach et les vues radiologiques, double effet corps-mental qui se retrouve dans l'image suivante où le corps est superposé à sa mort figurée par ces bougies qu'on dépense dans les cimetières espagnols. Pour ceux qui ont identifié les espèces de poumons du premier, les tourmentes meurtrières de Katrina en constituent le bruit. D'autres bruits, sur l'écran où s'immobilise le second, témoignent d'une approche et d'un passage de pas qui sont peut-être tout ce qui reste de ce monde quand il est consommé.
Une fois passé ce chapitre commun à nos existences approximatives et éphémères, c'est l'œil qui s'approche des visages pour en concevoir les portraits. Visages non dénaturés, car ils conservent leur regard et l'expression figée par l'arrêt sur image. Et comme chez Gauguin les murs sont habités par les rêves et les pensées, d'autres figures moins bavardes emportent ces visages dans un monde qui leur transmet ses vertiges ou ses joies, selon la couleur dominante ou les aléas de la composition. Le peintre ne peut aller plus loin. Il s'arrête là où l'écrivain continue d'explorer ce qui n'a plus d'importance plastique. On a l'impression d'une invitation à appronfondir ce que l'art ne peut par nature que caresser entre le regard et le support. La démarche est purement moderne, débarrassée des effets narratifs et dramatiques que la peinture emprunte trop souvent à la littérature et au théâtre. Pas facile de s'en tenir à cette sérénité crispée. C'est pourtant ce que conçoit et réalise Valérie Constantin.
HOMME + MONDE
PORTRAITS
Voir Les bruits du monde.
Bruits des mots.
Trois séries explorent ces « bruits des mots » : voilà ce qui arrive à cette percée du tableau que j'évoquais plus haut. Le texte, les textes ne peuvent se situer dans la continuité de l'œuvre plastique. Mais ils existent et leurs feuilles, tachées d'encre ou hypertextuelles, ont aussi leurs moments de fixation au support plastique. On n'y lit plus, mais il ne s'agit pas là seulement d'un prétexte. On devine les mots, quelquefois ce qu'ils composent en transparence interposée entre la gestuelle du créateur qui est bien obligé de se bouger pour exister et une vague d'explications qui ont toutes les chances de se perdre dans la nuit psychologique et intellectuelle. Il s'ensuit un plaisir que le silence appelle bruit par amour.
COMPRESSIONS I
COMPRESSIONS II
COMPRESSIONS III
Voir Les bruits des mots.
Bruits du noir.
Les « bruits du noir » illustrent l'absence de couleur. La synthèse additive n'a pas d'application en peinture. Elle ne concerne que les sources lumineuses, faisceaux dont la superposition donne une couleur plus claire que ses deux composantes ou de la lumière blanche si trois primaires coïncident. On conçoit alors aisément que, si on éteint, on est dans le noir. Pourtant, en peinture, c'est le mélange des trois primaires qui donne du noir et deux primaires s'assemblent dans une couleur plus foncée. Il n'est question ici que de lumière et non pas de l'ombre dont la couleur est bleue. Etc. Tous ces jeux de peintre sont présents à l'esprit quand on se trouve face à ces bruits du noir. Et ce qu'on distingue, soit parce que la lumière est faible, soit parce qu'on nous contraint à entrouvrir les yeux, n'a pas de forme reconnaissable, en tous cas pas au point de nous inspirer un quelconque jugement esthétique ou moral sur ce noir qui demeure sciemment cosa mentale.
Voir Les bruits du noir.
Notes in-progress de Patrick Cintas
|