Catalogue de Valérie Constantin | |
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Sonnets dénaturés pour Valérie (Patrick Cintas) |
Bien
avec toi c’est facile
et le vent vient toujours de la mer
sur ta peau il éteint le feu
tes seins sont deux mouettes
je les retiens
sous moi — bien
c’est tellement facile de t’aimer
tes jambes sont deux ailes
et ton sexe est le bec de l’oiseau —
que rature le vent quand tu parles ?
Il n’est pas nécessaire de t’aimer
pour te comprendre — bien
je t’aime facilement
tu brûles du même feu
enfin j’espère
que c’est le même feu
si ce n’est pas le même
est-ce que c’est la même chose ?
Bien — c’est bien
ton amour mon amour
ta peau trempe ses plumes
dans l’écume
je te suis pas à pas
je ne sais pas voler
mais je vole
— je t’aime
c’est facile puisque je t’aime
c’est bien
si tu m’aimes
moins facile si c’est le vent
qui auréole ta peau — je viens
si c’est bien — je me tais
s’il le faut — je suis bien
si c’est facile
et si ton cœur ne résiste pas
mais je rêve –
Ce que tu me rappelles
n’est pas le ressac de la vague dans les galets
ce n’est pas non plus l’oiseau
qui regarde la mer
et que tu regardes
pour y trouver des formes à former
dans le blanc du papier qui t’inspire
mon amour
Qu’est-ce que tu me rappelles ?
j’ai marché avec toi sur la plage mouvante
observant d’un œil vague le galet de ton choix
et j’ai choisi le verre à l’usure savante
dans la main d’une enfant qui n’était pas la tienne
mon amour
tu me rappelles l’horizon aux barques noires
et le jet de poissons dans l’ombre du quai
et ton pas de danseuse marchait dans mon cœur
mon amour
tu me rappelleras le miroir métallique
et la digue tombée en travers de la mer
comme un arbre la digue au fond de la lumière
où le soleil baignait tes pieds
avant que la lune ne s’y cendre
lune penchée orientale et lointaine
chats aux beaux nœuds papillon rouges
— on croirait que tu m’aimes
mon amour
mon amour tu me rappelles
après m’avoir abandonné
à tes délices de papier
où je ne suis qu’un personnage de circonstance
mais on s’aime
mon amour
on s’aime vraiment.
Tes mains croisent les bijoux
tes mains courent dans le fond d’un tiroir
va à la fenêtre
la mer est un morceau de papier
mais tu lis
comme si le livre lisait
je saurais lire
la mer rognée aux quatre coins de l’univers
une barque
un ventre où convergent mes mains
pas un bijou à l’horizon
c’est parce que je t’aime
pas un livre
sous la mer qui lutine
un poisson blanc et noir
œil noir
un oiseau au bec rouge
le filet qu’il arrache à la terre
ouvre la fenêtre
déchire la mer
qui pourrait t’en vouloir
tu changes de couleur chaque fois
est-ce que tes mains soulèvent le bleu ?
qu’y a-t-il sous ce scintillement ?
le bijou s’ajoute
tu ne ressembles plus à rien
c’est fou ce que tu peux exister
c’est fou ce qui se passe dans ma tête
éclaire ma fenêtre
je n’ai pas de maison
va à la fenêtre mon amour
à la fenêtre s’il te plaît
j’ai acheté un cheval de papier
mais les fleurs sentent bon
enfin je crois
je crois que les fleurs sentent bon
blanc de la fenêtre
blanc de tes yeux
j’ai une petite douleur sur ma langue
je te parle d’amour
il faut voir comme tu m’aimes
il faut le voir pour le croire
mais qui croire ?
qui croira que je dis la vérité ?
mer
ciel
main
bijou
amour
et alors ?
pourquoi pas à la fenêtre ?
j’ai froid —
petit poème
deviendra grand
mon amour de femme
déchire un coin de mer
un coin de bleu
l’écaille d’un poisson toute d’argent
il y a du métal dans ton regard
je n’aime pas comme il faut
c’est que je n’aime que toi
tu ressembles à un morceau de papier
attends
moi
mon amour
attends-moi
morceau de papier arraché à la mer
ou volé au bec de l’oiseau
je ne sais pas ce que j’ai fait
mais je l’ai fait
petit poème
étroite fenêtre
l’un se ferme
tu ouvres l’autre
je cesse d’écrire
tu croises d’autres bijoux
Est-ce possible
tant de scintillements ?
compte les scintillements
en commençant par un —
compte les morceaux de lumière
que la mer rassemble pour toi —
poisson qui vole comme un oiseau
les oiseaux respirent dans l’eau
oiseau qui meurt comme un poisson
les poissons crachent de la fumée
Est-ce possible ?
qu’est-ce qui est possible ?
à la fenêtre infiniment
tes bras négligemment croisés
que se passe-t-il si je t’appelle
par ton nom ?
eh !
mon amour
faut-il que je t’aime
fenêtre ouverte sur le monde ?
j’ai du mal à respirer
c’est ce qui arrive aux poissons dans l’air
arrache mes écailles une à une
ma peau est un infini d’étoiles
petit poème deux par deux
Qu’est-ce qui est plus vrai que notre amour ?
je t’interroge petit poème
et tu ne réponds pas
C’est que tu n’as rien à dire
petit poème
C’est que tu n’es pas concerné
petit poème
petit poème qui s’étire
comme un corps de femme
raconte-moi l’existence des mots
dans la maison que tu habites
un deux trois
le compte y est
je n’ai pas bien compté
mais je sais ce que je dis
enfin je crois que je l’ai dit
que je t’aime
que c’est toi
que j’ai peur
que j’écris
que je dors
que je rêve
que je sais
je crois bien te l’avoir dit
mais ce n’est peut-être pas le cas
il faudra que je me souvienne
de ce que j’ai laissé
je m’en souviendrai si c’est possible
si j’ai bien compté sur toi
La fenêtre comme le blanc de l’œil
qui a vu l’amour
petit oiseau deviendra grand
si nécessaire
si possible
si c’est vrai
vain rectangle de lumière
pour blesser mon cœur d’homme tranquille
petit oiseau
deviendras-tu grand
si on te le demande ?
la fenêtre est ouverte — jurons-le !
comme le blanc de tes yeux
l’oiseau vire au vert
paraît-il
si le soleil l’écorche vif
je veux le voir pour le croire
je veux tellement de choses !
faut-il commencer par se taire ?
oh mon amour faut-il commencer par là ?
le coin de tes lèvres porte le seul mot
qui me va comme un gant —
au coin de tes lèvres il y a tout ce que je sais
de la femme —
oblique parallèle
quel est ton miroir ?
est-ce que mon reflet est un reflet ?
est-ce que je joue avec le même miroir ?
comme le blanc de l’œil
entre moi-même et mon semblable —
on dirait que tes caresses se rapprochent de moi
— l’oiseau est de profil — quelle belle image !
Courez ! non, volez ! non... filez
filez des voyages
il y a des voyages
pour tous les oiseaux —
on ne court pas dans l’air —
qui volerait autrement ?
certainement pas les oiseaux
ombre après ombre mesurés.
Filez ! qu’on ne vous revoit plus
que la barque vous emporte
au fil de sa mâture — filez
doux oiseaux de mer.
J’ai tellement envie d’aimer
celle que j’aime
mais l’aimer comme on aime
quand on s’aime vraiment.
Filez ! et ne comprenez plus rien !
la mer ne vous comprend pas non plus
raturez les barques noires
qu’on découpe dans du papier journal.
Filez ! filez ! beaux oiseaux, bon augure !
que les ports vous rattrapent
que les veuves des marins vous habillent de vert !
le vert c’est la couleur du temps —
le temps ne se rattrape pas !
Peut-être écrire ce qui n’arrive pas
Dire que c’est un poème
Et l’écrire pour qu’il soit lu
Et dire que personne ne le lit !
Ce qui fait mal
Ce n’est pas tellement ce que le mot ne contient pas
Il contient ce qui est lu
S’il y a quelqu’un pour lire —
Ce qui fait mal
Ce sont des yeux qui se posent comme des oiseaux
Et qui mangent comme des oiseaux
Ta bouche aussi est un oiseau —
Mais quel oiseau te destine au vol ?
Tes yeux décrivent mes vols futurs
Mes ciels de lit
Comme une bouche ouverte dans mon esprit
La totalité de tes yeux
Que m’arrive-t-il si j’écris
Ce que tes yeux ont peut-être vu ?
Ramène-moi une poignée de terre
De ce pays où tes yeux sont rois —
Ramène-moi cette poignée de terre
Et jette-la dans ma vie.
Dire que c’est un poème
De lignes mélodiques en conversations
C’est le meilleur poème que j’ai jamais écrit
— Je ne sais plus écrire
Je mens parfaitement
J’écris ce qui arrive
Et ça ne change rien.
Quel oiseau à l’aile de tes yeux
Déchire le moment tant attendu
Où les morceaux de ma terre natale
Ne sont rien moins qu’un livre de géographie
Coupé en morceaux
Par le livre d’histoire en forme de couteau ?
Couteau
Coupe l’oiseau
dernier poème.
Elle est morte
elle est morte la vie
que j’ai rencontrée dans tes yeux
dans un moment de rêve.
Je m’égarais
je ne savais rien ni du rêve
ni de l’amour
ni de tes yeux
Ce que je savais n’a plus d’importance
la mort le dit
et la mer patine toujours la roche
pas loin
Je n’ai rencontré qu’un mauvais rêve
tu ne me regardais pas
ne regarde pas
ce que je fais
Ce n’est pas pour toi que je le fais
je le fais pour moi
pour la mer qui s’évapore
et pour le soleil qui copule
Je le fais pour qu’on n’en parle plus
je l’écris pour que ce soit dit
et déjà tu n’existes plus
à la faveur d’un mot
Je suis triste triste triste.
Tu ne peins plus ?
tes yeux ne peignent plus
ni tes mains ni ton cœur ?
c’est que tu n’existes plus
tu parles des oiseaux
tu imagines des violons
tu ouvres la fenêtre
et c’est comme ça que tu n’existes plus ?
que fais-tu du papier ?
chaque feuille est une aile
tes mains sont les plumes de l’oiseau
et tu cesses d’exister
qui t’aime mieux que moi ?
C’est chouette
tes mains au dessus de la mer
comme des oiseaux
un trait noir dans l’écume
et tes bagues métalliques percent
cet assemblage de rayons
— on dirait que tu peins.
C’est chouette —
je te dis que c’est chouette
tes yeux qui lavent le sable
tes yeux qui empourprent le blanc
c’est chouette ce que tes yeux changent
dans l’organisation des rayons
— je croirais que tu peins
et tu peins
tu peins la chouette au regard circulaire
tu peins le feu rouge au milieu du visage
tes personnages transportent des couleurs
qu’est-ce que c’est ce point d’interrogation ?
c’est une étoile
mais il manque la nuit
tu ne sais pas peindre la nuit
tu peins la chouette sans la nuit
tu éloignes la douleur d’un coup de pinceau
c’est chouette
le mélange de primaires dans un coquillage
le coquillage ne vit plus sa vie de coquillage
tu as laissé faire ton cœur d’oiseau blessé
et tu es plus chouette que la chouette
je t’aime
je t’aime
je t’aime
chouette le papier que tu peins
chouette le papier qui te peint
chouette la peinture qui t’anime
chouettes les pinceaux la fenêtre le mur blanc
la cascade des morceaux de coquillage
et le miroir des nacres au bout de tes doigts
c’est chouette une femme qui peint
elle peint avec les cheveux
avec le bout des doigts
elle se couche sur le papier et elle peint
elle peint la pointe de ses seins
elle peint son ventre
elle voit un oiseau
et elle peint les couleurs de l’oiseau
comme si c’étaient les couleurs d’un oiseau
mais c’est les couleurs du temps
et rien ne s’est passé qu’on puisse mesurer
je vous dis que c’est une femme qui peint
elle met ses mains au dessus de la mer
et je l’aime à cause de ses mains
qui déplacent le ciel
elle peint le chat
et le chat m’aime
elle peint le mur
et je vois le mur
la porte s’ouvre
je n’entre pas
le pinceau fait le tour de sa tête
il veut peindre des cheveux
et il peint des cheveux
parce que c’est ce qu’elle veut
elle veut peindre
avec l’eau
avec l’huile
avec le feu qui dévore son âme
elle coupe la femme en deux
et la femme est coupée en deux
le papier aussi est coupé en deux
la peinture est coupée en deux
la maison aussi
et la mer
et la porte qui est ouverte
pour que je vois ce qui se passe
il se passe une femme qui peint
il se passe que je trouve que c’est chouette
et quand c’est chouette j’écris
ce qui n’est pas plus mal
que de ne rien écrire
à propos de la femme qu’on aime.
S’il y avait un oiseau sur ta radieuse épaule
— imagine l’oiseau, son aile blanche et noire
o imite son cri au dessus de la mer
raturant le soleil d’un coup de bec ailé —
s’il y avait un oiseau et si l’oiseau était
plus qu’un oiseau une aile et plus que l’aile un vol
s’il y avait un oiseau, que l’oiseau ramenait
l’encre et le sel et l’eau qui compose le vent
— imagine son cri, tu l’imites si bien
et le soleil revient avec le vent la vague
avec l’écume blanche et noire de son aile —
s’il y avait un oiseau et que ta blanche épaule
en aile se muait et que l’amour naissait
de ce repos sans fin — s’il y avait un oiseau
un oiseau blanc quelconque et noir avec le vent
et la mer au dessus de la mer qui rutile
tant il y a de la vie et que la vie s’en va
mais si peu que la mort est une imitation —
s’il y avait une épaule où l’oiseau poserait
le détour circulaire de son vaste horizon
si ton épaule était une façon de naître
et si naître n’était rien à côté du tout —
si j’étais un oiseau, j’aimerais ton épaule
je m’y reposerais et j’aimerais la mer
je volerais le vent et j’imaginerais
que le soleil n’est rien à côté de ma flamme
— j’écrirai des poèmes au rythme régulier
les oiseaux ont besoin de ces égalités
sans quoi le vol n’est plus qu’une question de plus
mais que sont les poèmes si tu n’existes pas
sans doute peu de chose, une histoire pour rien
— il n’y a pas de mots pour cacher ton épaule
pas de mots pour changer ma nature d’oiseau
et rien dans le soleil pour éclairer ton cœur
sinon le seul reflet de mon aile changeante
il n’y a rien à vrai dire et surtout pas le ciel
dont j’ai cru un moment qu’il pouvait ressembler
à un oiseau plus grand que l’imagination
qui me servait de lit quand je rêvais de toi.