Catalogue de Valérie Constantin | |
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Avec Frida Khalo - Estoy sola « Chaque toile a son histoire. » |
Le suicide de Dorothy Hale
Une femme qui tombe du haut d’un gratte-ciel, ou bien qui s’envole vers le paradis.
Une femme qui se jette par la fenêtre ou une femme qui se libère.
Une femme qui s’écrase par terre ou une femme qui reste elle à jamais.
Le suicide de Dorothy Hale est un tableau qui pourrait se lire de deux manières. L’une comme son titre l’indique, l’histoire d’un suicide... mais qu’est-ce qui est si dérangeant dans cette image que nous présente Frida Kahlo ? Le sang sur le sol ou la femme intacte, belle et élégante, allongée sur le sol qui nous regarde. Et cette chute comme dans un amas d’ouate, pour amortir le choc ? Ou pour s’envoler vers sa libération ?
La dualité. Thème quasi permanent dans l’œuvre de cette Mexicaine qui a su si bien nous parler d’elle, de sa féminité complexe et cassée. Celle qui se paraît, chaque jour, comme un rituel. Qui se couvrait de bijoux, qui nattait ses cheveux, qui cachait son corps dans d’amples jupes. Celle qui une fois ornée était fin prête pour affronter la vie.
Et sa vie c’était la peinture... et son amour pour Diego, « su niño ».
Rompue par un accident de tramway, elle passa sa vie d’adulte en souffrances et en opérations qui ne la soulageaient guère. Mais elle lutta de toutes ses forces pour continuer toujours... jusqu’à ce que les forces s’épuisent vraiment.
C’est durant le premier séjour alitée, qui dura près d’un an, qu’elle se mit vraiment à peindre. Nouvelle dans la technique de la peinture, mais rôdée déjà dans l’image, son père étant photographe et très proche d’elle. On lui installa un miroir au-dessus d’elle et elle commença à se peindre. Image reflet.
Et, toute sa vie, au fil des tableaux, elle nous raconte ELLE. A part quelques incartades pour quelques portraits de proches ou de gens aimés et appréciés.
A travers chaque toile, chaque bois, elle nous parle de sa souffrance, souffrance de femme malade mais aussi souffrance de la femme trompée amoureuse éternelle du même homme.
Sa peinture lisse, détaillée, emplie de sa culture est le prétexte de se montrer telle qu’elle est.
Ses autoportraits, qui semblent nous fixer droit dans les yeux, qu’ont-ils qui nous mettent si mal à l’aise ? Ils ne nous regardent pas. Ils regardent Frida Kahlo, elle peignait son reflet. Et ce sont ses yeux qui se regardaient, cette fixité du regard si particulière. Un masque. C’est derrière le miroir que ça se passe.
La souffrance y est incarnée à travers très souvent des épines qui enserrent le cou, un ruban, deux larmes qui coulent, un visage émacié... un regard sans complaisance sur la femme qu’elle est. Sur sa solitude. Sur sa fatigue. Sur sa tristesse. Sur son amour trompé... perdu. Sur sa stérilité. Sur son impossibilité de vivre la vie qu’elle aurait aimé vivre.
Chaque toile a son histoire. Chaque coup de pinceau était posé avec réflexion. Comme si elle construisait une narration où chaque mot est pesé pour son contenu, sa signification. Elle nous raconte ses opérations, ses douleurs, son corps emprisonné. Elle nous parle d’avortement, de sang, de puanteur, de gangrène, de putréfaction. Elle nous dit sa solitude, dans sa douleur, dans son amour. Incomprise toujours, sans doute.
La détresse, le chagrin sont derrière chaque image, mais aussi l’espoir et la vie. Le soleil et la lune. Dans chaque tableau elle est une femme, la femme amoureuse, la femme amante. La femme souffrante mais pleine de désir. Elle nous parle de sexe, de désir inassouvi. Elle se montre amoureuse. Elle fouille ses sentiments et raconte sa complexité de femme, mère, sœur, amante, épouse, amie... LA VIE. La sienne. Celle qui lui fait dire :
La colonne brisée
« Estoy sola. Espero alegre la salida - y espero no volver jamás. »