ce type avait violé une fillette de dix ans
il disparut et on ne le revit jamais
cet autre type tua sa mère à coups de barre de fer
il mourut d’un infarctus après avoir confié à la Presse
qu’elle ne méritait pas autre chose
et personne de mon entourage ne lui donna raison
à cinq heures de l’après-midi face à la baie de Chingudy
on pouvait voir passer un voleur de tableaux de peintures
il portait un paquet ficelé qui dépassait de la selle de son vélo
je me demandais ce qu’il contenait
et si mon imagination devait l’ouvrir
pour répondre à la question de mes coreligionnaires.
il y eut même une femme qui donnait des leçons de textologie
sur un banc où fleurissaient des billets d’amour
questionnée sur son passé de collaboratrice de l’ennemi
elle devenait mélancolique en étreignant nos petites mains
quelque chose avait foiré au niveau de l’amour
disait-elle en se frottant les yeux pour se réveiller
d’un cauchemar qui hantait ses jours plus que ses nuits
et qui lui donnait un sens alors que nous n’en avions pas
distiques d’amour rencontrés par hasard au fil des ans
des personnages solitaires peuplaient les marges de l’enfance
plus tard il revit le violeur d’enfant et il lui parla
sans évoquer une seule fois ce qui l’amenait encore ici
à l’endroit même où une fillette de dix ans avait éprouvé
la violence naturelle de l’amour réduit au seul plaisir
elle disparut elle aussi et on ne la revit que plus tard
quand elle eut l’idée allez savoir pourquoi !
quand elle eut l’idée de se noyer dans les remous
d’un égout où nous pêchions le muge à la chair noire
n’est-ce pas qu’elle est délicieuse la chair de la louvine
comparée à tous ces poissons qui se nourrissent dans la vase des égouts ?
vous m’aimeriez si j’étais un homme comme les autres
et si je n’avais pas connu la prison pour cette sale raison
qui vous donne raison, les amis ! comme si je vous aimais
et que vous étiez d’accord pour me servir un autre verre
avez-vous vu avez-vous vu le cadavre le cadavre encore saignant
de cette vieille pute qui m’a volé mon argent
l’argent que mon père m’a donné en quittant ce monde
pour que je ne suive pas le même chemin
le chemin qui l’a conduit à cette tombe de terre
qui disparaîtra avant que je devienne un homme
dans le texte on rencontrait le mot amour cinquante fois
au moins ce qui avait un sens si on y réfléchissait
mais c’était là une pensée qui nous faisait lever la queue
et elle en parlait comme de nos cuculs
fallait-il écouter tout ce qu’on nous disait de ces cuculs
le soir le sommeil avait un goût de lait chaud sucré
courant sur la plage pour se mesurer à nous-mêmes
nous rattrapions des oiseaux qui n’en pouvaient plus
d’être les proies et de n’être rien dans notre imagination
des crabes verts traversaient les jeux inspirés par les choses
il n’y a pas d’enfance sans personnages exemplaires
de ce qui arrive quand on n’a pas de chance
de la chance il en faut si on veut vivre avec les autres
sans les tuer ou seulement les violer au passage
dans le texte le mot amour apparaissait à chaque page
et on avait pour ciel de lit les preuves tangibles de sa fréquence
celui qui disparaît pour toujours perd son sens profond
mais s’il revient il vous pourrit la vie jusqu’à l’angoisse
revenant moi aussi sur les lieux des faits et des choses
qui ont marqué cette enfance qui n’a servi à rien
revenant pour éprouver les mêmes sensations
qui ont détruit ce qui n’a jamais eu lieu autrement
qui êtes-vous personnages d’antan qui voyez-vous
derrière les apparences de bonheur qui s’achète
qui voudrait penser à votre place pour être soi-même
et pourquoi ne répondez-vous pas à ses questions
pas facile de croire que c’est fini que vous ne reviendrez plus
hanter ce qui est enfin arrivé sans vous et malgré vous
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